(Très légèrement) supérieur à son aîné, Avengers : L'Ère d'Ultron remplit parfaitement son office de blockbuster et s'avère divertissant de bout en bout. Et je dis bien "de blockbuster", car contrairement à d'autres films estampillés Marvel, cet opus manque singulièrement de profondeur du fait de sa condition de "film-transition" entre la phase 2 et la phase 3, s'appuyant avant tout sur le spectaculaire permis par le budget de 250M$ pour remplir les 2H22 avec beaucoup de vent.


Il faut dire que la transition est nécessaire à plusieurs niveaux : au-delà du besoin primaire de renouveler un casting vieillissant en y incorporant de nouvelles têtes (d'autant que rien n'indique qu'un acteur comme Robert Downey Jr., 50 ans depuis peu, ait la capacité ou l'envie de s'éterniser dans l'armure d'Iron Man pour les dix prochaines années), la mise en place de l'intrigue liée aux joyaux de l'infini (qui s'inspire déjà très librement de The Thanos Quest, notamment en incluant dans Les Gardiens de la Galaxie le Collectionneur) ne peut amener qu'à l'adaptation de l'un des crossovers les plus importants du Marvelverse, The Infinity Gauntlet (et pourquoi pas à la saga Infinity War si Marvel Studios garde sous le coude l'arrivée au casting du personnage d'Adam Warlock). Il ressort dès lors de cet Avengers la même impression que l'on pouvait ressentir avec Captain America 2 : Le Soldat de l'hiver : un film qui oublie d'exister pour lui-même et qui se concentre bien trop sur ceux qui lui succèderont. Pourtant, le scénario paraît riche de prime abord : il a fallu à Joss Whedon, scénariste et réalisateur, jongler entre tous ces paramètres et le besoin d'approfondir anciens et nouveaux personnages afin de leur donner davantage de corps. Thor, Captain America et Iron Man ayant déjà été examinés sous toutes les coutures dans les films leur étant consacrés, Whedon s'intéresse ici davantage à Œil-de-faucon, la Veuve noire et Hulk afin d'équilibrer la balance, et il fait bien. Mais c'est au détriment d'un paramètre tout aussi important sur lequel il se loupe avec pertes et fracas : le méchant. Car si le design d'Ultron peut être qualifié de réussi, il n'en est rien de sa personnalité, simpliste, simplifiée, éludée sous un dessein des plus banals (après tout, que veulent 99% des super-vilains dans ce genre d'histoire ? Soit détruire le monde, soit le dominer. Ultron veut les deux. Paie ton originalité !). Son attitude un rien charmeuse pourrait le rendre différent, mais son arrivée impromptue dans l'histoire et le peu de finesse à le faire passer d'I.A. nouvellement créée à ennemi juré des Avengers prouve que Whedon n'avait décidément pas envie de s'embarrasser de plus qu'il n'a déjà à gérer pour préparer la relève.


Pis, ce qui m'ennuie profondément avec Avengers : L'Ère d'Ultron, c'est qu'il prend très peu de risques, aussi bien formellement qu'esthétiquement. Joss Whedon est un réalisateur qui fait assurément bien son travail mais qui manque tout aussi assurément de génie, et l'on sent chez lui le désir de rendre une copie qui plaira à tous plutôt que le désir d'aller au-delà des conventions du genre. En résulte un film qu'on a l'impression d'avoir vu 100 fois, avec ses séquences de destruction massive et cette charte graphique grisonnante (par ailleurs, petit avis personnel, très rebutante) nous donnant à voir poussière, ferrailles et rochers imprégner l'écran au moindre élan de bataille. Il n'y a qu'à revoir Man of Steel pour sentir à quel point cette mode habite le cinéma américain d'aujourd'hui, autant que le sound design à la manière de Hans Zimmer pullule dans celui-ci, et cela au détriment des grandes compositions symphoniques et lyriques dont John Williams a le secret. Des modes qui appauvrissent considérablement le cinéma hollywoodien mainstream à mon humble avis, et qui participe à caricaturer les caricatures déjà établies de nombreux thèmes et thématiques.


Est-ce à dire qu'Avengers : L'Ère d'Ultron est un échec ? Assurément, non. Whedon réussit sur deux points qui permettent au film de tenir parfaitement la route. D'abord, les scènes d'action sont très bien menées malgré un découpage parfois trop prononcé, certaines valant aisément le détour, à commencer par le combat qui oppose Iron Man à Hulk. Mais c'est surtout son humour qui sauve le film grâce aux moments délicieux concoctés au travers d'un scénario qui sait jouer de la réunion de ces pseudo-dieux (le rédacteur de cette critique ne se cachera pas d'avoir ri aux éclats notamment lors d'un fameux : "Go to sleep ! Go to sleep ! Go to sleep !"). Cet humour qui se rattache à l'ensemble des productions Marvel fonctionne merveilleusement bien, celles-ci réussissant le pari fou de ne pas tomber dans la bouffonnerie ni la grandiloquence, ce qui est déjà un miracle en soi tant le fil qui sépare les deux parait ténu.


Suffisant donc pour passer un bon moment, mais insuffisant pour fermer les yeux sur les redondances d'une marque qui finira par s'essouffler si elle ne se renouvelle pas au plus vite.

Kelemvor

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