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Bâtiment 5
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Bâtiment 5

Film de Ladj Ly (2023)

Insurrectionnel et enragé, Bâtiment 5 de Ladj Ly

Tragédie contemporaine en mode western urbain dénonçant la violence raciste quotidienne, Bâtiment 5 de Ladj Ly trace sa rage dans un film miroir des Misérables.

Film jumeau des Misérables (où nous découvrions Alexis Manenti qui y excellait déjà en flic raciste, répugnant et somme toute assez droit dans ses bottes), Bâtiment 5 exacerbe la caméra émeute de Ladj Ly et son style immersif, toujours à deux doigts de l’implosion.

L’escalier des rébellions sociales

Ce nouvel opus du réalisateur palmé s’ouvre sur une scène d’escalier, miroir de la fin des Misérables. Des voisins y descendent difficilement un mort. On y entend en off: Comment vivre et mourir dans un endroit pareil ? La camera s’avance dans l’étroitesse sinueuse, cogneuse, obscure et insalubre du lieu, on y suit des familles portant un cercueil trop lourd et large pour l’architecture. Cet unique plan, presque prologue de Bâtiment 5 nous donne son axe et sa dramaturgie. C’est depuis la sordidité et l’accablement déposés sur les murs de cet escalier que Ladj Li entend montrer la déliquescence de notre politique urbaine dans les quartiers défavorisés et un certain état nauséeux( essentiellement corrompu, raciste et aveugle) de la France.

Depuis la descente du cercueil dans cet escalier exutoire de la lutte des classes montent grondements et grenades de la rébellion. Un chant funèbre de l’aliénation rampante et stagnante d’une ville au bord de l’effondrement.

C’est à travers le visage et le parler franc de Haby (Anta Diaw), décidée à agir les conditions de sa colère et pas seulement à se taire et subir que le film s’éclaire de ce que pourrait être le visage d’une vraie justice sociale.

Haby, stagiaire à la mairie, activiste, bénévole d’une association d’aide aux immigrés est pleinement engagée dans l’action, choisissant de contrecarrer des lois illicites promulguées par le maire entrant inexpérimenté (Alexis Manenti) en se présentant comme future candidate, c’est elle qui va servir de contrepoint radieux, direct et compassionnel mais trop peu développé à la charge du film de Ladj Ly.

Bâtiment 5 toutefois fait voler en éclat la piste de ce personnage peut-être trop utopiste.

Radicalement réaliste, ancré dans le constat d’injustices réitérées signant le retour d’un racisme et l’humiliation opérée sur une certaine population jugée expulsable, cloitrable, indigne de droits, Bâtiment 5 trace sa rage entre les désarrois des mères, les colères des fils et les ambitions reac, maladroites et vaniteuses du maire fraichement élu (Alexis Manenti, personnage détestable dans son aveuglement et sa pusillanimité).

Une tragédie contemporaine en mode western urbain

Là Ladj Ly choisit de filmer sa tragédie des banlieues en mode western non dialectique (il eût fallu un des personnages de mère pour raconter l’histoire de ce bâtiment, quelqu’un dont on suive le récit intérieur) tout aussi nerveux que les Misérables, mais moins magistral. Difficile il est vrai sur presque le même sujet de dépasser son propre chef d’œuvre.

On fait corps avec les personnages, l’injustice poignante dénoncée, la qualité émotive et pulsive des images de chaos mais l’ensemble manque d’une incision scénaristique plus ferme, d’un point de vue qui transcende ou innerve au contraire la trajectoire filmée. Dans les Misérables coécrit avec Alexis Manenti, Ladj Ly ménageait des temps d’après les émeutes où l’on voyait les flics de la BAC revenir chez eux, retirer leur violence, être happés par leur vie intime, simple et émouvante: l’un revenait chez sa mère qui le prenait dans ses bras, l’autre appelait son fils. Tous ces contrepoints amenaient une réserve d’humanité et d’émotions que ne contient pas assez Bâtiment 5 toujours à cran et explosif, sauf sur son épilogue.

L’époque est à la colère et au chaos. Bâtiment 5 résonne avec force et en livre épidémiquement la clinique des indignités.

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VioletteVillard1
8

Créée

le 12 déc. 2023

Critique lue 13 fois

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