Aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais un si grand fan du film de Ridley Scott même si je rejoins l’avis général que c’est une des pièces maîtresses de la SF au cinéma. Ce thriller cyberpunk sur fond philosophique est magistral, Harrison Ford y était grandiose et puis bien sûr le final avait une saveur particulière ; mais voilà, il lui manquait un petit truc. Donc oui, Blade Runner est un immense film mais je ne fais pas partie de ses fans. Néanmoins, l’annonce d’une suite chapeautée par tonton Ridley m’avait fait lever un sourcil (surtout quand on voit ses œuvres récentes).


Quand le nom de Dennis Villeneuve y a été rattaché, un rassurement est venu pointer le bout de son nez, mais je restais quand même dubitatif d’un tel projet. Car si le livre est assez clair sur la nature de Deckard, et si Scott a voulu jouer là-dessus en proposant différentes versions laissant planner le doute ; le fait qu’il n’y avait pas de réponse mais surtout la fin du film ne laissait pas vraiment de place à une suite. Et donc, qu’en est-il au final de cette suite ?


J’ai été surpris. Je ne sais pas si c’est l’univers même et la façon dont les personnages l’interprète, mais tout comme le premier film est complémentaire du livre de Philip K. Dick, cette suite est complémentaire de son prédécesseur… C’est un sentiment assez étrange. Et effectivement, il s’agit sans doute d’une des meilleures suites jamais réalisées ! Le fait est que l’histoire même n’est pas une suite directe du premier film, elle développe sa propre intrigue en prenant place dans le même univers et construit une continuité avec ce qui a été développé auparavant. Le fait de positionner le tout 30 ans après le premier film aide sans doute à cette approche, mais le fait qu’on ait vraiment une intrigue propre et indépendante fait que ça fonctionne d’autant mieux. Car oui : il n’est pas nécessaire d’avoir vu le premier film pour comprendre celui-ci. Certes, on passera à côté de quelques clins d’œil et de références ; mais les deux films peuvent très bien fonctionner de manière indépendante. Et même si la direction prise par cette suite semble indiquer les réponses laissées en suspens dans le précédent film, Villeneuve a l’intelligence de quand laisser planer un certain doute.


Cependant, l’histoire elle-même reste peut-être le point faible du film. Attention, j’ai beaucoup aimé cette suite et l’histoire m’a captivée du début à la fin. L’ambiance thriller est plus prononcé, on est plus dans de l’anticipation pure que du cyberpunk, y’a des éclairs de post-apo et de dystopie ici et là également. J’ai beaucoup aimé cette atmosphère générale, à la fois très proche et très différente du premier film. La façon dont on suit le personnage de K tout au long de son enquête, qui prend bien le temps de se mettre en place de se développer, d’explorer les possibilités… C’est vraiment plaisant à regarder et il n’y a pratiquement aucune longueur. On retrouve une nouvelle fois les questionnements sur ce qui fait notre humanité, la mémoire, notre âme. La relation entre K et Joi est intéressante, faisant penser à ce que Spike Jones avait fait entre Joaquin Phoenix et Scarlett Johansson dans Her.


Ce qui m’amène à l’univers mis en place. Dans le film de Ridley, l’ambiance était très cyberpunk mais surtout très marqué années 80 dans la façon dont les gens voyaient le futur et les technologies, comme avoir des voitures volantes mais toujours des écrans à tubes cathodiques. Blade Runner 2049 suit cette évolution, et ce qui est marrant c’est que le film lui-même se déroule 30 ans après le premier, tout en sortant 35 ans plus tard au cinéma. Par conséquent, cette vision du futur et des technologies a évolué de façon similaire. On a toujours ces voitures volantes (mais plus élancées) et ses immenses panneaux publicitaires, mais cette fois-ci on y ajoute des hologrammes interactifs, des intelligences artificielles, surfaces tactiles, des drones miniaturisés et ainsi de suite. Et j’ai beaucoup aimé cette évolution dans l’univers, ces nouvelles règles. Et comme je l’ai dit plus haut, je pense que Joi est ce que j’ai le plus aimé dans tout ça, car on se retrouve avec le cas de l’IA qui s’avère être l’élément le plus humain du film, jouant ainsi sur nos peurs actuelles, et accentuant un peu l’aspect dystopique de cette société (où dans le futur proche, nos relations sentimentales se feront via une interface). Et cela mènera d’ailleurs à l’une des scènes les plus perturbantes et incroyables de ces dernières années.


Cependant, comme je l’ai dit plus haut, l’histoire reste le point faible. Si le twist final tiendra pendant un bon moment du film, Villeneuve réussissant une nouvelle fois à maintenir le spectateur sur une mauvaise piste, en soit il paraît presque superflu dans la façon dont on nous le livre. J’ai bien aimé le fait de garder Deckard sous le coude un long moment, comme pour monter une tension, mais au final son rôle n’apportera pas grand-chose, il aurait pu rester simplement nommé, rendant sa présence dans l’intrigue presque mystique. Il y a d’ailleurs toute la partie avec les autres Réplicants qui est au final très bancal car à peine exploitée et au final pas forcément utile, à part pour mettre en place un éventuel troisième volet.


Les personnages de Wallace et du Lieutenant Joshi sont pour ainsi dire inutiles : le premier étant une grosse caricature de vilain sans saveur (au moins dans le premier film, Tyrell avait quelque chose sur lequel on pouvait travailler), et la seconde n’apportant rien à l’histoire non plus. Quant à la réelle antagoniste, Luv, boarf… Ouais, elle est fun un moment en tant que secrétaire/femme de main en mode terminator, mais au bout d’un moment ça commence franchement à lasser et puis pareille, elle n’apporte pas vraiment grand-chose à l’histoire. Bref, c’est bien dommage que la plupart des personnages et intrigues secondaires résonnent au final plutôt creux.


Le casting est à la hauteur des noms qu’il affiche. J’ai beaucoup aimé Dave Bautista, dans un rôle très court mais qu’il incarne à merveille. Jared Leto et Robin Wright font un peu regretter le gâchis d’un tel talent, mais ils font leurs jobs plus que correctement. Mackenzie Davis apporte une touche particulière, mais là encore son personnage est trop léger pour vraiment impacter (sauf de la fameuse scène). Sylvia Hoeks fait aussi un boulot correct, mais comme je le disais, ça devient assez vite lassant. Le poids de l’âge commence à se faire sentir chez Harrison Ford, mais il répond toujours présent quand il le faut.


J’ai trouvé Ryan Gosling vraiment au top. Je rejoins l’avis selon lequel son rôle fait beaucoup penser à ce qu’il avait proposé pour Only God Forgives, et en un sens c’est vrai, il y a ce côté monolithique qui correspond à l’idée qu’il soit un Réplicant, mais il y a ses éclairs d’humanités qui peuvent amener à semer le doute. En revanche, gros coup de cœur pour Ana de Armas, qui a sans doute non seulement le meilleur rôle du film mais est celle qui s’en sort le mieux de façon générale, et de très loin. C’est crédible et on s’attache à son personnage, et l’alchimie qu’il y a entre Gosling et elle est très intéressante.


Techniquement, le film est une splendeur à couper le souffle. Je vais reprendre une phrase de Fossoyeur, mais oui : Blade Runner 2049 est un film beau à voir. La musique de Zimmer essaiera de recréer l’atmosphère et les sonorités composées par Vangelis pour le premier film. Et si globalement ça s’en rapproche, on reconnaîtra néanmoins la patte du compositeur allemand et même si c’est une très bonne BO, ça reste presque trop caricaturale pour sa part (ses détracteurs s’en donneront à cœur joie). Les décors sont fabuleux et les effets speciaux fantastiques.


J’ai beaucoup apprécié qu’on reste très souvent avec du décors/FX réel et mécaniques, donnant à l’ensemble une crédibilité presque brutale lors des scènes d’action (cf la scène d’intro), mais aussi à l’univers en général. J’ai a-do-ré le travail fait sur les hologrammes, le fait qu’ils aient une substance mais qu’en tant que lumières projetées on puisse voir au travers… Ça crée sans doute un paradoxe, mais visuellement c’est magnifique. Et puis encore une fois, la fameuse scène en milieu de film est juste une claque comme j’en ai rarement prise. La mise en scène de Villeneuve sera d’ailleurs une nouvelle fois brillante et géniale, avec des plans qui prennent le temps de développer l’histoire, des scènes à l’atmosphère travaillée, un montage soigné (sauf peut-être à 2-3 moment), et une photographie fabuleuse avec un jeu sur l’éclairage superbe.


Bref, Blade Runner 2049 est comme son prédécesseur un film de SF fantastique, magistral. Sa conception même en fera un film à part, et son ambiance et son atmosphère le démarquerons des autres films de SF de notre époque (même si on y retrouve les même thématiques). Il a ses faiblesses, mais il a également d’immenses arguments en sa faveur. Par conséquent, je dirai que le film de Villeneuve est aussi bon que celui de Scott. Pas forcément pour les mêmes raisons, mais franchement les deux se valent largement. À ne pas manquer !

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le 14 oct. 2017

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vive_le_ciné

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