Barabbas (Richard Fleischer, Italie, 1961, 2h17)

Libéré au dépend de la vie de Jésus, le forçat Barabbas assiste, mitigé, aux derniers instants du Christ. L’observant sur la croix, ne sachant que penser, il est dans un premier temps heureux d’être en vie, avant de réaliser progressivement l’importance qu’avait cet homme. Pour lui un inconnu, il est pour d’autre un prophète. Toute sa vie durant, c’est dans l’ombre de cette libération, qui fût la mort pour l’autre, que Barabbas appréhende désormais l’existence.


Sous la forme d’une aventure picaresque, cette production sur la vie de Barabbas, de sa libération par Ponce Pilate jusqu’à sa mort, est adaptée d’un roman de l’écrivain suédois Pär Lagerkvist, pour lequel il reçut le prix Nobel de littérature. Si dans les Évangiles le personnage occupe un rôle très limité, il bénéficie, grâce à l’Ubris de son producteur, Dino de Lorentiis, d’une adaptation épique digne des plus grands péplums made in Hollywood.


Incarné par un impressionnant Anthony Quinn, Barabbas est un meurtrier, rustre, violent et colérique, qui aime la bagarre, le vin et les femmes, n’hésitant pas une seconde s’il faut tuer. Mais son expérience avec le Christ le chamboule, au point de remettre en perspective ses choix de vie. Menant une quête pour en apprendre plus sur l’homme mort ‘’à sa place’’.


D’affranchi en Judée il devient, suite à un méfait commis peu de temps après sa libération, un esclave dans des mines de sulfure en Sicile. Se passent alors un peu plus d’une trentaine d’année avant qu’il puisse s’en échapper, et c’est dans la Rome de Néron qu’il se retrouve. Redevenu esclaves il est amené à participer aux jeux du cirque en devenant (un vieux) gladiateur.


Par le biais d’une mise en scène des plus sobre signée Richard Fleischer, cinéaste versatile capable du pire comme du meilleur, rapidement le destin de Barabbas passe au second plan de l’intrigue. En effet, ce n’est pas spécialement le récit du protagoniste qui se révèle le plus captivant, mais tout l’univers qui l’entoure. À savoir l’omniprésent Empire Romain, dans lequel se développe un christianisme embryonnaire.


Barabbas se retrouve dans la Rome du Ier siècle, à un moment où les Chrétiens sont persécutés, et vivent leur foi dans la clandestinité. Son chemin croise celui de Pierre, le pêcheur ayant renié trois fois le Christ lors de son arrestation, et futur fondateur de l’Église romaine. La démarche est en ce sens historique, le film dressant une passerelle entre les Évangiles, leur message religieux, et la Rome Antique de l’Histoire concrète.


Avec son atmosphère particulièrement pessimiste, appuyée par une photographie aux noirs particulièrement profonds, la vision proposée de la capitale de l’Empire est celle d’une cité en pleine déliquescence. Un lieu où la vertu à cédée la place à la débauche, qu’illustre parfaitement le règne de Néron, archétype de l’empereur fou, marqué par un retour des jeux du Cirque. Symbole de la décadence impériale.


Mais c’est toutes les strates de la société romaine qui sont rongée par le chaos ambiant. Les Chrétiens, surpris, dénoncés, où capturés servent alors de chairs pour les lions de l’arène, en ce qui concerne les femmes, les vieillards et les faibles. Quand les plus costauds deviennent gladiateurs, sommés de se battre contre de redoutables combattants.


Les Chrétiens incarnent la crainte d’une sédition au cœur de l’Empire, et sont donc chassés par le pouvoir, qui les perçoit comme des terroristes. Des fauteurs de troubles mettant en péril la paix intérieure. Menés par la figure patriarcale du futur ‘’Saint’’ Pierre, ce dernier est un homme sage, accueillant le fameux Barabbas, de plus en plus fasciné par cette nouvelle religion.


C’est à la solidification des bases chrétiennes, fondations des sociétés occidentales, que fait échos le film. Ce n’est pas là une adaptation d’un écrit religieux, mais celle d’un roman de fiction. Cependant, la démarche est peu éloignée de l’Épique Biblique pur, puisque la mise en scène traduit un profond respect pour la foi chrétienne. Présentant, pour exemple, le Christ de dos sur la croix, lors d’une reconstruction de la crucifixion, semblable à toutes les productions de l’époque sur le sujet.


Tous le métrage baigne ainsi dans une expression de la piété de ses auteurs, magnifiée par les moyens mis à disposition par le dévot Dino de Laurentiis, ayant plus d’une fois mis la main à la poche pour chercher à offrir l’œuvre biblique ultime. Ce qu’il ne parviendra d’ailleurs jamais à faire. Mais en faisant appel au savoir-faire de metteurs en scène hollywoodiens, il se dote de l’assurance d’obtenir un souffle épique.


C’est peut-être là l’un des gros défauts de ‘’Barabbas’’, puisqu’à chaque plan il y a une recherche de l’épique. Or sur le papier l’aventure du personnage s’avère plus proche de la réflexion introspective, que du récit spectaculaire. Barabbas est sans cesse seul face à sa foi, et c’est son parcours psychologique qui le mène de la Judée à Rome, quand son destin devient indissociable de celui des premiers Chrétiens.


Alors oui, l’effondrement de la mine est dément, la reconstitution de Rome est impressionnante, le tournage ayant pris place dans les décors magiques de la cinécittà. Visuellement ‘’Barabbas’’ remplit tous les objectifs du péplum grandiloquent, bénéficiant d’une débauche de moyens visible lors du grand incendie de Rome. Tous le contexte entourant Barabbas devient finalement plus intéressant et plus époustouflant que sa quête interne.


Le propos du film est ainsi dépassé par son aspect formel. Accusant parfois de petites longueurs, oscillant entre l’ennui poli et l’envoûtement, ‘’Barrabas’’ s’avère tout de même un péplum de qualité, supérieur aux productions de l’époque. Portant de plus tous les signes de l’Épique Biblique, par un personnage central intimement lié à Jésus, voulant mener une existence dans son héritage. Ignorant pourtant tout de ce fou autoproclamé ‘’roi des Juifs’’.


Si Barabbas ne parvient jamais vraiment à se défaire de sa nature de forçat, sans cesse prisonnier de ce qu’il est, par les enseignements du Christ il recherche une forme de rédemption. Il est au final sans cesse un captif, physiquement (mineur, gladiateur) et psychologiquement (syndrome du survivant), quand un lien l’uni intimement à Jésus.


Aventure humaine, philosophique et théologique, d’un personnage tout en nuance perdu dans ce grand vide qu’est l’existence, tiraillé entre ce qu’il est et ce qu’il aspire à être, sans assumer ni l’un ni l’autre. ‘’Barabbas’’ est une œuvre bien plus riche et profonde qu’elle peut paraître au premier abord.


Avec son observation psychologique de Barabbas, le récit illustre une rencontre, fortuite, avec Jésus Christ, qui change la vie d’un homme issu du commun des mortels. Au point de l’amener à faire lui-même le sacrifice de sois pour permettre aux enseignements de perdurer et se diffuser. Marquant de fait le point de départ d’une religion sur le point de s’étendre aux quatre coins du monde.


-Stork._

Peeping_Stork
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Il était une Foi(s)

Créée

le 3 mai 2020

Critique lue 396 fois

2 j'aime

3 commentaires

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 396 fois

2
3

D'autres avis sur Barabbas

Barabbas
Teklow13
7

Critique de Barabbas par Teklow13

Nouveau genre abordé par Fleischer : le péplum. Ici péplum à consonance religieuse puisqu’il raconte le parcours de Barrabas, incarné par le grand Anthony Quinn qui apporte au personnage sa...

le 30 avr. 2013

7 j'aime

Barabbas
Ugly
7

L'éveil de la foi

Adapté de l'ouvrage de l'écrivain suédois Pär Lagerkvist qui reçut en 1951 le prix Nobel et qui lui apporta une renommée internationale, ce péplum raconte la destinée du voleur et meurtrier Barabbas,...

Par

le 11 sept. 2016

6 j'aime

Barabbas
JeanG55
7

Barabbas

Richard Fleischer s'est essayé à tous les genres de la science-fiction au film de guerre et policier en passant par les péplums et l'heroïc fantasy. Là, il s'attaque en 1961 au péplum (la seule fois...

le 8 janv. 2021

5 j'aime

3

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

13 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

10 j'aime