Sourire sardonique contre regard nyctalope

Batman est un monument et un symbole de la "comic book culture" ; après avoir connu différentes déclinaisons depuis sa création en 1939, dont une série TV très parodique dans les années 60, Tim Burton livrait en 1989 la première grosse production sur le Caped Crusader en même temps qu'il donnait de lui sa vision personnelle : quadragénaire désabusé, engoncé dans une cuirasse en kevlar, dont la dualité Bruce Wayne/Batman est pour lui pesante, le personnage s'oppose à son double maléfique, le Joker qui est transformé par Nicholson en magistral bouffon rigolard...
Kim Basinger est un peu considérée comme la potiche blonde de service, invitée là au milieu des duels entre Batman et le Joker, entre le farceur au rictus perpétuel et la chauve-souris perturbée, mais elle remplit bien son rôle. Au milieu de décors d'un baroque flamboyant, Burton impose une ambiance sombre, gothique, étrange, poétique, très "noire", où Keaton donne beaucoup de crédibilité à ce héros torturé, par son jeu intériorisé. Il n'enchaîne pas les scènes d'action à un rythme frénétique, au contraire, il prend son temps en insistant sur les clins d'oeil, les références à d'autres films, et la dérision. En même temps, il ridiculise les politiciens incapables de mettre fin aux activités de la pègre, symbolisée ici par le Joker. Ce Joker qui phagocyte un peu le film en tirant parfois trop la couverture à lui, et dont la cause est son interprète, car il est certain que si ça n'avait pas été une star de l'envergure de Nicholson, il n'est pas sûr que Burton aurait aussi bien réussi son coup. Big Jack alias le Joker est en effet la vraie vedette du film dans ses costumes violet à cravate verte, il trouve un de ses meilleurs rôles, il en fait des tonnes, ses répliques font mouche. Et pourtant lui-même ne croyait pas tellement en ce film et en ce personnage de clown maléfique puisqu'il avait exigé un pourcentage sur recettes.
L'ensemble est soutenu par une partition de Danny Elfman également sombre et inquiétante, avec un sens de l'effet dramatique et du spectaculaire obtenu grâce à de grands éclats de cuivres et de percussions, c'est l'un des plus beaux fleurons de ce compositeur, son "Batman Theme" est superbe, cette partition est grandiose, surtout lorsqu'il mêle des accents baroques, comme cette "Waltz to the death" ; d'autre part les chansons de Prince qui y ont été incorporées, font également leur effet. Tous les éléments étaient donc réunis pour donner un très bon film qui en plus a cassé la baraque en 1989, je m'en souviens encore, la Batmania c'était de la folie, le logo de la chauve-souris était partout, sur des tee-shirts, des verres, des cahiers et toute sorte d'objets. Le Caped Crusader était véritablement magnifié, c'était du jamais vu !

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le 16 févr. 2017

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