Blonde
5.8
Blonde

Film de Andrew Dominik (2022)

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Les hommes ne préfèrent pas Blonde

Que ce film aurait pu être du grand cinéma… le montage, les cadrages, les images ( mention spéciale pour celles inspirées de réelles photos de Marilyn ), Ana de Armas qui prend son rôle très à coeur… Oui, ce film est indéniablement bien réalisé et est cinématographiquement intéressant. Avec des similarités d’un Lynch.
Si ce n’est quelques scènes sales, inutiles, voir vulgaires ( un gros plan de l’intérieur du vagin de Marilyn pour n’en citer qu’un )

Oui ce film aurait pu être du grand cinéma…si il ne traitait pas de Marilyn Monroe ou de Norma Jean comme il veut le faire. Débunker le mythe de la star d’Hollywood en lui consacrant un faux biopic, c’est déjà ambitieux et risqué, mais ici le réalisateur crée un personnage de toute pièce et le tue à petit feu. « Please don’t me a joke […] I don’t mind making jokes but I don’t want to look like one… I want to be an artist, an actress with integrity » nous disait l’actrice. La frontière fiction et réalité semble si mince que l’image de Norma Jean qu’on a automatiquement à la fin est celle d’une cruche soumise, perdue, facile, et hystérique. Une blague en somme. Quelle image dégradante de la femme intelligente qu’était notre sex symbol.
Quelle image de la femme tout court.
Casser l’image de star de Marilyn pour la découvrir intimement aurait pu être attrayant, personne n’est dupe, on sait que le personnage était ambiguë et avait sa part d’ombre ( alcoolisme, anxiété… ), mais ici on tue Marylin et Norma une deuxième fois. On s’accapare allègrement la femme pour la regarder de haut elle et ses troubles exagérés, pour se complaire dans un fantasme à la limite de la misogynie
. Est-il question de dénoncer la violence et le patriarcat dans le Hollywood des années 50 ou de démontrer à quel point les femmes sont nunuches et incapables face à leurs propres vies ?
Norma Jean et son rapport aux hommes brouillé par ses daddy issues en devient des plus malaisants tout au long du film, que ce soit son premier mot adressé à un homme durant le film ( le fameux « daddy », qu’elle emploiera tout le long du film pour les hommes ) jusqu’à la fin où l’on fait face à une scène ridicule de son supposé père dans les étoiles. Une Norma obsédée et ne vivant que pour la gente masculine, presque comme son personnage de Marilyn dont on est sensés se détacher dans ce film.. Un vrai paradoxe.

Mais parlons d’un point encore plus gênant : les grossesses de Norma. À la limite d’un discours anti-IVG, on nous montre des scènes ridicules d’un bébé tout formé dans un ventre de femme enceinte de pas plus de 2 mois qui supplie sa maman de « ne pas lui faire du mal » comme elle a pu le faire en avortant une première fois. Malaise…

Qu’elle soit en Marilyn Monroe ou en Norma Jean, notre blonde fait office de gourde totalement instable, un irrespect total pour la star qui était bien plus que ça. Alors oui, c’est de la fiction inspirée de sa vie. Mais dans ce cas inventons totalement un personnage, inspirons nous de la star et du mythe, mais n’allons pas salir gratuitement l’image de la star qui est méprisée et méprisable dans le film. Car on arrive peu à avoir de la pitié et de l’empathie pour une femme-enfant aussi bête qu’elle est montrée ici. Le côté drame psychologique du film aurait cependant pu être intéressant avec ce côté descente aux enfers de notre personnage.

Ana de Armas sublime en Marilyn ne suffit pas pour faire un film sur Marilyn. Ce film n’en est pas un, et ne s’en vends pas comme tel, tout en se ventant d’en être un. Une fan-fiction fantasmée et sale de la star qui gâche alors tout son potentiel d’être un très bon film.
Marilyn le dirait mieux que moi :
« Men sometimes didn't bother to find out who and what I was. Instead they would invent a character for me. »

rdkck
4
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le 3 oct. 2022

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2 j'aime

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