nov 2011:

2e film du 33e Cinémed que je vois, un Pietro Germi en noir et blanc, très abimé, raturé, haché.

Lors du générique, mon sang ne fait qu'un tour : il annonce des acteurs de la Comédie Française! Un doublage, quelle horreur! Hé bien, coup de chatte, c'est assez rare pour le signaler : le doublage a été remarquablement joué! C'est passé en douceur, comme une lettre à la poste et j'ai pu oublier la VF.

On ne va pas faire la fine bouche, le film étant ce qu'on doit appeler une rareté, c'est déjà un grand privilège de pouvoir le voir sur grand écran. D'autant que c'est un bon film.

Prenons garde, il ne s'agit pas d'une comédie à proprement parler. Des aspects sont comiques, certes, mais le film est bel et bien plutôt une comédie de mœurs qui se penche sur quelque chose de très compliqué à définir. L'amour peut-il être partagé? Peut-on sincèrement aimer plusieurs femmes, avoir plusieurs foyers?

Alors bien sûr, le titre italien ("L'immorale") interpelle sur cette notion si changeante, la morale. Pour moi, le personnage joué par Ugo Tognazzi n'a strictement rien d'immoral, peut-être à la limite peut-on lui concéder quelque amoralité. Mais je ne suis pas du tout sûr.

Il est honnêtement et profondément amoureux de ses trois femmes, chérit réellement toute sa progéniture et c'est bien là son problème, cette incapacité à choisir. Il ne peut pas choisir ; il voudrait les réunir tous ; il ne le peut pas, bien entendu. C'est un homme compressé, par tout cet amour qui ne peut s'empêcher de donner jusqu'au bout.

Et à part la discussion à bâtons rompus avec le curé Gigi Ballista, éberlué mais somme toute oreille attentive et concernée et qui aboutit à quelques scènes souriantes, le film laisse apparaitre une profonde tristesse, légitime, née de la course folle que le pauvre homme mène pour satisfaire toutes ses familles. Conscient de faire souffrir l'amour propre de certaines de ses compagnes, il ne parvient jamais à se résoudre à les quitter. Cette impossibilité fige Ugo Tognazzi dans cette fuite en avant et le transforme en grosse boule de neige dévalant la montagne. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner l'issue fatale.

Quoiqu'il en soit, la performance d'Ugo Tognazzi est époustouflante. Je pèse mes mots. Habitué à le voir jouer les fantasques, les vulgaires ou les cyniques, je découvre là une autre facette du comédien, dans un rôle peut-être plus profond que coutume.

Stefania Sandrelli, toute jeune mais déjà aguerrie, notamment dans le cinéma de Germi, est splendide, toute douceur, toute pureté, toute grâce.

Et je rencontre pour la première fois le magnifique visage de Renée Longarini, merveilleuse à tomber amoureux.

Le film de Pietro Germi est une belle invitation à la réflexion sur l'amour, l'investissement affectif. L'amour se partage-t-il? Voyez, rien d'immoral, mais un voyager introspectif très émouvant.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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Alligator

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