Réalisé en 1967 par Louis Buñuel, artiste surréaliste, Belle de jour est un drame à l’érotisme suggéré adapté du roman éponyme de Joseph Kessel. Lien de mon blog


Séverine (Catherine Deneuve) est la jeune épouse de 23 ans de Pierre (Jean Sorel), chirurgien charmant et ancien boyscout. Issus de la bourgeoisie, ils vivent dans un bel appartement et leur mariage est heureux, malgré la frigidité manifeste de Séverine. 


Fantasmes et fétichisme


Si Séverine se montre coincée et prude face à son mari, ses rêves en revanche, nous permettent d’explorer un nouveau pan de sa personnalité. Dès la première scène, alors qu’elle se balade en calèche avec Pierre et qu’ils se disent des mots d’amour, celui s’énerve car elle refuse de l’embrasser. Pour se venger, il la sort de la calèche et permet aux cochers de la violenter, y compris sexuellement. Dans la scène qui suit, Séverine est allongée sur son lit, Pierre lui demande à quoi elle pense, elle répond qu’elle pense au landau. « Toujours au landau », réplique ce dernier. Alors qu’ils vont se coucher, il tente de se rapprocher de sa femme, qui le repousse.


Plusieurs rêves de Séverine viennent ainsi ponctuer le film et explorer ses fantasmes, et tous débutent par le tintement de clochettes, comme pour annoncer le passage de la réalité au rêve. Buñuel explore à travers son personnage les fétichismes de violence, de domination et d’humiliation, qui contrastent tant avec l’univers bien rangé de la petite bourgeoisie parisienne.


Un jour, Husson (Michel Piccoli), un ami du couple, souffle à Séverine l’adresse d’un bordel, chez Mme Anaïs (interprétée par Geneviève Page). Hésitante mais attirée par ce lieu, Séverine finit par s’y rendre munie de lunettes de soleil afin de passer inaperçue. Elle commence alors à se prostituer régulièrement, et se fait appeler Belle de jour.


   **La prostitution**

Belle de jour, c’est le nom d’une plante dont les fleurs ne s’ouvrent que pendant le jour, en référence au fait que Séverine ne peut être là-bas que l’après-midi « de 14h à 17h », après elle doit partir et retourner à sa vie.


Buñuel dresse un petit catalogue de clients, du premier Monsieur Adolphe, industriel bon vivant et grossier à un homme d’affaire japonais (et son étrange boîte à musique), en passant par le Professeur, qui se fantasme valet de madame la marquise. Dans cet univers, Séverine peut librement donner cours à ses pulsions masochistes. Il est par ailleurs intéressant de constater que l’activité de prostitution est présentée plutôt positivement par le réalisateur, accompagnée de son lot de bouteilles de champagnes et de bonne ambiance.


Un jour, Séverine tombe amoureuse d’un de ses clients, Marcel un truand qui va bouleverser ce fragile équilibre. Elle décide finalement d’arrêter de travailler pour Mme Anaïs et coupe les ponts avec son amant. Ce dernier finit par la retrouver et comprend en voyant un portrait de Pierre, que ce dernier est le rival qui l’empêche de posséder Séverine.


   **Tout dans la suggestion** 

Belle de jour est étonnant car malgré son sujet sulfureux, le film en lui-même reste relativement chaste. Les actrices, et notamment les prostituées, ne sont jamais montrées nues, et seul le dos de Catherine Deneuve est filmé par la caméra de Buñuel. De la même manière, les actes sexuels restent toujours hors champ, que ce soit lorsque Séverine se prostitue ou durant ses fantasmes.


De même, afin d’expliquer au spectateur les raisons de la double vie de Séverine, le réalisateur parsème le film de flash-back, dans lesquels on la retrouve enfant, et où l’on comprend qu’elle a été abusée par un ouvrier.


La psychologie des personnages n’est jamais montrée de façon claire et simple, ce qui fait de ce film un film mystérieux et poétique, sans cesse en suspend entre rêve et réalité et dans lequel Catherine Deneuve signe une de ses plus belles prestations.

Coupdecine
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le 24 sept. 2019

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Coup De Ciné

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