[ Critique initialement publiée sur le blog des Ombres d'Esteren, un jeu de rôles prenant place dans un "univers médiéval aux accents horrifiques et gothiques" (officiel). Quelques allusions à ce jeu émaillent donc la critique, merci de votre compréhension. ]

Aujourd'hui je vous entretiendrai d'un film un peu particulier, Black Death.
Vous n'en avez probablement pas entendu parler et, à part si vous êtes un lecteur assidû des forums d'Esteren, vous n'en entendrez probablement jamais parler, et pour cause.

Sorti en 2010, il a bénéficié de très peu de publicité et ne sera distribué en France qu'en DVD et Blu-Ray à compter du 1er avril 2011, sans passer par la case cinéma.

C'est bien dommage mais, grâce à quelques contributeurs perspicaces, nous ne passerons pas tous à côté de cette précieuse source d'inspiration pour l'univers des Ombres.

Le pitch tout d'abord.
Dans l'Angleterre du XIVème siècle, la première épidémie de peste bubonique sévit à travers villes et campagnes.
Les hommes subissent de plein fouet ce qu'il est convenu de reconnaître comme un châtiment divin et, si certains acceptent leur sort, d'autres préfèrent se tourner vers des solutions plus radicales.
La vie du jeune Osmund, novice dans un monastère, prend une tournure bien particulière lorsqu'il accepte de guider Ulric, un envoyé de l'évèque local, à travers les marais vers un étrange village d'où émanent de sombres rumeurs.
Les habitants, épargnés par le mal, voueraient un culte païen à des forces peu catholique, d'aucuns disent à Lucifer lui-même.
Dieu, par l'intermédiaire de sa main armée Ulric, se doit de mettre un terme à cette hérésie.

D'un point de vue thématiques, on n'est ni dans quelque chose de très original, ni dans ce qui emporte généralement mon enthousiasme.
À savoir la religion et la mort.
D'un point de vue purement technique, le film ne mériterait pas forcément que l'on s'y attarde.

Les acteurs ne crèvent pas l'écran, à l'exception notable de Sean Bean (Boromir dans le Seigneur des Anneaux, dont il a d'ailleurs gardé la coupe de cheveux et les vêtements, à peu de choses près) et Carice Van Houten. La réalisation est un patchwork de choix plus ou moins convaincants.

Si filmer caméra à l'épaule peut se révéler bénéfique en terme d'immersion et instaurer un rythme haletant à une scène particulièrement chargée en émotion ou en action, le parti pris de Christopher Smith dans Black Death est d'en user et d'en abuser.

Cela donne lieu à quelques beaux mouvements qui accompagnent à merveille l'évolution des personnages, mais aussi à certains passages où l'on a davantage la nausée à cause du roulis que de la nature des images -dures- qui sont distillées au fil des minutes.

Alors me direz-vous, devant un tableau si noir, pourquoi attirer votre attention sur ce film ?

Tout simplement parce que, passés ces quelques éléments disons "matériels", il recèle une force, une noirceur justement, et un potentiel indéniables à une très belle adaptation pour les Ombres d'Esteren, ou tout autre univers où l'horreur flirte avec la folie.

Au niveau de la photographie, le jeu de clairs-obscurs distillé tout au long du film ne cesse d'attirer notre attention sur les détails qui font toute la richesse de l'histoire.

Les personnages sont dotés de passés certes ébauchés (le film dure seulement 1h37, qui passent très vite) mais toutefois plus fouillés que bien souvent et, surtout, crédibles.

Le réalisme, une grande force tout au long du film, ne sera entaché que par quelques faux pas qui, cependant, trouveront parfois une explication plus loin.
Ainsi, le jeune Osmund quittera son monastère pour une raison très terre à terre.
Son parcours initiatique, selon la formule consacrée, se fera dans la souffrance et la douleur, tant physique que mentale.

Ulric, personnage torturé et présenté dès sa première scène comme un fanatique, révèlera bien entendu des facettes intéressantes de sa personnalité tout au long du chemin.

Les aspects spirituel et fantastique, omniprésents, seront contrebalancés par des explications, certains préféreront dire des hypothèses apportant une touche de rationalité à cette quête divine, ainsi qu'aux fondements du mal que les répurgateurs se proposent de combattre.

Jamais moralisateur, Black Death apporte à chacun des clés pour comprendre l'intrigue à sa manière, tout en laissant libre une certaine part d'interprétation, là encore sans pousser trop loin le vice en la matière (ce n'est pas l'un de ces films "Ikea", où le spectateur a davantage de travail à faire que le réalisateur).
Si la première moitié du film accuse une certaine lenteur et un côté "flou", ce n'est que pour mieux poser les bases de l'histoire et laisser le temps de comprendre la psychologie des différents protagonistes.
La deuxième moitié se nouera en un huis-clos étouffant, où la frontière entre spiritualité et manipulation se brouille progressivement.

Sans spoiler.
La vie et la mort se côtoient sans arrêt voire s'entrecroisent.
Les personnages principaux sont nuancés et placés face à des choix difficiles.
Il y a de l'amour, de la haine, de la magie (ou pas), de l'extrémisme (de part et d'autre)...

Somme toute, il apparaît évident que la construction et l'ambiance de ce film se prêtent parfaitement à un scénario de jeu de rôles.
Il mérite donc que l'on passe outre ses quelques défauts de forme pour s'attarder sur le fond.
A fortiori pour Esteren, où l'imbrication des différents éléments se met doucement en place pour peu que l'on s'en donne la peine.
La galerie de personnages est toute faite, la marge de manoeuvre en ce qui concerne la "réalité", les coulisses de l'histoire permettrait à un meneur d'adapter le degré de surnaturel à ses goûts et ceux de ses joueurs.
Nul doute que de très belles suggestions fleuriront sur un tel terreau!
SeigneurAo
8
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le 15 avr. 2011

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SeigneurAo

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