Coup de semonce de l'écurie Marvel en ce début d'année 2018 avant que le très attendu Infinity War et le plus discret Ant-Man & the Wasp ne fassent à leur tour leur entrée fracassante, Black Panther nous réunit avec le Bagheera du MCU introduit dans Civil War sous la caméra de Ryan Coogler (Creed).


Après l'attentat qui a coûté la vie à son père, T'Challa, prince héritier du Wakanda, s'en retourne dans son royaume pour prendre sa place en tant que souverain légitime. Mais son accession au trône se voit menacée par un adversaire inattendu, qui semble lié à un sombre épisode de son passé.


En premier lieu, le film nous propose de lever le voile sur un nouvelle facette du MCU jusqu'alors seulement évoquée : le Wakanda. Etat imaginaire d'Afrique que l'exploitation du précieux Vibranium (le métal ultra-résistant dont est notamment composé le bouclier de Captain America) a rendu le plus avancé au monde, le royaume mystérieux nous est enfin présenté, véritable Eldorado des temps modernes dont les habitants ont pu vivre en autarcie pendant des siècles grâce à une technologie hors du commun. Et il y a de quoi être dépaysé, non seulement sur le plan visuel (composé à la fois d'authentiques et impressionnants décors filmés en Australie et d'éléments futuristes intégrés sur fonds verts, le Wakanda ressemble à s'y méprendre à un Johannesburg du futur), mais aussi au niveau de la direction artistique : armes et gadgets que l'on ne trouverait nulle part ailleurs (le laboratoire de Shuri, l'ingénieuse petite soeur de T'Challa, n'a rien à envier à celui de Tony Stark), couleurs éclatantes et "effets-néons" contrastant avec la noirceur de certains décors (les mines de Vibranium à mi-chemin entre Le Hobbit et Tron: Legacy ou encore l'Herbe Mystique fluorescente - le violet est d'ailleurs très présent en général), sans parler du coup de coeur que l'on éprouve dès l'instant où l'on pose le pied sur cette terre sortie tout droit d'un conte africain : costumes traditionnels, rituels ancestraux et choeurs tribaux s'accordent de concert pour composer une véritable ode à la culture subsaharienne. En bref, niveau immersion, cela fonctionne du tonnerre. On en redemande.


En second plan, Black Panther nous réunit avec son personnage éponyme comme il se doit. En effet, le justicier au costume félin avait fait une entrée en scène très remarquée dans Civil War, combattant mystérieux au charisme hors-pair et homme de principe aux convictions inébranlables. L'acteur afro-américain Chadwick Boseman endosse à nouveau le costume et les griffes du protecteur du Wakanda, cette fois-ci pour nous révéler une facette plus intimiste et vulnérable de son personnage, notamment à travers sa relation avec ses proches (surtout son défunt père) et le poids de sa fonction. On n’en dira pas plus, mais ceux qui (comme moi) avaient apprécié le Black Panther secret et combatif de Civil War seront peut-être un peu déçus de ce nouveau traitement qui tend à briser l’aura « mystique » qui entourait le héros (le secret de ses pouvoirs nous est notamment dévoilé). Ils se consoleront toutefois avec la prestation de son interprète, toujours aussi impliqué.


Autre aspect inédit et non-négligeable du film : la dimension politique (chose rare pour un Marvel). Si elle demeure accessible à un grand public, la question du rôle à jouer du Wakanda dans l’équilibre mondial amène à de sérieuses réflexions et rend particulièrement intéressant le point de vue des antagonistes. Ceux-ci sont par ailleurs étrangement réussis. Certes, on pourrait croire (à tort) à une métaphore clichée du colon cupide pour le trafiquant d’armes joué par Andy Serkis (celui-là même qui se fait trancher le bras dans Age of Ultron) et de l'esclave/opprimé vengeur pour celui de Michael B. Jordan, mais il n'en est rien. Notre Gollum s’amuse tellement en méchant à la fois hilarant et pervers qu’on ne peut que le suivre dans son délire.


J'espère d'ailleurs que sa mort n'est que temporaire et que l'on aura droit à un retour en bonne et due forme de Klaw, mais mieux vaut ne pas trop compter dessus...


Quant à l'autre, si l'on oublie un instant ses mimiques et son look de gangsta, je crois qu'on tient là l'un des meilleurs adversaires qu’ait proposé le MCU, aussi imposant sur le plan physique (on comprend pourquoi cette jeune spectatrice en a perdu son dentier) que travaillé sur le plan psychologique ; en deux mots, une belle renaissance pour le pseudo-comic-relief de Fantastic Four.


Un mot sur le reste du casting : les femmes sont à l'honneur, en particulier Danai Gurira et Angela Bassett, toutes deux campant avec brio des personnages féminins forts avec un certain écart de génération. Lupita Nyong'o se voit un peu plus effacée mais dépasse (ô miracle !) le simple cantonnement au rôle de petite amie du héros, tandis que Letitia Wright embrasse celui du comic-relief blaguant et vannant à tout va, ce qui amusera certains et agacera d'autres. On retrouve également Martin Freeman (découvert lui aussi dans Civil War), qui profite de cette nouvelle aventure pour donner un peu plus d'épaisseur à son personnage, ainsi que Forest Whitaker, décidément un meuble quand il s'agit de jouer les vieux mentors sages qui ont fait leur temps (cf). Même les rôles les plus secondaires, comme le chef de la tribu rivale des Jabari ou le mari de la capitaine de la garde trouvent leur compte au sein d'une histoire qui laisse une place équitable à tous.


On ne regrettera que deux ou trois petites choses, à commencer par une dose d'action bien plus conventionnelle et sage que dans Civil War (dont on garde en mémoire les combats brutaux, réalistes et superbement chorégraphiés). Hormis les scènes de la cascade qui sont une nouveauté parfaitement raccord avec le sujet du film, on sent que c'est là où Ryan Coogler a dû appliquer à la lettre le cahier des charges de Marvel sans plus se prendre la tête. Résultat : une scène de castagne en plan-séquence, une course-poursuite en bagnole, une petite baston générale sur terre et dans les airs et enfin un duel final sans trop de prise de risques ; le tout filmé avec des effets spéciaux un peu cheap (surtout dans la bataille finale) et une caméra un peu trop mobile. Ça passe, mais ça reste au niveau du convenu.


Autre élément du cahier des charges dispensable mais hélas indissociable de la politique du studio: le sempiternel humour. Même si toute ma salle a rigolé à la moindre occasion, on reste dans l'ensemble sur des blagounettes et autres punchlines poussives et du surjeu d'acteur parfois dispensable, en particulier du côté de Letitia Wright qui en fait des caisses. A côté de la moindre de ses répliques, la scène où Andy Serkis chante What is Love en se bidonnant, même si elle n’a rien à faire là, est bien plus efficace.


Enfin, on se serait fort bien passé de deux scènes post-génériques assez décevantes, la première constituant un doigt d’honneur à peine masqué à Donald Trump et à ses partisans (d’autant plus gratuite que la scène finale du film se suffisait à elle-même), la seconde ne nous apprenant rien que les bandes-annonces d’Infinity War ne nous aient déjà promis. N'en attendez donc pas trop. Quant au caméo de Stan Lee, c'est gentillet mais vu l'état physique et psychologique du bonhomme, on ne s'en plaindra pas.


CONCLUSION
Bien que, de mon humble point de vue, Black Panther aurait gagné à laisser de côté le cahier des charges de Marvel pour se concentrer davantage sur le côté mature et "serious business" de son sujet, il n'en demeure pas moins un divertissement sympathique et rafraîchissant, ayant le mérite de s'émanciper du MCU sans toutefois le quitter. Fort d'un cadre, d'une ambiance et d'une histoire bien à lui, il fait honneur aux comics d'origine et constitue un agréable digestif au beau milieu de la phase III, avant que les frères Russo ne reviennent en avril avec le plat de résistance.

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le 14 févr. 2018

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