Bonnie Parker et Clyde Barrow sont quasiment indissociables de cette Amérique du début des années 30, celle qui élit Roosevelt et qui va, grâce à lui, vivre l'une des plus grandes transformations économiques de son histoire. La Prohibition est abolie, le gangstérisme commence à s'organiser de façon bureaucratique, mais le public se passionne pour les exploits mouvementés et sanglants de ceux qui, comme Bonnie et Clyde, se plaisent à narguer et défier la police et les autorités. A la même époque, séviront Dillinger, Baby Face Nelson ou Mitraillette Kelly... ce sera l'âge d'or des gangsters en marge de la mafia.
L'idéalisation populaire transforme alors hâtivement ce couple de braqueurs de banques en de véritables Robin des Bois des temps modernes, ils vivent dangereusement et leur destin ne peut être que fatal. Arthur Penn décrit avec beaucoup d'intelligence ce passage de la réalité à la légende.
Ce qui différencie son film des autres films de gangsters hollywoodiens traditionnels, c'est que Penn adopte une construction un peu décalée, en contant cette odyssée désespérée avec humour et tendresse, et en magnifiant ses 2 jeunes et séduisants héros pour qui le vol est autant un jeu dangereux qu'une nécessité. Ainsi, le réalisateur tourne le dos à la grande tradition du film de gangsters tels que Scarface (de Hawks), la Chute d'un caïd ou L'Ennemi public (de Siegel)... autres biographies historiques, tout en retrouvant au passage des thèmes romanesques de certains films noirs des années 40, dont Gun Crazy de Joseph H. Lewis, ou les Amants de la nuit de Nicholas Ray en sont les plus vibrants exemples.
La rigueur de la mise en scène contraste avec cette vision romanesque et l'érotisme latent de certaines scènes, comme lorsque Bonnie caresse le revolver de Clyde, symbole phallique par excellence et prolongement équivoque d'un membre viril. Le film surprit aussi à sa sortie pour ses scènes violentes, aujourd'hui bien dépassées, et le final sanglant ramène d'un coup le spectateur à une tragique vérité, donnant brutalement au film une amertume qu'il n'avait pas jusqu'ici. Malgré toutes ces qualités, et même si le film se hausse à un degré élevé dans les classements, je n'ai pas ressenti une réelle attirance, mais j'admire quand même son couple mythique formé par les magnifiques Faye Dunaway et Warren Beatty, au sein d'une reconstitution d'époque années 30 soignée.

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le 28 juil. 2017

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Ugly

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