Une chose est sûre : 2023 commence fort. Bide monumentale aux USA mais véritable chef d'œuvre pour le public français. Alors qui aura le dernier mot ?

Chazelle (Lalaland, Whiplash) réafirme à travers son nouveau film l'émotion et la fascination que provoque la projection d'images successives, que cette dernière soit parlante ou bien muette, qu'elle se veuille comique ou bien d'action. Babylon est une lettre d'amour au cinéma mais qui se veut réaliste. Elle ne cache pas des excès que se permet ce milieu, elle confronte la fascination et le dégoût. Car oui, faire un film dans les années 20 c'est risquer d'y laisser sa vie, c'est embaucher des clandestins en figuration, c'est engager la première personne venu pour remplacer celle ayant fait une overdose la veille ...

Nous sommes en 1926, le cinéma est encore muet mais le parlant s'apprête à faire son entrée. Mais en attendant tout est toujours permis, tout est possible. On peut tourner en extérieur côte à côte tout en criant et en faisant tout le boucan du monde en se permettant toutes les excentricités ... rien ne dérange, seule l'image compte.

Dans Babylon on suit l'ascension de plusieurs personnages : un assistant mexicain (Diego Calva, une révélation dans ce film, j'espère le voir d'avantage à l'écran dans le futur puisqu'il fait l'audace de briller presque plus que ses confrères bien plus célèbres) qui gravelit doucement les échelons pour atteindre son rêve, une jeune femme délurée propulsée au rang de vedette du jour au lendemain, un grand acteur déjà bien incrusté dans le monde hollywoodien qui devra s'adapter tant bien que mal a l'avancée technique du cinéma, un trompettiste afro-américain qui aura une chance de se faire un nom dans le 7ème art et qui cherchera à ne pas perdre le nord et enfin une chroniqueuse déjà âgée qui se nourrit de la folie de ce monde pour attirer les foules.*

Hollywood, la capitale du péché !

L'une des premières séquences du film démontre toute la folie de cette époque où rien n'est "interdit", tout est permis et tout est possible. Une fête délirante se caractérisant par ce qui semble être pour les personnages une "banale" orgie nous présente tour à tour tous les protagonistes de cette œuvre. L'alcool et la drogue coulent à flot, l'on n'en fait jamais assez alors un éléphant débarque en plein milieu de la soirée pendant que l'on tente d'évacuer une mineure victime d'une overdose. Bref, il n'y a aucune limite à la démesure et la dépravation. Cette longue séquence enchaîne les scènes de débauches pendant que la caméra suit le rythme infernale de cette soirée comme si elle aussi en faisait partie. La musique de jazz hurle dans vos oreilles pendant presque 30 minutes (d'ailleurs selon le volume de votre salle de cinéma vous ressortirez sans nul doute avec une migraine). En somme nous sommes face à une véritable scène d'anthologie tant celle-ci restera à coup sûr dans les annales.

Mais lorsque le parlant débarque tout dérape. Le film Le Chanteur de Jazz donne le coup d'envoi puisqu'il est considéré comme le premier film sonore (des scènes musicales étant insérées entre les muettes). Notre vedette échelonné (Brad Pitt qui est tout simplement comme un poisson dans l'eau avec ce rôle) ne réussit pas à faire la transition et se noie petit à petit dans la ringardise. La nouvelle star (Margot Robbie, qui est ici exceptionnelle et dechaînée. Pour moi elle fait partie de ces grandes actrices de cette nouvelle génération) trouve petit à petit ses marques grâce à son talent mais sa personnalité délirante et excentrique la freine dans ce nouveau climat et la conduit doucement mais sûrement à sa perte. Celui qui y trouve le plus son compte c'est bien évidemment notre assistant mexicain ! Sa vision futuriste du cinéma lui permet d'enfin se faire un nom.

L'une des séquences les plus criantes de vérité et les plus folles (malgré la concurrence déclassé des premières séquences) est sans doute celle du tournage sous tension du film parlant. Le plus petit et infime bruit ruine toute la scène filmée, si l'actrice se place mal il faut recommencer car le son n'est plus enregistré ! Sur le plateau il ne faut pas bouger d'un centimètre, ne pas respirer trop fort, les lumières artificielles font suer tout le monde, le cameraman est obligé de filmer dans une espèce de cellule à cause du bruit de l'engin quitte à provoquer l'étouffement de ce dernier ... Les comportements frivoles et déplacés ne sont plus autorisés, le monde du cinéma a changé avec la naissance d'Hollywood, les scandales doivent être étouffés.

Le scénario lui est brillamant construit. Tous les arcs narratifs sont exploités jusqu'à la dernière seconde et ne laissent rien au hasard. Chaque personnage trouve la finalité de sa trajectoire.

Je m'abstiendrai d'évoquer le reste des séquences du film (tout aussi mémorable pour la plupart).

"Je veux faire partie de quelque chose d'important, qui dure qui a du sens !"

Mais la conclusion du film contient à elle seule le message le plus transcendant : le monde du cinéma a beau être meurtrier, crapuleux, hypocrite, cupide et j'en passe, il nous fait tout de même rêver. Il crée l'impossible et est capable de donner naissance à des choses sublimes artistiquement parlant. Le cinéma vous crée des émotions fortes et puissantes. Les 5 dernières minutes de Babylon me rappellent d'ailleurs pourquoi j'aime autant cet art, comme un espèce de bouquet final qui se cale parfaitement au rythme endiablé du film. D'ailleirs la mise en abîme des dernières minutes est admirable.

Babylon c'est Chantons sous la pluie, mais en plus sombre, destructeur, trash et surtout réaliste. L'un est cauchemardesque et l'autre un rêve.

Véritable lettre d'amour au cinéma comme nous l'avons dit, mais critique du monde offert par Hollywood (à la manière des frères Coen avec Avé César !), la dernière œuvre de Chazelle suit (à peu de choses prêt) le rythme délirant du dernier Tarantino, Once upon a time ... in Hollywood.

Babylone est une véritable fresque cinématographique. En sortant de la projection je me rappelle pourquoi j'aime le cinéma et ce qu'il me fait vivre ...

FIN DE CINÉMA.

Galax1a
8
Écrit par

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le 3 févr. 2023

Critique lue 122 fois

Galax1a

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