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Fraîchement oscarisé, c'est à point nommé que sort en France Birdman, le nouveau film d'Alejandro Gonzalez Inarritu. On y suit un acteur défraîchi, Riggan Thomson, ex-acteur du super-héros Birdman, désormais passé de mode, tenter de reconquérir son prestige, ou plutôt, comme l'un des personnages du film le précisera, sa célébrité. Souhaitant s'affranchir de cette étiquette d'acteur de blockbuster, il décide de réécrire lui-même une pièce et de la monter à Broadway. Alors, Oscar mérité ou pas ?

Ce qui est fâcheux avec Birdman, c'est que le film a trop peu de défauts. Pour une réalisation de trois plans-séquences de 30 minutes, c'est plutôt contre-attente: on ne peut qu'imaginer la difficulté, les efforts des acteurs et la préparation en amont du tournage pour réaliser de telles prises. De quoi envisager quelques ratages, peut-être, dans la réalisation; mais non, Inarritu parvient à rendre son film-séquence extrêmement vivant, via des travellings très efficaces lors des conversations par exemple. Jamais on ne se surprend à s'ennuyer de suivre ces personnages à travers les coulisses de Broadway, et l'on se familiarise rapidement avec ce décor presque aussi défraîchi que le personnage principal.

Un rôle, d'ailleurs, qui marque le grand retour de Julien Lepers dans le cinéma. Absent sur grand écran depuis qu'il a raccroché le costume de Batman, on le retrouve ici dans un come-back flamboyant où il montre qu'il aurait mérité autant que Redmayne son Oscar du Meilleur Acteur. Notez d'ailleurs le parallèle entre la vie de Riggan Thomson et celle de Julien Lepers, qui a sûrement contribué à la rédemption de l'acteur, qui faisait de vieux os chez France 3 depuis une bonne quarantaine d'années. Cependant, je n'oublie pas de mentionner le reste du casting, d'un niveau presque aussi génial: mention spéciale à Emma Stone, Zach Galifianakis et Edward Norton, qui parviennent à sauver leurs personnages du cliché et à lui conférer une identité propre.

J'ai tout à l'heure parlé de la qualité de la réalisation d'Inarritu, irréprochable sur ce film, malgré la contrainte du plan-séquence. Un plan-séquence qui nous immerge au milieu de ce va-et-vient dans les coulisses de Broadway, mais qui a également l'effet de nous attacher plus facilement aux personnages. On est automatiquement happé par cette mise en scène et cette photographie, qui témoignent d'une grande intelligence d'Inarritu qui mérite pour le coup son Oscar du meilleur réalisateur. Que ce soit dans les moments de calme réfléchi où l'on observe un Riggan Thomson en désarroi ou dans des instants tels que la scène où il est suivi comme son ombre par son propre personnage de super-héros, l'intensité est parfaitement dosée. On notera également le choix judicieux de mettre en avant bruits de percussions et de batterie dans la bande-son, musique qui crée une atmosphère très proche de Broadway et qui donne l'impression d'un studio qui ne dort jamais. Certains morceaux caractérisent également très bien le trac du personnage, ou bien sa détermination, avant sa prestation théâtrale.

Si l'on ne peut tarir d'éloges sur la forme, le fond n'est néanmoins pas laissé pour compte. Même si les deux premiers jours - le film se déroule sur trois jours - reposent surtout sur une exploration de la psychologie des personnages, et plus précisément de celui de Julien Lepers, qui devient un inconnu pour lui-même, se sentant trahi par le monde qui l'a auparavant porté aux nues, et peut-être également un peu paranoïaque (il répète avoir l'impression de ne plus avoir de succès et est pourtant reconnu sans arrêt dans la rue), le troisième nous réserve une fine critique du fonctionnement du cinéma hollywoodien et même de la société en général, faisant des journalistes des vautours dignes de Night Call, et des fans des moutons irréfléchis. Mais là où Birdman m'a vraiment capté, c'est vraiment dans sa critique des critiques, si je puis dire: une critique de cet étiquetage de masse que subissent chaque film, chaque pièce à sa sortie, et qui vont avoir un impact immense sur son succès. Entre la vieille critique qui ne vit que pour l'Art et l'ex-acteur de super-héros, Inarritu pose une réflexion originale et propose de saborder les deux points de vue. J'ai d'ailleurs dénoté, dans Birdman, une certaine volonté de revenir à un art plus sincère, plus intelligent: une volonté caractérisée par cette rédemption du personnage qui veut jouer une pièce à Broadway plutôt qu'un film. Mais ce film est particulièrement riche, et je pourrais parler d'autres réflexions proposées par Inarritu, liées aux divers twists finals de Birdman.

Je vais plutôt m'arrêter là pour ne pas tomber l'analyse scénique et énoncer le seul minuscule petit défaut du film: sa fin peut-être trop longue. A l'instar d'American Sniper, je m'attendais à un plan de fin précis, et le fait que le film continue après cela m'a légèrement égaré, même si elle n'a cette fois-ci en rien écorché ma perception de celui-ci. Ni mon appréciation, d'ailleurs; pour l'instant, Birdman part pour moi comme le meilleur film de ces deux premiers mois de 2015. Satisfait que les Oscars aient cette année primé un film audacieux et pas totalement conventionnel au dépens de films académiques tels que Imitation Game et Boyhood (oui, il fallait que je crache mon venin), je ne peux que vous conseiller Birdman, entre drame et comédie, l'histoire d'un homme qui se cherche, et qui finit par se trouver.
Soma96
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le 27 févr. 2015

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Kevin Soma

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