Un de ces quatre, nous tomberons ensemble

Le problème quand on s'attaque au visionnage d'un tel film, c'est qu'on a trop tendance à se laisser submerger par l'histoire, au détriment du film lui-même. Bonnie et Clyde, les amants légendaires au destin tragique, épris de liberté, hors-la-loi en cavale, braqueurs de banques : on est déjà conquis ! Et au final, on ne sait plus trop ce que l'on a aimé : le film, ou la légende ?

Du coup, je vais essayer de me concentrer dans un premier temps sur le film exclusivement. Pour vous expliquer à quel point, si vous avez aimé l'histoire de Bonnie et Clyde, vous ne pourrez qu'adorer l’œuvre d'Arthur Penn.
Alors voilà, j'aimerais commencer par saluer la performance de Faye Dunaway, qui illumine le film de sa présence magnétique et incarne à la perfection ce que pouvait être le tempérament doux et rebelle à la fois de Bonnie Parker. Dès les premières minutes, on est charmés par sa voix grave et suave et son assurance de fille "à qui on ne la fait pas". Warren Beatty n'est pas en reste et campe un Clyde Barrow impulsif, sensible et rusé comme il faut, mais tout de même un peu en retrait il faut l'avouer, par rapport à la prestance de sa partenaire.

Mais au delà de la performance des acteurs, il y a également ce que le film nous raconte à leur propos. A travers un montage nerveux entre autres, mais aussi grâce aux nombreuses courses poursuite en voitures et à la musique. Ainsi, le premier morceau que l'on entend fait suite à la rencontre des protagonistes et aussi leur premier hold-up; une scène où l'on voit la voiture dévaler la campagne sur les notes de banjo déchaînées de "Foggy Mountain Breakdown", des Flatt & Scruggs.
La voiture tient d'ailleurs une place prédominante dans le récit, puisqu'elle symbolise tout le détachement, le mouvement et la vitesse relatifs au mode de vie des héros. On la retrouve partout, du braquage au déménagement, comme moyen de fuite ou d'affranchissement. Toujours sur la route, prisonnière de cette vie d'errance, Faye Dunaway traduira parfaitement cette idée lorsqu'elle dira : "You know what, when we started out, I thought we were really goin' somewhere. This is it. We're just goin', huh?" (Tu sais, quand on a commencé, j'ai cru qu'on irait vraiment quelque part. Mais ça, c'est tout ce qu'il y a. On ne fait qu'aller).
Toujours dans l'idée de cette errance forcée, il y a une scène qui m'a beaucoup marquée. Celle où Bonnie retrouve sa famille, quelque part dans un terrain vague. Elle désirait ardemment ces retrouvailles avec ses proches, notamment sa maman qui lui manque énormément, et avait besoin de cette trève, cette parenthèse de sérénité et de calme. Pourtant, toute la scène se joue derrière un filtre jaune qui brouille l'image, un peu à la manière du sable soulevé par le vent, comme si tout cela n'était qu'un rêve éveillé, un mirage de ce qu'aurait pu être la vie à laquelle elle n'aura jamais droit.

Ainsi, le film se fait le messager des états d'âme de ses protagonistes. Sans trop en dire, l'ambiance générale est là pour nous faire comprendre ce que des dialogues ou des postures seraient incapables de retranscrire.

Une œuvre à la hauteur de la légende qu'elle retrace donc, et qui ne verse jamais trop dans le lyrisme. L'intimité de Bonnie et Clyde se présente toujours en pudeur, le réalisateur gardant une distance respectueuse avec les protagonistes, quelque chose qui s’apparenterait presque à de la timidité. On pourrait avoir l'image d'un couple fort et fusionnel, où les partenaires se confondent pratiquement l'un dans l'autre, effaçant toute individualité. Mais à l'inverse, on y découvre un Clyde impuissant, de même qu'un couple tolérant et humble, à la recherche de sécurité et où chacun redoute l'abandon par l'autre.
Un couple qui ressent une profonde admiration réciproque, tout en équilibre : un couple mythique je vous dis (en ce qui concerne le film en tout cas), et dont je ne peux que comprendre qu'il ait engendré un tel amour de la part du public.

D'ailleurs, je ne suis pas peu fière d'avoir attribué leurs petits noms à mes chats, haha !

Tiens, j'ai été agréablement surprise également d'apprendre que Serge Gainsbourg s'était largement inspiré d'un poème écrit par Bonnie Parker pour rédiger sa fameuse chanson. Le voici :
http://www.poemhunter.com/poem/the-trail-s-end/

Et la voici, puisque je ne résiste pas à ce plaisir :
http://www.youtube.com/watch?v=dY9PY4r83p8

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le 28 févr. 2014

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Mlle_Nana

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