Bonjour
7.8
Bonjour

Film de Yasujirō Ozu (1959)

Comment oublier la bouille ronde de Isamu, ses mimiques tordantes de petit bonhomme haut comme trois pommes, grave et frondeur à la fois, accroché aux basques de son grand frère, et qui ponctue toutes ses phrases d'un "I love you" incongru en quittant la maison ?
Minoru l'aîné, mène la danse, sérieux comme un pape, tenant la dragée haute à des parents dépassés par l'impertinence d'un rejeton qui n'hésite pas à remettre en cause la toute puissance des adultes en général et de ses parents en particulier.


Année 1960, banlieue de Tokyo : des lotissements pavillonnaires proprets qui se suivent et se ressemblent, réminiscences tatiesques s'il en est, petit clin d'oeil à Mon Oncle, et les portraits pleins d'humour de ses habitants, de ces familles surtout, où les épouses coulées dans le même moule, commères patentées, regardent, surveillent, observent, oeil acéré et langue bien pendue, les achats dispendieux de l'une, les écarts vestimentaires de l'autre, plus jeune, plus moderne, arborant sans vergogne ces "déshabillés occidentaux" dont elles s'offusquent avec une envie à peine déguisée.


La vérité sort de la bouche des enfants dit-on, jeunes êtres en devenir qui ont bien senti la faille chez ces géniteurs prompts à leur apprendre les bonnes manières, ces formules creuses et passe-partout qu'on désigne communément sous le terme de politesse.


Une hypocrisie générale que Ozu dénonce avec le sourire par le biais de petits garnements prêts à faire les quatre cents coups pour arriver à leurs fins, dont l'une, et non des moindres, porte le nom magique de télévision.
On leur reproche de parler sans cesse, d'être de véritables pies, qu'à cela ne tienne, ce sera désormais motus et bouche cousue : Les deux garçons entament une grève de la parole, bien décidés à ne pas céder aux menaces de la mère, aux discours moralisateurs du père ni même qu'à la douceur sucrée de leur jeune tante Setsuko, souriante et pleine d'empathie.


Un joli film, drôle et plein de tendresse cette fois, mais toujours la même lucidité dans la peinture de cette société japonaise en pleine mutation, de ce contraste entre jeune et ancienne génération qui, lui, est immuable, un Ozu souriant et léger en apparence, profond toujours.


https://bit.ly/3lHokrN

Aurea
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les Vilains magnifiques : ces "moches" qui crèvent l'écran et Mes belles amours (ou pas) au pays du soleil levant

Créée

le 25 janv. 2013

Modifiée

le 25 janv. 2013

Critique lue 2.4K fois

154 j'aime

92 commentaires

Aurea

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

154
92

D'autres avis sur Bonjour

Bonjour
Docteur_Jivago
8

Main Basse sur la Télévision

Dans son postulat de base, Bonjour évoque forcément Gosses de Tokyo, où dans les deux cas on retrouve des gamins qui vont affronter leurs parents, allant jusqu'à la grève de la faim, sauf qu'ici...

le 9 sept. 2017

34 j'aime

8

Bonjour
Moizi
8

Hula Hoop de bonheur

Il me semble que j'ai vu mon dernier Ozu il y a plus de six ans suite à un film de lui que j'avais moyennement apprécié alors que j'avais adoré tous les autres et ça m'avait stoppé net dans mon élan...

le 7 nov. 2017

27 j'aime

Bonjour
Alexis_Bourdesien
7

Allez ! Tous Ozu de Beauval !

Malgré mon amour naissant pour le cinéma japonais, à part Kurosawa, je ne connais que peu la filmographie des plus grands réalisateurs nippons. Et Ozu en fait partie. Certes j’ai vu Voyage à Tokyo,...

le 3 mai 2014

27 j'aime

4

Du même critique

Rashōmon
Aurea
8

Qu'est-ce que la vérité ?

L’Homme est incapable d’être honnête avec lui-même. Il est incapable de parler honnêtement de lui-même sans embellir le tableau." Vérité et réalité s'affrontent dans une oeuvre tout en clair...

le 30 oct. 2012

420 j'aime

145

Call Me by Your Name
Aurea
10

Parce que c'était lui...

Dans l'éclat de l'aurore lisse, De quels feux tu m'as enflammé, O mon printemps, mon bien-aimé, Avec mille et mille délices! Je sens affluer à mon cœur Cette sensation suprême de ton éternelle...

le 23 févr. 2018

369 j'aime

278

Virgin Suicides
Aurea
9

Le grand mal-être

J'avais beaucoup aimé Marie-Antoinette de Sofia Coppola, j'ai regardé sur Arte, Virgin Suicides, son premier film qui date de 1999, véritable réussite s'il en est. De superbes images pour illustrer...

le 30 sept. 2011

357 j'aime

112