Bent
6.9
Bent

Film de Sean Mathias (1997)

La jaquette flotte, le script coule...

Le film s'ouvre sur une gay pride à ciel ouvert, un cabaret chargé de drag queen et d'homosexuels en tout genre, profitant de la solitude des ruines de Berlin le temps d'une soirée à fantasme. Disons que le film affiche bien haut son appartenance, en s'autorisant quelques libertés pour tenter d’offrir une ambiance. Et pour bien donner le ton, nous avons le modèle type de l'aryen en uniforme qui s'éprend de notre héros, un Clive Owen très jeune plutôt amusant avec ses accortes moustaches. Mais l'euphorie ne durera que la nuit, car la Wehrmacht arrive vite au trot pour te rafler tout ça. En commençant par égorger le SA libertin façon la nuit des longs couteaux. S'ensuit une cavalcade éperdue et une fuite vers l'anonymat salutaire de la campagne, pendant laquelle Clive Owen et son compagnon de chambrée pourront enfin souffler un peu et s'aimer. Mais les purges continuent et bientôt, c'est l'arrestation et les wagons à bestiaux. Avec un SS très méchant qui oblige Clive à battre son camarade avant de le laisser pour mort... Je pourrais spoiler encore beaucoup de choses sur ce ton jovial-blasé, mais je n'en ai pas l'envie. Car Bent n'a aucun intérêt, il faut bien le dire. Son sujet était original, les acteurs ne jouent pas mal, loin de là, mais c'est tout simplement le traitement de l'œuvre qui est à remettre en cause. Le film montre juste des gays qui ont peur, qui se font arrêter et qui meurent en détention. En respectant tous les poncifs de l'imagerie collective de la déportation. Des SS absolument déshumanisés, des homosexuels vivants et pacifiques victimes de la barbarie. Le film essaye même de jouer la pudeur en mettant en scène, à deux reprises, une séquence pendant laquelle Clive Owen et un autre prisonnier imaginent leur coït en échangeant des mots sur leurs actions mutuelles. Troublante scène intimiste qui vire sur la guignolerie quand nos deux larrons échangent des gémissements et des cris de plaisir. Je trouve que l'humilité a tendance à devenir limite ridicule quand elle est utilisée aussi peu subtilement (dans Her, sur une scène similaire, l'effet était autrement plus efficace, en utilisant pourtant les mêmes artifices). Or la faute de Bent n'est pas vraiment dans l'intention, mais tout simplement que malgré les épreuves endurées, on n'a pas de quoi s'attacher au personnage de Clive Owen. J'ai peine à le dire, mais on ne ressent presque que de l'indifférence, dans la mesure où nous n'assistons à rien de nouveau, pour un film consistant finalement en un strict devoir de mémoire, sans autre forme d'intérêt. Il y a quand même quelques petites scènes intéressantes, parfois strictement esthétiques (le tabassage dans la flaque de boue), parfois dans l'ambiance (l'intro, qui tente de jouer le faste des années 30), mais le résultat peine clairement à illustrer un parcours digne d'intérêt. Un détail pour charger la mule, nous apprenons à mi-parcours que le personnage... est juif. Ah la la ! Plutôt que de tenter de conserver l'originalité du parcours, rattachons nous à la bonne vieille routine. Bon, poursuivre dans le cynisme ne servant pas à grand chose, on se contentera de dire que Bent est un film relativement peu utile et quelconque, à réserver pour les nostalgiques du devoir de mémoire.
Voracinéphile
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le 4 déc. 2014

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