Difficile de rédiger une critique de Blade Runner 2049 en étant exhaustif sur l'infinité de qualités qu'offre ce nouveau chef d’œuvre du genre. Une chose est certaine, Denis Villeneuve, si l'on en doutait encore, devient alors un des plus grands réalisateurs de sa génération avec cette suite maîtrisée à la seconde près. Immédiatement, l'on est subjugué par l'atmosphère que dégage le long-métrage. Tout d'abord, il y a l'identité déjà très forte du Québécois qui se sublime dans cette épopée néo-Noire. Un style lent, méthodique et parfois nébuleux, rappelant tantôt Kubrick, Tarkovski, Nolan ou encore Winding Refn, mais surtout une mise en scène épurée qui se reconnaît au fur et à mesure de ses films. Ainsi, Blade Runner 2049 enchaîne les plans austères et gracieux, secoués d'encarts violents inattendus, de scènes d'action brutes et justifiées, et de séquences émotionnelles touchantes et sincères. Villeneuve ne précipite pas son scénario, il le laisse vivre, respirer, pour mieux saisir son spectateur.


La composition des plans est magistrale, avec cette mise en valeur virtuose du moindre élément. Le directeur de la photographie Roger Deakins rend ici la plus belle copie de sa carrière, appuyant cette ambiance contemplative nimbée de cadrages sublimes et d'un éclairage halluciné. La profondeur de champ est suave, s'étirant pour mieux laisser émerger les vestiges d'un Las Vegas futuriste, ou bien confinant son personnage à la solitude spatiale, entouré d'une brume sinistre. Des myriades de couleurs viennent ainsi lécher l'écran dans une délicate harmonie à ravir n'importe quelle pupille. Par ailleurs, la mesure est gardée sur l'exposition des effets spéciaux, très souvent pratiques et incroyables (surtout toute la technologie futuriste), pour accompagner l'histoire sans la cannibaliser.


Écrite par le brillant Hampton Fancher (déjà à l’œuvre sur le précédent Blade Runner), l'intrigue de ce film offre une dramaturgie parfaitement comprise et développée autour des personnages, tout en captivant de par l'enquête dont est en charge le personnage principal K (Ryan Gosling) qui va soulever et prolonger de nombreuses thématiques déjà abordées il y a 35 ans sans jamais les dénaturer. Ainsi, le scénario revient sur la quête de l’identité, cette dualité entre réplicants et humains, l'accès à la conscience et aux sentiments, ou encore les fondements de l'humanité, que ce soit sur le plan anatomique, psychologique ou spirituel. Villeneuve charge alors son long-métrage d'une émotion subtile, apportant davantage d'éléments de réflexion, créant les connexions nécessaires au film de 1982, tout en conservant l'ambiguïté initiale. Rarement une suite n'aura été aussi respectueuse de son aîné, et aussi approfondie, à la fois en donnant plus de consistance à la mythologie qui englobe les deux films, mais également en parvenant à se suffire à elle-même en tant qu’œuvre cinématographique.


Par ailleurs, en dépit de cette magnifique lenteur dans la réalisation et d'une durée de 2h40, Blade Runner 2049 ne souffre d'aucun remplissage, d'aucune longueur. Le montage est parfaitement rythmé pour permettre à chaque scène de trouver sa place et happer le spectateur dans cette intrigue mystérieuse, et surtout dans cet univers jamais vu. On peut également compter sur des évolutions surprenantes du récit, garni de quelques révélations fluides qui renversent la perception de l'histoire et de son protagoniste. Cela ne pourrait fonctionner sans le talent inouï du casting, qui s'est surpassé pour transcender le film et lui donner une véritable âme. Si Ryan Gosling a les épaules suffisamment solides pour devenir le nouveau personnage clé de Blade Runner, délivrant certainement sa prestation la plus torturée et poignante, Jared Leto se montre également saisissant en nouveau père des humains de synthèse, Sylvia Hoeks est remarquable dans les extrêmes de ses émotions, Ana De Armas offre la douceur indispensable au contraste de cet univers majoritairement mort, et Harrison Ford surprend aussi par son implication totale, au point de redevenir l'élément central et compléter un arc narratif entamé il y a plus de trois décennies. Même des acteurs moins présents comme Dave Bautista ou Robin Wright ne déméritent pas. Tous sont corps et âmes dans leurs personnages, d'une justesse à faire frissonner.


En ce qui concerne les décors, on évite la redite facile de l'urbanisme démesuré tout en nuit, pluie et néon qui caractérisait le film de Ridley Scott. S'il est toujours de mise, c'est plutôt l'exploration des extérieurs qui donne cette identité particulière au long-métrage, avec un climat complètement déréglé et toxique, d'autres villes et architectures, et un monde désolé, mort, fui par la vie. L'impression de gigantisme est moins présente, mais les visions de paysages qui en résultent sont absolument dantesques. L'atmosphère y est toute aussi étouffante, sinon plus, à travers cette mise en scène suffocante magnifiée par un design sonore extrêmement immersif et travaillé. En premier lieu, le combo Zimmer/Wallfisch crée de gigantesques nappes vrombissantes, s'alignant parfois sur les effets synthétiques de Vangelis, et laissant échapper quelques partitions plus intimistes. De quoi apporter une grandeur à l'histoire, qui comble les visuels démesurés, ainsi qu'un sentiment d'oppression permanent. Néanmoins, le silence a une place prépondérante pour laisser l'action parler d'elle-même, laisser le spectateur ressentir l'environnement grâce aux nombreux plans séquence et des bruitages tellement concrets qu'ils donnent entièrement vie à ces tableaux futuristes.


Blade Runner 2049 ne suit aucune règle du blockbuster traditionnel et s'impose plutôt comme un film d'auteur de grande envergure, pouvant allègrement rejoindre le Blade Runner de Scott au panthéon des œuvres de de science fiction majeures, et révolutionnaires. Exempté de faux pas, parfaitement orchestré et minutieusement mis en scène, ce long-métrage se révèle être tout aussi bien le magnum opus de Denis Villeneuve, qui montre une réelle vision artistique supérieure, qu'un monument-né de science fiction - dense et complexe - à l'atmosphère sans précédent.

AntoineRA
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le 6 oct. 2017

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AntoineRA

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