En Belgique, ils font des chocolats pour attirer les enfants. CQFD.

Alors, me voici, sortant tout droit du visionnage des "Bons baisers de Bruges", dont j'attendais à la fois peu et beaucoup. Peu, parce que personne de ma connaissance ne s'était véritablement enthousiasmé devant le film; "un bon film, quoi". Beaucoup, parce que j'avais entendu dire qu'il était spécial, un adjectif qui promet soit la pire daube se cachant derrière des ersatz d'originalité, soit une vraie perle, un pari risqué ou décalé, inclassable; un dépassement de fonction en soi.

Alors on ne va plus tergiverser, "Bons baisers de Bruges" dépasse sa fonction. Inclassable, ce petit bijou qui nous présente deux tueurs à gages pas très futes-futes, fraichement débarqué à Bruges pour une raison qu'ils ne semblent pas connaitre eux-mêmes. L'un est une sorte de rabat-joie –sympa, pourtant- rondouillard qui visite la ville en vrai touriste lourdaud, l'autre est un crétin boudeur dont la seule ambition est d'aller piccoler au pub du coin... Ce film est une sorte d'hybride, d'amalgame, entre la comédié, le drame, le thriller, tiens et pourquoi pas, la comédie romantique (pour ce point là j'en rajoute un poil, mais bon). Premier film du dramaturge Martin MacDonagh, la distribution se répartit entre Brendan Gleeson, Colin Farell, Ralph Fiennes et Clemence Poésy, et laisse déjà présager de son côté décalé ; parce que bordel de merde ! Gleeson et Farell comme acteurs principaux, ça laisse perplexe (mes réserves surtout adressées au deuxième). Et puis en fait...

En fait, les deux sont impériaux dans leurs rôles de tueurs à gage foireux. Ils nous campent des héros fragiles et touchants, qui se chamaillent pour un rien, humain en somme, avec ce petit chouïa de bêtise en plus pour notre ami Farrell, à qui il faut rendre justice, et qui joue impeccablement un idiot obsessionnel et dépressif, et capricieux. Quant aux autres personnages, ils sont tous crédibles malgré leurs bizarreries, que ce soient un Ralph Fiennes maniaque, un nain aigri et raciste, ou des seconds couteaux tous un peu cinglés. Je crois que seuls les persos féminins m'ont l'air normaux, et encore, Clémence Poésy n'est pas forcément super claire, à tomber amoureuse aussi rapidement d'un bad boy qui se bat avec les clients d'un resto dès son premier rencard ou alors à fournir toutes sortes de drogues à qui le voudra bien.
Le scénario, quant à lui, est ficelé, et quel ficelage ! Sur ce point il m'a semblé retrouver du Coen ; tout se met tranquillement en place, et les détails qui semblaient au départ insignifiants et distillés pour le fun se retrouvent devenir essentiels au fil du film. Je n'en dirai pas plus pour ne rien spoiler, mais sacré scénario. Et puis le tout dans un Bruges magnifiquement représenté (j'ai même envie d'y faire un tour, c'est pour dire !), emmitouflé d'une réalisation sérieuse, parfois accompagnée d'angles incongrus et inattendus, qui pourtant ne mettent que mieux en valeur « Bons baisers.. » et d'une atmosphère parfaitement dégagée, celle d'une ville gothique pluvieuse, à Noël, et voilà déjà un film merveilleux.
Petit point sur les dialogues : on reconnait ici la formation dramaturgique de MacDonagh, soignés comme dans une bonne pièce de théâtre, drôles et impertinents. Le film tire d'ailleurs le plus gros de son fun de ses dialogues (et encore, ça doit être tout simplement fantastique en VO ou même en TrueFrench, parce que ce qui est bien en version québécoise n'est que mieux en version française ou originale).

En somme, un énorme dépassement de fonction ici, pour le meilleur. Gros coup de cœur pour moi, un film à voir et à revoir.
Elivath
8
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le 16 nov. 2010

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5 j'aime

Mojo Saurus

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5

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