Le ballet mécanique tchèque

Les Aventures fantastiques (aussi connu sous le titre L'invention diabolique), troisième long-métrage de Zeman, est sa première adaptation d'une oeuvre de Jules Verne. Mêlant images de prises de vue réelles, animations, effets spéciaux et décors directement issus des célèbres gravures des éditions Hetzel, le film reste un chef d'oeuvre de féerie, attirant la curiosité pour un cinéma évoquant Méliès et ayant influencé ce que le cinéma contemporain compte de plus imaginatif (Terry Gilliam, Georges Lucas, Steven Spielberg et Peter Jackson entres autres...). Cette adaptation de "Face au drapeau", roman peu connu de Verne, est un maillon essentiel du travail de Karel Zeman, d'ailleurs il eut un énorme retentissement dans le monde entier. En 1958, le film est présenté lors de L'Exposition universelle, il reçoit le Grand Prix de la meilleure fiction au Festival mondial de Bruxelles, il est ensuite acheté par 72 pays, et aux Etats-Unis il sort sur 96 copies. Une véritable consécration internationale pour celui que l'on surnomme d'emblée le Méliès tchèque.

C'est l'histoire de Simon Hart, un jeune ingénieur qui décide de rendre visite à son maître le professeur Roch, lequel a mis au point un explosif très dangereux et convoité par le malfaisant comte d'Artigas. Ce dernier les enlève à bord d'un sous-marin en route vers une île isolée au milieu de l'océan, avec le sombre projet d’utiliser la force de destruction de l'invention afin de dominer le monde entier.

Le réalisateur crée à travers cette oeuvre un univers au machinisme esthétique bouleversant, une sorte de ballet mécanique dont on ne voit pas les ficelles. Et même s'il ne suit pas le récit à la lettre, la retranscription de l'univers vernien est quasi-parfaite. En effet, inspirée par des gravures d'époque, l'image est composée de fins réseaux de striures permettant ainsi un monde complètement homogène. Zeman est aussi décorateur-plasticien, il invente d'énormes panneaux qui – selon des esquisses préparatoires détaillées pour chaque plan – s'ajoutent à la prise de vue "normale". Il peint lui-même les décors, fabrique certains costumes et passe parfois plusieurs jours à travailler sur un seul plan (le tournage a duré 2 ans). Pour notre plus grand plaisir, nous nous noyons littéralement noyés dans un monde de marionnettes du XIXe flirtant, avec un équilibre magistral, entre conte pour enfant et épouvante stokerienne.

Le tchèque réalise là quelque chose de grand avec un style personnel et novateur, Le "Zeman Style". Il est sans conteste l'un des pionniers du cinéma à grand spectacle, et l'un des investigateurs des plus grands créatifs du cinéma actuel. Un réalisateur qui mérite certainement d'être plus connu et reconnu.

Voilà la BA pour les intéressés : http://www.youtube.com/watch?v=iL0XfFVeL0Q