Coming out of Africa
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N'ayant rien à redire quant à une réalisation plutôt léchée et à une narration bien choisie quoique un brin prévisible par moments, ni sur la place que le film parvient à donner à des personnages autrefois peu valorisés, je préfère m'atteler à un problème de fond bien plus intriguant et, à vrai dire, déroutant.
Black Panther relate l'ascension au trône de T'Challa, fils héritier du défunt roi d'un royaume fictif technologiquement avancé situé en plein coeur de l'Afrique, le Wakanda.
Cette ascension l'oppose toutefois à un cousin afro-américain, rongé par le témoignage de la misère sociale dans laquelle ses frères sont maintenus partout dans le monde et des guerres injustes dans lesquelles la puissance américaine les a entraînés.
Erik Killmonger, comme il se nomme, quoique loin d'être un vrai méchant de comics bien caricatural, est plus proche de par ses aspirations révolutionnaires de ce qui a influencé la cause réelle des Black Panther des années 70 que ne l'est T'Challa, qui pour sa part, fait de bout en bout surtout office de noble politicien qui cherche à se construire en tant que roi et gouvernant.
Ce ne serait pas un vrai problème compte tenu du rapport pas forcément évident entre la BD comics dont s'inspire le film et le mouvement politique (tous deux nés la même année), mais le film semble appuyer volontairement sur ce parallèle en faisant de Killmonger un antagoniste non pas seulement mû par un sentiment de vengeance qu'a causé la mort de son père mais également par un profond sentiment de justice pour tirer vers le haut une population à laquelle il s'identifie qui est amoindrie dans ses droits, tassée dans des quartiers en proie à la drogue, à la pauvreté et à la violence, ou embarquée dans des guerres vis à vis desquelles elle ne se sent pas concernée.
Or, devant un super-héros qui fustige la lutte armée et promeut la philanthropie, le spectateur a la sensation étrange que le sens des réalités a été retourné, comme si Malcolm X était devenu Youssou N'Dour, et Desmond Tutu un virulent soldat du panafricanisme séparatiste.
Et c'est là que le film, tout en vendant l'image d'une esthétique Black Power que tout depuis l'attitude jusqu'à la bande originale nous rappelle, nous éloigne d'une réelle compréhension d'un tel mouvement.
Si d'un coté le royaume du Wakanda incarne aisément le fantasme dans les années post seconde guerre mondiale d'une Afrique décolonisée qui s'élève fièrement en pouvant enfin utiliser ses riches ressources naturelles pour épanouir son propre peuple, le film dresse en revanche une perspective qui n'a finalement rien à voir ni avec l'histoire du mouvement Black Panther, ni même (ça aurait pu) avec une version pacifiée de cette histoire. Et c'est très dommage.
Au regard du titre du film et du personnage principal, on se serait en effet attendu à l'avénement d'un roi pour lequel le partage des richesses et du savoir n'est pas simplement l'argument prétexte d'une politique philanthropique dans les quartiers pauvres d'une nation étrangère, mais celui d'une révolte plus affirmée contre les politiques qui maintiennent ses frères noirs où qu'ils soient dans la misère et l'oppression. Ce combat l'aurait toujours opposé à Killmonger, toutefois toujours dans une divergence d'opinion et de moyens quant à la marche à suivre, ce dernier se devant d'incarner le némesis du super-héros sur un plan moral comme le veut la tradition du genre.
Le parti pris renouant ainsi avec le particularisme ambigu propre au vieux mouvement des Black Panthers aurait sûrement plu à un public moins large, mais si en plaçant l'histoire de nos jours le contexte est de toute façon légèrement différent des années 60 et 70 où régnait une ségrégation généralisée, pouvant expliquer du coup la difficulté à coller avec la culture des Black Panthers quoi que l'on fasse, le sens en aurait été au moins préservé et une réflexion intéressante sur le mouvement aurait pu voir le jour.
Black Panther s'impose comme un des films de super-héros les plus singuliers de ces dernières décennies, valorisant et interrogeant dans ses aspirations toute une culture restée longtemps boudée par le cinéma américain inspiré de l'univers des comics.
Mais il s'échoue dans un discours facile et semble t-il peu honnête au regard des références utilisées. En tout cas sont-elles peu exploitées au regard du potentiel qu'avait ce film.
3 étoiles pour la qualité de la réalisation, 2 pour la musique et 1 pour la narration.
Créée
le 27 févr. 2018
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