Après le splendide et inouï «Braguino », après là flamboyance nerveuse des « Indes Galantes », l’attente induite face au prochain film de Clément Cogitore était haute. Naturellement il faut pouvoir lâcher sur l’attente avant de voir. Ou voir autrement. C’est tout l’enjeu dont un cinéaste crédite son spectateur: croire à un voir autre. Voir un autre croire.

« Goutte d’or », le 1er long métrage de fiction de Cogitore défie en vérité ses propres sentiers et trace ailleurs. C’est un film sinueux, paradoxal, complexe et déséquilibré que nous offre Clément Cogitore. Un film tendu et habité par son personnage principal Ramsès -le mage de Barbès ( interprété par Karim Leklou), personnage interlope tourmenté-vacillant- habile-sincère-imposteur-voleur-menteur-à qui les âmes errantes confient leur désarroi pour remonter à la surface. Le film est à l’image de son personnage happé, en pente, glissant, magnétisé par un autre champ plus diffus, indéfini, expérimental que Clément Cogitore traque dans les interactions de l’intrigue et les faubourgs de la ville confuse et nocturne.

Entre quête de rédemption et réconciliation des origines, «Goutte d’or » réussit là où n’est pas son sujet: les scènes de Ramsès avec son père véridique, chaleureux, enveloppant. Les scènes comiques avec les autres guérisseurs se sentant floués.

Goutte d’or creuse à la frontière des mondes et vaut surtout pour ce qu’il élabore en creux: une autre cartographie des récits visibles au cinéma. L’écriture de Goutte d’or c’est surtout l’interprétation toute en intériorité hantée et errance incarnée de Karim Leklou. A mi-chemin d’un Forest Whitaker dans Ghost Dog il arpente l’image avec une douceur inquiète et rend crédible les questionnements présents dans la démarche de Cogitore.

A l’inverse de Sofiane Zermani qui jouait avec une puissance sévère dans la série « les sauvages » une sorte de gourou sombre et martial, incitateur à la haine, Karim Leklou avec la même puissance de la douceur ici se laisse traverser par la souffrance des déshérités et offre une partition illuminée et empathique, à l’écoute des chaos des morts. A la périphérie des films conventionnels actuels, Goutte d’or ouvre la voie pour des récits inattendus et une autre manière de s'emparer des fictions.

VioletteVillard1
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le 2 mars 2023

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