Sokovie, mon amour !

Avengers premier du nom s’était révélé pop-cornesque à souhait, avec une pincée d’humour savamment dosée et suffisamment novatrice pour faire se soulever la cage thoracique des foules ; et un grand final impressionnant où les spectateurs – pourtant habitués au grand spectacle – en prenait plein les mirettes. Avengers 2 n’atteint malheureusement pas la cheville de son prédécesseur.

Je ne sais pas quelle est l’intention des studios vis-à-vis de la franchise, mais il est clair que ce film n’a été fait que pour servir de marchepied au suivant. L’intrigue ne sert ici qu’à développer des personnages qui n’ont pas eu leur(s) propre(s) film(s) pour le faire : la Veuve Noire et Hawkeye notamment ; et surtout, qui n’étaient pas présentés dans le premier volet. Elle sert également à implanter les bases de ce que sera Avengers 3, avec cette dissension qui se créée dans le groupe et cette amourette barbante au possible entre les deux « monstres de foire » de l’équipe. A côté de ça, il n’y a pas grand-chose pour combler l’appétit de ceux qui viennent tout de même de débourser 12 € (un rein donc) pour normalement se régaler de 2h21 de grosses bastons.

Pour ce qui est de la bagarre et de la destruction, il y a largement ce qu’il faut. Trop pour qu’un humain lambda puisse croire une seule seconde qu’il n’y a pas eu de morts parmi les civils. Soit, le chien est sauvé, mais ça ne fait pas tout. Néanmoins, entre deux annihilations immobilières, on sourit et puis on bâille. Certes, il y a toujours un peu d’humour wheedonesque, mais il se révèle en demi-teinte et ne parvient pas à nous tirer les éclats de rire que tous attendaient. Donc, on s’ennuie parce que les dialogues sont plats, creux, sans intérêt. Parce qu’on a du mal à croire que le brillant Bruce Banner ne soit pas capable d’opposer de résistance à Tony Stark, deux fois. On peut concevoir qu’il soit perturbé par le manège de la Veuve Noire qui roucoule à sa fenêtre, mais il y a des limites à l’absurdité. Le sort de la planète est en jeu, tout de même.

Que dire d’ailleurs de cette histoire naissante entre la petite rouquine et le grand verdâtre, si ce n’est qu’elle plombe méchamment le rythme des évènements et qu’elle laisse un arrière-goût de portenawak en bouche. Je n’ai sincèrement aucun souvenir de passages dans le premier film qui auraient présagé de ce qui allait se passer entre eux deux. Donc on assiste, entre deux bourre-pifs, à ces échanges niaiseux où chacun clame qu’il est plus monstrueux que l’autre et qu’aucun ne mérite de vivre aux côtés de l’autre. Et blablabla. L’idée aurait pu ne pas être mauvaise si elle ne donnait pas l’impression d’être passée au forceps pour combler les trous du scénario.

Parce que oui, l’histoire est aussi pleine d’air que l’emmenthal de nos montagnes où, pour ne pas avoir à chercher des explications logiques à tel ou tel événement (et pour laisser plus de place à la romance de Géant Vert), on jette une phrase laconique qui est censée tout justifier.

Par exemple, Ultron Ier est dans une mégapole des Etats-Unis et en un clin d’œil, il se retrouve au fin fond d’une obscure cave d’un obscur bâtiment d’une obscure forêt d’un obscur pays qui n’existe pas. Comment est-ce qu’il est arrivé là-bas selon vous ? Eh bien, grâce au réseau Internet. Tout bêtement. L’évidence même. Le machin qui se trouve au milieu d’un salon américain parvient à traverser toute la planète jusqu’à une table d’opération reliée à rien pour investir le corps d’une armure de métal pas en meilleur état que celle qu’il a quitté. Visiblement, y’a un Wi-Fi surpuissant à l’époque des Avengers (du genre qui répare les robots). Perso, chez moi, si j’ai le malheur de fermer la porte de ma chambre, je n’ai plus Internet (à cause des murs en béton)… Faites vos déductions quant à la probabilité que cette explication tienne la route.

De même, Thor connaît un bassin naturel au fin fond d’une grotte souterraine qui a l’air de connaître toutes les réponses du Trivial Pursuit. Un petit bain et hop ! Tout devient clair. Et puis comme ils communiquent tous par télépathie, un mot suffit pour que toute l’équipe comprenne. Donc, c’est parfait, pas la peine de trop encombrer l’esprit des spectateurs avec des phrases intelligentes, comblons plutôt avec de l’eau de rose inutile. Surtout que tout le monde a regardé tous les films de la franchise Marvel, donc tout le monde sait de quoi on parle lorsque l’on cite l’Ether (Thor 2 pour ceux qui se seraient sentis largués). De même, pour saisir les cris d’orfraies des fans sur le fait que le grand méchant d’Hydra ait été abattu derrière le rideau, il faut avoir vu Captain America : le soldat de l’hiver. Et si vous n’avez vu aucun de ceux-là, sortez les rames.

Surtout que le charisme d’Ultron ne rend pas l’intrigue très palpitante. Si j’ai bien aimé son entrée en matière, la suite se révèle bien moins folichonne. Le personnage, qui est présenté comme une menace ultime pour la planète entière, s’avère finalement être surtout dangereux pour un seul micro-pays (qui n’existe même pas, rappelons-le). Soit, on apprend que sa chute aurait déclenché une catastrophe similaire à celle qui a emporté les dinosaures. Mais, comme le scénario est bien fait, la Sokovie devient soudain une immense étendue aqueuse.

Et puis, fait qui m’a un peu gêné : sans être une fine connaisseuse de l’univers Marvel et de toutes ses circonvolutions, j’ai cru comprendre que Pietro et Wanda Maximoff étaient les enfants d’Eric Lensher, plus connu sous le nom de Magnéto. Un mutant donc. Et les jumeaux sont censés l’être aussi (tout du moins dans mon esprit de néophytes). Pietro est d’ailleurs présenté dans le dernier bébé de la Fox : X-men : Days of Futur Past (of the Present of the Tomorrow morning of the Breakfast of Yesterday and Yellow Submarine… hem).

Certes, il se fait appeler Peter mais le fait est là, il s’agit bien du même Pietro (vu dans X-men Evolution), aussi surnommé Vif-Argent (ou Quicksilver pour ceux qui ne savent plus parler français). Un gars qui se déplace à la vitesse de la lumière, avec les cheveux blancs/décolorés, et dont le nom est Maximoff ; ça fait quand même beaucoup de coïncidences pour deux personnages différents. Et pourtant, pour la Fox, c’est un mutant, et pour Disney, c’est un humain tout ce qu’il y a de plus normal qui a choisi d’être modifié génétiquement pour courir à la vitesse de la lumière.

Et encore, là j’évoque Pietro, mais à la base, Wanda aussi est censée être une mutante, toute de noire et de rouge vêtue (La sorcière rouge ou Scarlet Witch, c’est elle). Et idem, elle se retrouve ici à être une humaine modifiée. Alors oui, ce ne sont que des films, on ne raconte pas là une histoire réelle, mais à ce moment-là, pourquoi ne pas les avoir nommés différemment ? Sur les trouze milliards de prénoms et de noms qui existent sur la planète, il a fallu qu’ils choisissent Pietro et Wanda Maximoff, connus des fans de la licence comme étant des mutants (donc des êtres nés avec un gène leur donnant des capacités extraordinaires).

En sachant que les deux films sont sortis avec un intervalle de temps relativement court, c’est un détail qui me fait indubitablement froncer les sourcils. Messieurs, votre petite guéguerre de salon, merci de vous la garder pour les coulisses. Les spectateurs ne devraient pas à pâtir de votre concours de qui a le plus gros portefeuille. Penchez-vous plutôt sur un scénario qui tient la distance, ça nous donnera moins l’impression d’avoir gâché un organe vital.