Denis Villeneuve est à mon sens l'un des réalisateurs les plus surcotés du moment.


Attention, j'écris bien "surcoté" et pas "surestimé". Le réalisateur Québécois a peut-être un talent compris seulement de son public le plus fidèle, allez savoir. Toujours est-il que dans mon cas, ses films ont plutôt tendance à me laisser sur ma faim ; surtout lors de leurs dénouements, où alors que l'on s'attend à quelque chose de grandiose en adéquation avec ce que le démarrage et le build-up nous promettaient, tout retombe à plat. C'est en tout cas l'effet que m'ont fait Prisoners et Arrival, seuls autres films que j'aie vu de Villeneuve.


Concernant Blade Runner 2049, c'est un autre type de problème.


Déjà l'idée même d'une suite au chef d'oeuvre intemporel de Ridley Scott est une aberration en soi, tant celui-ci se suffisait à lui-même


Surtout de par ses deux fins différentes qui laissaient planer le doute sur la question que tout le monde se pose, à savoir la véritable nature de Deckard.


Néanmoins, s'il eut vraiment fallu lui donner suite, l'on eut préféré que ce soit à l'aune de son univers plutôt que de son intrigue, c'est à dire en changeant de cadre et d'enjeux


Par exemple, pourquoi ne pas nous envoyer dans une de ces colonies spatiales où les Réplicants officiaient avant leur purge ?


Mais évidemment, les instigateurs du projet ne trouve rien de mieux que de nous refaire le coup d'une pâle copie conforme à la légitimité discutable.


Entre une idée de départ fumeuse d'exhumer un cadavre (au sens propre comme au figuré) pour n'en rien faire d'intéressant, un parti-pris se limitant à enfoncer des portes ouvertes tout en rejouant en sens inverse ce qu'a élevé au stade de culte son illustre aîné,


De protagoniste humain doutant d'être un Réplicant, on bascule du point de vue d'un Réplicant rêvant d'être humain


un manque de créativité navrant pour une époque aussi technologiquement avancée (seule une scène de plan à 3 entre deux androïdes et une projection holographique s'en sort bien, et encore), une durée inutilement longue et assommante de 2h40 pour raconter une enquête poussive qui aurait pu être résolue en 10 minutes à peine, une ambiance soporifique qui fait penser à du Winding Refn sans le charme ni l'esthétisme, une BO pompeuse et assourdissante composée essentiellement de gros "POIIIIIIINNNNNNN" et d'un pauvre synthé pour meubler le tout (en même temps succéder à Vangelis sur un terrain dont lui seul a le secret était pour ainsi dire suicidaire, et ce malgré toute l'admiration que j'ai pour Hans Zimmer) et enfin des personnages qui ont l'air de se demander tout autant que nous ce qu'ils sont venus faire dans cette galère, il y a de quoi bâiller et soupirer 2049 fois si ce n'est plus.


On m'a dit que la vision de Villeneuve était plus proche de l'esprit du bouquin de K. Dick que celle de Scott — d'ailleurs, ce dernier serait le véritable instigateur du projet si l'on en croit les révélations post-sortie du film, ce qui signifierait que le papy n'a décidément plus rien d'autre à faire que de démythifier ses plus beaux chefs d'oeuvre — ; soit, admettons. Mais qu'on se le dise : cinéma et littérature sont deux choses bien distinctes. Filmer la tronche inexpresso-dépressive de Ryan Gosling pendant 2h40 non-stop et lui faire répéter le credo assommant de la police à plusieurs reprises n'a non-seulement aucun intérêt d'un point de vue cinématographique, mais comme manière de se placer au plus près de l'état d'esprit d'un héros, on repassera. Ce n'est d'ailleurs pas mieux du côté du méchant : le pauvre Jared Leto ayant à peine eu le temps de se remettre de la mauvaise blague qu'était Suicide Squad, le voilà réduit à débiter un charabia de ploutocrate sédaté, tout en éventrant son dernier modèle de Replicant nouveau-né devant une porte-flingue aux faux-airs de Noomi Rapace... Clairement, on est très loin du magnétisme de Rutger Hauer ou du moindre de ses complices. Et je n'ai même pas évoqué le trop peu de présence que l'on accordait à son personnage.


Mais le clou du spectacle est certainement l'icône du premier film, Harrison "Rick Deckard" Ford lui-même, dont on comprend lentement que le retour n'avait nul intérêt si ce n'est constituer l'argument vendeur n°1 du film. Non-content de ne se montrer qu'au bout de plus des deux tiers du long-métrage


A l'occasion d'une scène totalement WTF où lui et Ryan s'amuse à jouer à chat/cache-cache dans un casino délabré avant que la partie ne soit interrompue par un hologramme d'Elvis


L'acteur nous rejoue le même personnage blasé et trop vieux pour ces conneries qu'on l'avait déjà vu interpréter dans The Force Awakens, démythifiant ainsi un autre de ses meilleurs rôles de la même façon que Scott son plus beau chef d'oeuvre (sans doute par solidarité). Manque plus qu'Indiana Jones 5 et on obtiendra le combo parfait.


Ford n'est pas le seul dont la présence promettait monts et merveilles : Roger Deakins, déjà responsable de la photographie de Skyfall, livre certes des images à la propreté exemplaire et aux contrastes remarquables... encore eut-il fallu qu'il y eut quelque chose à raconter derrière. Le Los Angeles de Blade Runner n'était pas qu'une simple claque esthétique : il s'agissait d'un univers vivant, grouillant et pensé jusque dans les moindres détails. Même l'immeuble désaffecté où avait lieu le combat final semblait raconter quelque chose. Celui de 2049 n'en reprend que l'apparence, supprimant toute vie et toute animation pour ne garder qu'un aspect déprimant, morne et terne. Sans compter que malgré les 35 ans qui séparent les deux films, on ne constate absolument aucune évolution, pas même sur le plan technologique.


J'écrivais plus haut que ce film était soporifique, mais à quel point ! Je crois que je ne m'étais pas autant fait chier depuis Skyfall, justement. Faire du contemplatif à tout bout de champ, ça aussi, ça commence à bien faire ! Le seul passage où je me suis un tant soit peu réveillé est celui où l'agent K (il n'ont même pas été foutus de lui trouver un nom original) croit apprendre la vérité sur son passé et laisse exploser sa rage. Enfin, Ryan nous montre des émotions fortes trop longtemps dissimulées derrière un faux-semblant de calme et d'impassibilité (chose que ses détracteurs lui reprocheront peut-être de ne pas faire plus souvent), mais le fait en plus d'une façon stupéfiante de justesse et d'authenticité. L'acteur Canadien prouve ainsi son véritable talent et confirme que le choix de le caster dans le rôle d'un Réplicant en pleine crise d'identité, bien que cocasse, était loin d'être anodin.


De plus, l'on sera agréablement surpris de voir Dave Bautista s'appliquer à jouer autre chose qu'un rôle en accord avec son physique, même seulement le temps d'une courte scène. Le reste du casting, essentiellement féminin, s'en sort avec les honneurs, bien qu'il ne dépasse pas l'intérêt de la simple découverte (exceptée Robin Wright).


A présent que le nom de Denis Villeneuve est sur toutes les lèvres, le voilà qui se voit confier les rênes de tout un tas de projets dantesques et farfelus, notamment le reboot de Dune ; après Philip K. Dick, serait-ce au tour des lecteurs de Frank Herbert de s'inquiéter ? En tout cas, tout semble diriger Villeneuve à prendre sa place en tant que grand parmi les plus grands, phénomène que l'on ne s'explique pas plus que le succès de son film ; film qui ne mérite même pas d'être appelé le Réplicant de Blade Runner, le vrai (même ceux-ci avaient plus de personnalité).

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le 21 nov. 2017

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reastweent

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