L'échec financier qu'il a représenté pour "Dreamworks" accompagné de retours critiques plus que mitigés, "Marwen" constitue l'un des plus scandaleux dommage collatéral du système actuel des studios. L'offre de la capitale du rêve misant sur la photocopie de divertissements d'autrefois et la demande faiblarde du spectateur auront tôt fait de broyer l'une des oeuvres les plus originales de cette fin de décennie. Zemeckis, grand magicien des années Reagan et Clinton, habile pionnier d'une nouvelle forme de Blockbuster est aujourd'hui ignoré par les spectateurs. Ses derniers fans, frappés par l'injuste dégringolade commerciale dont il est victime continuent de le porter. A juste titre car "Bienvenue à Marwen" constitue le palier de décompression dont l'auteur de "Retour vers le futur"avait besoin. Un drame résolument inscrit aux frontières du genre avec à la clef poupées sexuées, militaire macho, vêtements féminins, reconstruction du corps et psychanalyse.


REDONNER DU SENS À L'ENTERTAINMENT


Il fallait bien un réveil en fanfare doublé d'un bide monstrueux au box office pour sortir Robert Zemeckis de sa léthargie artistique dans laquelle il se complaisait depuis vingt cinq ans. "Marwen" est la chute économique et la résurrection artistique d'un artisan autrefois galvanisé par un succès monstre. Le coupable : "Forrest Gump" et sa pluie de dollars et d'Oscars qui ont maintenu le réalisateur dans le créneau de la GRANDE AVENTURE HUMAINE. Un courant couvrant l'équivalent de deux décennies productives accueillant aussi quelques plâtres (pas toujours bien) essuyés (la trilogie en "mo-cap") et le classicisme Hollywoodien délicat (Alliés) bien plus appréciable d'ailleurs au second regard. Un affranchissement douloureux pour beaucoup de l'ère Spielbergienne avec la perte d'un coup de patte reconnaissable entre hystérie cartoonesque, avalanche de High concepts et brin d'érotomanie. "Welcome to Marwen" jouit à peu de chose près de ces vertus dont Zemeckis jongle toujours à la perfection mais avec un degré d'expérience accru. Et pour ce faire, l'auteur de "Roger Rabbit" va redonner du sens à l'entertainment et surtout reprendre à son compte ce qui fait l'essence des SFX.


Frappé à mort pour avoir fait montre d'une différence, Mark Hogenkamp va se reconstruire en créant un monde imaginaire, un petit village Belge de la seconde guerre mondiale.


L'état traumatique de Mark Hogenkamp incarné par Steve Carell dicte le comportement de son avatar. Un lien psychique unit Mark à sa poupée de celluloide. Le plus impressionnant étant la personnalité fractionnée de la victime. D'un côté l'aspect organique, fragile et cérébral de l'humain et de l'autre le mâle Alpha de plastique incarnation du mécanisme de défense psychologique. Lorsque Hogenkamp est sous anxiolytiques et qu'il s'adonne à la mise en scène de ses poupées, Zemeckis exploite la notion de point de vue en travaillant sur l'imaginaire et plus particulièrement sur le fantasme. Se dévoile alors des aventures en forme de serials emplies d'amazones guerrières et de nazis. Des récits volontairement manichéens et caricaturaux fonctionnant comme le réceptacle d'éléments disparates recueillis lors d'une vie passée.Un exorcisme en forme de découpage mental dont l'action issue de l'imaginaire ne pouvait que passionner Zemeckis. La chorégraphie des poupées et le sens du cadre de l'appareil photo trouvent une raisonnance chez le metteur en scène. Mais Lorsque le trouble s'installe et que la personnalité écrasée reprend ses droits, ce sont les deux faces schizophréniques de Hogenkamp qui interagissent dans le même plan. Un brutal retour à la réalité où le produit de la folie intérieure se libère du corps et déjoue toutes les lois de la physique. L'outil numérique amorce alors l'inversion de ses deux sujets. Le jouet assimilé à une masse de colère et de frustration devient le grand ordonnateur face à l'artiste. Le chaos s'installe en instaurant les variations d'échelle de plan. Un degré d'immersion s'opère permettant au spectateur de passer d'une maison grandeur nature à une maquette en l'espace d'un mouvement d'appareil. Tout le travail de mise en scène effectué en motion capture détermine à quel point Zemeckis souhaite renouer le contact avec ses spectateurs à l'aide d'un langage concret.


LA SIGNATURE DE ZEMECKIS


Il y a le processus créatif et l'idée de retrouver les fondements du cinéma à travers le drame de Hogencamp mais il y aussi le biscuit du spectateur. En optimisant le Champ d'action à quelques lieux confinés (jardins, intérieurs de pavillon, magasin ou salle d'audience) le dernier opus de Zemeckis retrouve l'émerveillement sur la forme et le fétichisme des créatures de quelques uns de ses ainés incarnés par "Small soldiers" ou "Chérie j'ai rétréci les gosses. Le fond quant à lui, a cette amertume de l'expérience de la vie qui marquera au fer rouge quelques héros "Zemeckissiens". Cependant tapi au coeur de "Marwen", ce n'est pas un spleen dépressif qui anime l'oeuvre mais bien une énergie positive. Le palpitant du film n'est rien d'autre qu'un flux sexuel fonctionnant en continu et signature bien connue des fans du réalisateur. Les amazones, poupées sculpturales, sont loin d'être les faire valoir de leur chef "le Capitaine Hogie". Mises en scène de manière à ce que l'on puisse contempler "leurs plastiques", c'est avec délectation que les affrontements aboutissent à un arrachage de soutien gorge dévoilant des seins aux aréoles invisibles. L'érotisation des figures est une tendance qui a émaillée la filmographie de Zemeckis. "Marwen" et ses Barbies à la sexualité débordante ne sont que les rejetons des premiers fantasmes de Zemeckis. Jessica Rabbit offrait déjà une poitrine opulente et une toon nymphomane manquait d'épuiser Eddie Valiant sous une tonne de baisers, sans parler de Baby Hermann évoquant la taille de son "zizi". Parce que l'art de Zemeckis est aussi de distiller le trouble, peu auront remarquer que Marty Mc Fly vit en direct un crush avec sa mère selon le fameux complexe d'Oedipe de la même manière que Hogencamp enfile des talons aiguilles afin de toucher la femme au plus profond de sa féminité.(sic) L'Art du Papa de Roger Rabbit est de vous plantez un gros cul en amorce de la caméra ou de vous palpez discrètement les seins (La Mort vous va si bien). Si Mark Hogenkamp se reconstruit à travers ses poupées, notre bon Robert à trouver le Septième Art pour exorciser sa libido et ce n'est pas la moiteur de la jungle colombienne de "A la poursuite du diamant vert" qui pourrait dire le contraire.


Bonus : Pour les plus sceptiques suite à ce texte, revoir AU RALENTI la scène où Baby Herman en colère passe sous la jupe d'une assistante. Vos rêves d'enfant risquent d'être bousculés.

Star-Lord09
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le 22 sept. 2019

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