J'ai faillit ne pas y aller. Voilà un film qui a faillit atterrir dans ma : « Liste des films que je n’ai pas envie de regarder, plus un navet », à cause de la bande-annonce. Racoleuse, comme pour un film d’action à gros budget, avec quelques explosions pour faire plaisir aux jeunes, et Harrison Ford en tête de gondole, pour rassurer les vieux. BA racoleuse et bourrin. Pas terrible. Ensuite vient l’affiche, au graphisme poussiéreux, piqué sur un visuel de Star Wars, et très typée années 80. Pas terrible non plus. Et là, je suis invité au cinéma, et on va voir ?


Blade Runner 2049.


« Oh non ! Y’a rien d’autre ? »


« Non. »


Les autres films à l’affiche ce jour-là, c’était  des dessins animés, ou les blockbusters habituels. Non merci. Va pour BR 2049.


   Alors autant dire tout de suite que, si la redite de Rencontres Du Troisième Type par Villeneuve était ratée, autant son reboot de Blade Runner fait plus de sens. Je dis reboot, car en fan du film original, je ne vois qu’une copie « augmentée » par la 3D, mais pas une vraie suite. Donc je ne suis pas déçu. Je n’ai pas crut une seconde que Villeneuve aurait put y arriver. Ridley Scott lui-même, n’a même pas essayé. Et il n’est pas loin derrière (co-producteur), pour surveiller le petit jeune, au cas où celui-ci se permettrait n’importe quoi. Villeneuve, cinéaste récent, intéressé par les gros défis, et la lenteur, mais sans réelle vision. Aucune prise de risque à envisager, déjà vieux. Il y aura une maîtrise totale du cadre. Je ne suis pas sûr que la SF, ça soit son truc, à  Villenueve. Pour ça, il faut une certaine vision, qu’il n’a pas. Ça demande beaucoup plus que la simple maîtrise, la SF. Pourtant il insiste.


   Il était mal parti. Il a dit lui-même que décider de faire une suite à Blade Runner, c’est se mettre en position de faiblesse. Et oui ! Le Blade Runner de 1982, m’a toujours fait l’effet d’un OVNI, film d’anticipation d’époque. SF et Anticipation, c’est pas tout à fait la même chose. Thriller futuriste, Polar noir, sont beaucoup plus pertinents pour parler du film de Ridley Scott. La force, et le mystère du film original, doivent beaucoup à la musique de Vangelis. (Et quand je pense que c’est Vangelis qui a fait la musique de Blade Runner, je me demande encore comment ce film a fait pour ne pas devenir kitsch en deux jours ? Vangelis c’était déjà kitcsh en 82. Incroyable, non ?). Mais passons.


  Coup de poker ? Coup de génie ? Réunion de talents ? En tout cas, l’OVNI de Ridley Scott, est devenu l’objet culte d’une génération, et le modèle de la SF contemporaine, sur un malentendu en somme. La SF n’est jamais là où on l’attend. Ridley a fait le pari d’un film d’auteur hollywoodien, inspiré de Philip. K. Dick. Exploit impossible, réussite inespérée.


   Villeneuve n’a pas Vangelis pour l’aider. Il a Roger Deakins. Au film sombre de Scott, répond la CLAQUE esthétique à la Villeneuve. Du son, on passe à l’image. Los Angeles, sans soleil, mais pas sans couleurs. Gris colorés intenses, couloirs miroitants d’orange feu. Dédale  mental, blanc cassé, froid. Intégrale Bleu nuit, brisé en mille nuances de Bleu(s) sombre. Rose électrique des corps... On pourrait en parler des heures. La photo est magique. Un vrai rêve éveillé qui vous transporte dès le début, pour ne plus vous lâcher.  Avec un budget réduit, Scott a fait un miracle, avec un très gros budget, Villeneuve fait un…répliquant esthétique. 2049, c’est la réplique de 1982, par 2017. Suite en miroir, donc pas suite. Le mystère laisse place à la CLAQUE dans ta gueule. Et on ne peut rien faire de plus, rien dire, sinon admirer le film, qui devient une œuvre d’art à part entière sous nos yeux.


  Ryan Gosling joue l’agent K, répliquant qui fait penser à Harrison Ford jeune. Il chasse les répliquants ancienne génération. Il n’y a aucune ambigüité. Tout est clair, précis, aucun mystère. Dès le début, on sait qu’il est répliquant. La quête d’humanité se fait en sens inverse. Les souvenirs, qui sont vrais ou  faux. La quête de la filiation. L’amour par procuration. Tout est clair. C’est un parcours fléché. C’est toute la première partie, de loin la plus intéressante du film.


    On a ajouté une guest-star de luxe, qui joue Dieu. Jared Leto parle comme un démiurge, marche comme un gourou, et on n’est pas loin de la caricature sublime, mais caricature quand même. Il apparaît peu, pour impressionner, faire peur, jouer au maître du monde. Et c’est tout. Et on voit vite la limite. Dès que Villeneuve essaie de s’écarter du canevas du film original, il tombe dans le grotesque à gros budget.


 Ainsi, l’enfant que recherche l’agent K, serait l’élu ; une sorte de christ d’un nouveau genre ? Celui qui va libérer le monde ? On nous balade un peu. Puis on avance, puis on recule. On ne sait trop sur quel pied danser. On hésite. Une guerre entre humains et répliquants se prépare-t’elle ? Peut-être. Toutes ces questions sont posées, mais ne relancent rien à part elles-mêmes. L’action l’emporte, et pendant toute la deuxième partie.


  Mesdames et messieurs, voilà le retour sur terre.


Deuxième partie.


     On n’est plus à l’ère des grands récits, des errements philosophiques et tout ça. Villeneuve le sait bien. Le bla bla c’est finit. Il en a conscience. Ainsi, dès que Harrison Ford apparaît à  l’écran, on sait qui mène les débats. Les studios. Ils ont payés. Cher. Et ne veulent pas un film d’auteur. Se serait trop beau. On a déjà un bijou esthétique, ne prenons pas trop de risques. Place à la baston. Place à l’action. Et je vous présente : Luv.


    Voilà, la répliquante nouvelle génération. Elle s’appelle Luv. Elle est indestructible, et casse la gueule à tout le monde. La confrontation Harrison Ford/ Ryan Gosling, sera paternelle. Le face à face Harrison Ford/ Jared Leto Ford, sera un combat d’ego. La rencontre au sommet entre deux stars, va se conclure par une relecture maladroite du synopsis. Le libre arbitre n’existerait donc pas !?? (Voilà une maladresse qui fait planer un soupçon sur la crédibilité de Blade Runner 1 et 2 réunis). L’agent Deckard n’avait pas de libre-arbitre ? Tout était prévu depuis le début alors ? Il était contrôlé, guidé, par la Wallace Corporation, à l’insu de son plein gré ?  C’était un pantin ? Blade Runner 1982 serait l’épisode 1 d’une saga, poursuivi par Blade Runner 2049 ? Euh… Grotesque.


  Villeneuve et ses scénaristes auront beau faire tous les efforts du monde, ça tombe à plat. Blade Runner n’est pas Star Wars. On ne peu pas développer à l’infini. On perd le mystère, le feu. Pour ranimer la flamme, reste la CLAQUE esthétique. Le plus beau film de l’année. Visuellement immense, étouffé par sa beauté même, mais qui ne pense pas, car on ne pense plus.


  Du reboot improbable, on arrive au thriller contemplatif. Plus film de Roger Deakins, que film de Villeuneuve. Á l’arrivée, on ne retiendra que ça. La beauté formelle implacable. Film de 2017, qui parle de 2017. On ne crois pas du tout que 2049 puisse ressembler à ce qu’on voit à l’écran. C’est trop glacé, HYPPR2ALISTE, pour être vrai, ou possible. C’est un tableau brillant en 3D. Pour se raccrocher à quelque chose de solide, Villeneuve cite avec bonheur, et fait moult clins d’œil. Tarkovski, Kubrick, Ridley Scott.


Impossible de sortir du piège. Blade Runner aboutissait à une impasse. Le reboot est une image fractale qui s’étire à l’infini, et tourne sans cesse autour de son modèle.


  Tout le monde croyait que le LA de 2019 ressemblerait peu ou prou, au film de 1982. Atmosphère oppressante, pas d’issue, perte d’humanité, ambiance très fin du monde, quête sans réponse. Ça parlait à tous. Tout ça s’est perdu en route. On aboutit au film sauce SF à la Villeneuve. Lent. Aucune anticipation. Qui parle du présent. Des enfants esclaves. De l’amour par procuration. Des hologrammes. De cette femme artiste qui est confinée dans une chambre stérile. Son rôle est primordial. Elle fabrique les rêves. Rêves implantés dans les cerveaux par la Wallace Corp. Monde sans rêves, avec de faux souvenirs, implantés eux aussi.


« Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? »


 « Les androïdes rêvent comme tout le monde. Et leurs rêvent appartiennent à la Wallace Corp. »


Tout simplement. Villeneuve n’ira pas plus loin. Tous des implants, tous implantés, aucune humanité. Un monde d’artifice, sans vrais rêves.


    Je lui reconnais sa grande humilité face au monolithe qu’il a devant lui. Il le ré-adapte avec brio. Et respect. Il fait les concessions qu’il doit faire aux studios, reste maître du cadre, de la lumière, du son. Et voilà un atout de plus dans sa manche. Hans Zimmer. Le sound design est idéal. Ce n’est pas une bande sonore. Se sont des bruissements d’infra basses, des bruits de machines, une totale abstraction. Nous sommes au cœur d’une mécanique implacable, dont la beauté plastique sera imparable, et dédiée. Sublime beauté du vide, et de la solitude.


  Solitude de Gosling, qui joue Ford. De Harrison Ford qui joue l’agent Deckard, figé depuis 1982, et qui revient tel quel, (les rides en plus). La solitude de ces corps féminins, objet de désir, ces hologrammes à la plastique parfaite. Déesses à consommer. Sexualité immatérielle. Toujours offertes, désirables, mais sans vie. Jamais interrogées. Des simulacres d’humanité, réduites à leurs charmes physiques. L’ambiance post-apocalyptique est sous-entendue, mais démenti. Ces poupées vides qui sourient sur les immeubles, et nous invitent à venir. Á entrer dans un rêve. Le film se transforme souvent, en phantasme « womanizer » ambulant. Une éternelle jeunesse promise par la société eugéniste actuelle. Des femmes roses bonbon, aux cheveux bleutées. Des femmes-statufiées, illusions, issues du film d’origine. Un monde post-apocalyptique, à consommer, encore et toujours. Ces femmes vitrines qui vendent du désir. On se croirait presque dans un japanime.


Entrez dans le rêve. Bienvenue à la Wallace Corp. Hollywood Corporation. Poudre aux yeux.


   Le marchand de sable, Denis Villeneuve a réussit son coup. Refaire Blade Runner, et en faire un blockbuster. Il perd le charme, gagne la beauté. Les protagonistes du film rêvent par procuration, nous, on rêve éveillé. La solitude du fan du film culte, face au remake-suite impossible. La solitude face au temps, qui a passé. L’agent K s’enfonce dans un désert radioactif, à la recherche de Deckard. Il va à la rencontre du passé. Et les poupées sont toujours là, des jouets, sculptées dans le sable rouge. Des produits, un phantasme, tout comme Blade Runner 2049, produit de consommation de luxe, fait pour être un succès absolu au Box Office. Pari risqué.


Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?


 Drôle de question.


Les androïdes rêvent, tout simplement, le reste est accessoire.


Et leurs rêvent sont vendus par la Wallace Corp.


  Résumons donc. Je ne voulais pas y aller, mais je ne suis pas déçu. Pour qui aime les claques esthétiques, c’est sans conteste le film de l’année. Une production artistique de ouf, du talent à revendre. Mais est-ce réellement la suite de Blade Runner ? Là, par contre. Faut pas trop demander.

Angie_Eklespri
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le 19 nov. 2017

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Angie_Eklespri

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