Un film post-apocalyptique ? Avec une licorne ? Réalisé par Louis Malle avec Sven Nykvist, le chef op' de Bergman et du Locataire de Polanski ? Attendez moi j’arrive tout de suite !
Dit comme ça c'est aussi étonnant qu'alléchant et ça a tout pour m'intéresser, et la scène d'ouverture pose bien l'ambiance: une voiture orange qui circule a vive allure dans un paysage de forêt du sud de la France en hiver (ou de partout en Allemagne en toutes saisons) ou elle est confrontée à une étrange guerre qu'elle va tenter de fuir en coupant par la forêt. Puis après une course effrénée à travers champs elle se retrouve à suivre une licorne jusqu'à une ferme à première vue abandonnée dans laquelle personne ne semble s'inquiéter du fait que lorsqu'il gèle dehors il est judicieux de ne pas laisser TOUTES les fenêtres ouvertes alors qu'il y a un feu de cheminée dans chaque pièce et une grand-mère malade à l'étage.
Gros plans sur des insectes divers et variés, personnages étranges qui ânonnent leurs rares texte comme Piccoli dans Themroc, enfants courant nus derrières des moutons (oui monsieur !): imaginez un peu le Alice de Jan Svankmajer sans image d'animation et vous pouvez vous faire une idée de ce à quoi pourrait ressembler Black Moon. Quant au scénario, Louis Malle a expliqué avoir voulu créer un "autre monde", de par une suite de scènes étranges n'ayant pas forcément de sens dans lesquelles il faudrait se laisser porter par ses sens pour vraiment apprécier. Et c'est bien ça le problème justement, parce que les scènes oniriques complètement décousues c'est marrant un quart d'heure - vingt minutes mais ça lasse assez vite. Du coup on cherche des explications, en essayant de se raccrocher à la thématique du conflit Homme/Femme indiquée dans la séquence d'ouverture mais rien à faire. Certaines scènes ont plutôt bien marché me concernant (les réveils), d'autres moins (la plupart des autres scènes avec la vieille dame en particulier). L'appréciation dépendra du spectateur.
Heureusement la superbe Cathryn Harrison, qui a dû se faire des jambes magnifiques à force de détaler dans la forêt par moins quinze, se chargeait à merveille de garder mon intérêt pour ce qui arrivait à l'écran (le dernier plan saura très certainement mettre tout le monde d'accord). Et Sven Nykvist fait comme d'habitude un boulot formidable très proche de ce qu'il avait créé sur Le Sacrifice de Tarkovski et qui lui vaudra d'ailleurs un césar de la meilleure photographie (ce qui ne veut pas dire grand chose). L'atmosphère sombre qui donne ce charme si particulier au film lui doit absolument tout.
Bref un film très instable, mais pas si inintéressant que ça finalement. Si vous aimez vraiment les enfants nus courant derrière des moutons ou que vous êtes fans de la coupe de cheveux de Joe Dallessandro vous pouvez vous lancer dans l'aventure sans trop réfléchir. Par contre n'espérez pas trop voir de lune noire. Le titre aussi est random.