Des nonnes qui se touchent dans une église

Benedetta ressemble en de nombreux point à Showgirls, pour le meilleur et surtout pour le pire. Paul Verhoeven va très loin dans les rapports charnels au sein de l'église et dans le côté blasphématoire. A savoir aussi que l'histoire racontée ici est entièrement vraie, Benedetta ayant réellement existé.

Benedetta Carlini (Virginie Elfira) est une nonne ayant vécu en Italie au 17ème siècle, dans un couvent. Elle va prétendre avoir des visions et être possédée par jésus lui-même. Elle va même finir par être nommée à la tête du couvent à la place de la Révérende Mère (Charlotte Rampling). Elle va rapidement gagner en pourvoir et régner sur la ville de Pescia ... pour finir par être condamnée pour des relations lesbiennes.

Paul Verhoeven s'inspire d'une histoire vraie pour raconter un fait historique sous le prisme de la satire. La satire s'exprime à travers l'outrance, l'exagération et l'ostentatoire. Tout est exagéré et esthétisé, que ce soit dans le très beau ou le très moche. On ne s'attarde pas dans le détails. Ainsi, Virginie Elfira alors âgée de 44 ans, incarne une none de 28 ans et maquillée comme une bimbo des années 2000.

Le problème avec Paul Verhoeven, c'est que parfois il va trop loin dans l'outrance, comme ici dans Benedetta ou comme auparavant dans Showgirls. Et ça va tellement loin dans l'outrance, qu'on finit par être désintéressé du destin des personnages. Malgré tout le talent de Virginie Elfira, Benedetta Carlini ne suscite aucune empathie. De plus, le mauvais goût et le ridicule prend trop souvent le pas sur tout le reste. La critique de la religion catholique pour son côté vénal et mercantile, passe trop souvent au second plan.

Malgré son côté mythomane, Benedetta semble être sincère et convaincue d'avoir vécu ce qu'elle prétend avoir vécu. Elle fonde sa foi en Jésus comme une érotomane, Jésus est sa drogue. Je prends pour exemple la scène, lorsqu'elle rejoint Jésus (aka la scène du tableau). Néanmoins, elle croit fermement en sa foi et est persuadée qu'elle peut sauver Pescia de la peste, ce qui finit par réellement se produire.

Tous les chrétiens du film sont pour la plupart opportunistes, cruels ou véreux. Je prends pour exemple la première scène du film, avec la révérende mère (Charlotte Rampling) négociant un accord financier avec le père de Benedetta pour l'accueillir dans le couvent, chose qui est bien loin des valeurs affichées par l'Eglise. Elle fait preuve d'avarice sur les questions d'argent et elle ment également pour ne pas s'opposer au pouvoir. Et puis, ce n'est pas pas un hasard si c'est le nonce (Lambert Wilson) qui finit par apporter la peste dans Pescia. Il fait preuve d'un excès de colère et peut se montrer cruel, comme lorsqu'il torture sœur Bartolomea et condamne Benedetta au bûcher (chose courante à l'époque, il est vrai). La seule qui semble être épargnée au premier abord, c'est la sœur Christina (Louise Chevillotte), qui ne croit pas aux mensonges supposés de Benedetta. Mais en même temps, on pourrait l'accuser d'être envieuse de Benedetta.

La personnalité trouble de Benedetta (entre sainteté et mythomane) est au centre de tout. La relation ambiguë mythomane/mystique est très intéressante, mais en voulant critiquer l'Eglise pour dénoncer la cruauté d'une époque, Paul Verhoeven critique en réalité notre époque actuelle. Et puis il y a dans ce film un éloge de la chair (comme dans la plupart des films de Paul Verhoeven) qui alimente la foi de Benedetta. Benedetta fonde sa croyance sur un rapport charnel avec Jésus, ce qui est hautement blasphématoire. Et puis Benedetta fait évidemment preuve de luxure avec un appétit sexuel dévorant pour la sœur Bartolomea. Elle fait également preuve d'orgueil, d'une certaine manière, dans sa volonté de sauver seule Pescia de la peste.

Les scènes de sexe sont plates et très peu mises en scène, malgré le talent de Virginie Elfira. Le blasphème vient plus des dérives et de l'hypocrisie au sein de l'Eglise (la richesse de l'Eglise) que des rapports charnels entre les nonnes. Le film dénonce la corruption des valeurs de l'Eglise catholique et les jeux de pouvoir à l'intérieur de l'Eglise catholique (les rapports de force entre le nonce et la révérende mère et les rapports d'argent pour entrer au couvent).

Paul Verhoeven arrive à maintenir le doute jusqu'au bout sur la supposée imposture (ou non) de Benedetta. Il y a les bouts de verre qu'on découvre toujours aux moments les plus opportuns, mais aucune certitude n'est donnée sur savoir si c'est bien elle (ou pas) qui s'est ouvert les veines. Comme dans Total Recall ou encore dans Basic Instinct, Paul Verhoeven joue avec la perception du spectateur. D’ailleurs, la comparaison entre Benedetta et Catherine Tramell (Sharon Stone) dans Basic Instinct est assez évidente, même si les deux films appartiennent à deux genres très différents. L’un est un thriller érotique, où le sexe et la mort sont plus liés plus que jamais et le corps est montré comme un objet de désirs. Dans l'autre, il est question de découverte de soi, de sa sexualité, de son corps et de son rapport à la religion.

Paul Verhoeven n'a vraiment pas peur d’y aller fort sur l’exagération et le too much, comme dans la scène avec la comète en CGI, ou la scène de crucifixion sur fond vert. Et si ça fonctionne, c'est justement parce que les CGI sont dégueulasses et que le fond vert est très visible ... ça fait kitch, quoi ! Et puis le film n'est pas dénué d'humour, comme lorsque la sœur s'exclame d'un seul coup "j’ai envie de chier", ou encore quand une femme enceinte fait gicler son lait maternel de ses seins. C'est un humour de sale gosse qu'on retrouve dans Robocop, Total Recall et Starship Troopers.

Benedetta est un film troublant, fascinant, déstabilisant, prenant ... mais aussi assez bancal, moche et limite risible par moments. C'est très difficile de recommander un film qui divise autant. Moi, au final je ne sais pas quoi en penser. Sans le détester, je ne peux pas dire non plus que je l'ai beaucoup apprécié. Bref, c'est à vous de voir !

lessthantod

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7
8

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