Ce sera une CRITIQUE AVEC SPOILER.

Grand fan de La la land, je vais voir Babylon, pour ainsi dire, la fleur au fusil : sans lire de critiques qui spoilent, en me fiant à la note élevée de SC (7,7, quand même), me régalant d’avance de l’affiche, Brad Pitt et Margot Robbie, mazette.

Oh.

My.

God.

WTF.

Mais pourquoi ??? Ce n’est pas que je n’ai pas aimé ce film : je l’ai littéralement haï. Vulgaire. Prétentieux. Creux. Saturé de références lourdingues à d’autres œuvres — ce qui ne fait qu’accuser davantage les défauts du film de Chazelle, hélas pour lui.

Du coup, je vais aligner les références, parce que je crois vraiment que ce dernier se voit comme un cinéaste inspiré, concevant un admirable objet méta, et convaincu que pour faire œuvre il faut citer, citer, citer, et pour lier la sauce : choquer.

On dirait que personne n’a remarqué, ou osé lui dire qu’il fonçait à tombeau ouvert sur la route du grand n'importe quoi.

Dans le cinéma hollywoodien, au fil du temps, une recette s'est imposée de plus en plus : le montage frénétique, comme on a pu le voir par exemple au début d’Elvis du récidiviste Baz Luhrmann (Romeo + Juliette, Moulin Rouge), du Loup de Wall Street… et tant d’autres encore, je ne vais pas rallonger la liste.

Comme Babylon commence par une – interminable – séquence de fête bien décadente, évidemment le montage frénétique s’impose, avec alcool, putes, nain sur un pogo stick en forme de bite, qui finit par projeter un liquide blanc sur l’assistance. Sans oublier, de la cocaïne non pas par saladiers, mais littéralement à la pelle, avec deux monticules couvrant une table de salon.

Tout cela est d'une mocheté, d'une complaisance envers la défonce qui résume certainement le projet du film : être survolté, vivre bien au-dessus des conventions, donner la nausée.

Bingo.

Dans La Grande Bellezza, les fêtes décadentes de Toni Servillo sur les terrasses romaines jouent un rôle dans l’action. Elles ne tiennent pas lieu d’action, comme ici.

Dans Babylon, l’intrigue qui finit enfin, après une bonne heure de ce brouet indigeste, par se nouer, nous présente pour l’essentie, les aventures de deux acteurs du muet — Pitt et Robbie —, ainsi que d’un réalisateur en devenir, Mannie — j’ai oublié le nom de l’acteur.

On va suivre leur parcours du cinéma muet à l’avènement du parlant, une transition qui va détruire leurs carrières.

Tiens, mais ce ne serait pas comme dans The Artist ?

Je me suis dit que Chazelle prétendait jouer dans la même cour que Once Upon A Time in Hollywood et voulait lui aussi raconter toute une époque. De toute évidence, la comparaison avec Tarantino est accablante.

J’ai également vu dans ce machin une once de Hail Caesar des frères Cohen. Le personnage de la célèbre critique de cinéma sûrement.

En fait, j'ai sûrement dû me raccrocher au souvenir de vrais films, traitant grosso modo du même univers, pour ne pas sombrer dans une profonde narcolepsie.

Au fur et à mesure que tout cela se délite, je me suis pourtant pris à rêver qu’un scénario, un scénario quelconque, peu importe, mais un scénario, vienne améliorer a minima cette bouillie filmique.

Que dalle.

Un exemple : d'un seul coup, Brad Pitt décide de se suicider — pourquoi donc ? Peu importe. Une scène qui s’annonce, non pas avec des gros sabots, mais des escarpins d'éléphant.

Et moi qui venais de revoir le fantastique Three Billboards, cette scène si forte et sensible sur le même motif. Avec la pure gratuité de ce qui nous est montré, la même interrogation angoissante revient au premier plan : mais pourquoi ???

Etc.

Je vais arrêter de commenter le massacre.

Il y a quelques scènes sauvables. On en vient à se demander ce qu’elles viennent fiche là-dedans.

Pour l'essentiel : vulgaire, donc, très gratuitement vulgaire ; prétentieux, criard, narcissique, reposant (?) sur une théorie des humeurs  — pipi, caca, sang — totalement répugnante. Un enfant de Salò. Mais un enfant illégitime.

Cette fable sur le passage du muet au parlant se veut, in fine, un hommage au cinéma et à Hollywood, usine à rêves. Babylon représenterait bien sûr un sommet quintessentiel du genre.

Une prétention que sursouligne cette scène finale lourdingue, bête et vue cent mille fois où Mannie, seul survivant de ce passé de déglingos éprouve, dans une salle de cinéma, toutes les émotions du monde.

Ses souvenirs se mêlent aux images fugaces d’une tonne de films, y compris de films futurs ; il pleure.

Peut-être Chazelle s'est-il vu finir son film façon Woody Allen. Sans la moindre once de sa subtilité, comme soucieux de nous dire : "allez encore en salle, les gens !"

D’accord. Mais sûrement pas pour aller voir un truc aussi atroce, inexplicable, inexcusable.

Fuyez. 

Mathieu-Erre
2
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le 27 juil. 2023

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Mathieu Erre

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