L'épopée poétique du peintre moderne
Basquiat est un film qui retrace l'itinéraire de l'enfant-roi new-yorkais, celui qui va changer le monde artistique de bout en bout, Jean-Michel Basquiat (1960-1987 -encore un membre du « club des 27 », météorites artistiques morts à l’âge de 27 ans-), immense artiste de l'underground américaine (américain non?), connu pour ses travaux avec Andy Warhol, son tags sur les murs de Harlem, aujourd'hui l'artiste dont les oeuvres sont les plus chères sur le marché de l'Art. Son histoire sera filmée par un autre peintre, Julian Schnabel, surtout connu pour son chef-d'oeuvre Le Scaphandre et le Papillon.
D'entrée, l'affiche détonne : David Bowie joue Andy Warhol (le meilleur rôle de sa carrière, où il a bien mieux prospéré par ses chansons que par son jeu d'acteur), Jeffrey Wright, encore peu connu à l'époque du film, joue Basquiat. A côté d'eux se retrouvent : Dennis Hopper (Easy Rider, Blue Velvet, L'ami américain), Gary Oldman (Léon, Dracula, Batman, Harry Potter) Claire Forlani (Rencontres avec Joe Black), Benicio Del Toro (Usual Suspect, Che, Permis de tuer), Willem Dafoe (La dernière tentation du Christ, Mississipi Burning) ou encore Courtney Love (l'épouse de Kurt Cobain, chanteur de Nirvana) qui interpète Madonna.
Un film sur un peintre, par un peintre, qui fut d'ailleurs son ami et compagnon de route lors de nombreuses expositions. Le sujet du film n'est pourtant pas la peinture, elle ne tient qu'une place très réduite. Le sujet, c'est surtout la personnalité de Jean-Michel Basquiat, tout droit sorti de son carton de SDF de Harlem, taguant tous les murs qu'il trouve, et qui, à la suite d'une ascension fulgurante, va se retrouver la star de l'art moderne ; mais aussi l'amitié entre Basquiat et Warhol ; et encore le tiraillement de Basquiat entre la drogue, la mort, et sa volonté de devenir le premier grand artiste noir de la peinture. Personnellement, je ne connaissais pas du tout l'oeuvre de Basquiat avant de voir le film, et je peux dire que ça (ne m’a pas handicaper ?) n'handicape pas du tout pour la compréhension ni pour le plaisir qu'on prend à le regarder.
La première chose qui claque, c'est le jeu d'acteurs. Julian Schnabel s'est payé une pléïade de grands acteurs, et les a magnifiquement dirigés, du début à la fin. David Bowie, dont les autres films en tant qu'acteur sont pourtant de malheureux échecs, touche dans celui-ci au divin, dans une incarnation d'Andy Wahrol plus vraie que vraie. Un grand junkie en interprète un autre. On le sent possédé par le rôle, présent à merveille du début à la fin. Un vrai bonheur. Dans le même temps, Jeffrey Wright incarne à merveille le génie sans-abri vivant dans on carton à Harlem, qui devient la grande star du ( showbiz ?) shobiz pictural, dévoré par ses phobies, junkie lui aussi, et pourtant heureux à sa manière, dans sa naïveté géniale. A côté de cela, on retrouve Dennis Hopper, dans le rôle de l'agent de Warhol, toujours présent aux côtés de la star pour surveiller sa santé (et se faire du pognon) ; Willem Dafoe, pourtant acteur de premiers rôles, est présent cinq petites minutes devant la caméra, en tant qu'éléctricien et sculpteur, pour encourager Basquiat à peindre ; ou encore Gary Oldman, Courtney Love, Claire Forlani, Benicio del Toro, tous sont superbes, incroyablement présents, véritablement incarnés dans leur rôle.
La seconde raison pour voir absolument ce film, ce sont les scènes d'anthologie. Tout, absolument tout, la moindre scène est mythique. Pour les plus incroyables, on a la scène d'entrée où la mère de Basquiat l'emmène au musée de New York, voir "Guernica" de Picasso, et où la couronne d'or; que Basquiat utilisera comme motif de ses oeuvres et comme signature, apparaît sur sa tête, alors qu'il a huit ans. Aussi, ma scène préférée, celle où Basquiat, tout heureux, achète deux canards en plastique pour Warhol, car il sait que ce dernier les adore, qu'il traverse la route et retrouve Dennis Hopper, qui lui apprend la mort d'Andy ; Jeffrey Wright laisse un de deux canards sur la route. Ou encore, la rencontre entre Basquiat et Madonna, dans une rue de New York ; alors qu'ils ne se connaissent pas Basquiat séduit Madonna sur la centaine de mètres que compte la rue, et, au bout de la rue, Courtney Love donne à Jeffrey Wright son écharpe rose ; ils seront en couple pendant plus de six mois.
Un immense morceau de bonheur ; autant artistique que drôle, autant triste que merveilleux. Un film poétique, avec en plus de tout cela une bande originale incroyable (Velvet Underground, David Bowie, Brian Adams, Tom Waits). Bref, un film incroyable à voir et à revoir. Un de mes préférés.