Cette critique se base sur des spoilers pour évaluer la conclusion que représente Avengers : Endgame.


11 ans de travail, 22 films, un casting titanesque, 19 milliards de dollars récoltés dans le monde : le MCU comme on le connaissait, la boîte à surprise autant qu'à succès que nul ne semble pouvoir égaler, vient d'entrer dans une phase historique, celle de la transition vers de nouveaux codes (on l'espère), de nouveaux acteurs, et de la séparation d'avec ses anciennes stars, icônes d'un univers partagé révolutionnaire.


Tony Stark, Steve Rodgers, Bruce Banner, Natasha Romanoff, Clint Barton, Thor, tous doivent avoir leur conclusion pour laisser la place à la nouvelle génération, globalement calquée sur la première, Spider-Man en plus. C'est l'argument de vente du film : si l'on oublie son titre de téléfilm du dimanche (on pense notamment à Highlander), Endgame sert de conclusion épique à tout un travail prétendument organisé depuis le premier Iron Man.


C'est ainsi qu'il était vendu sur le papier, mais qu'en est-il de sa forme et de son fond? Que les frères Russo le réalisent est attristant, et le résultat final largement en déça des attentes initiales. Parce qu'ils n'ont pas pris, depuis leur début chez Marvel, le sens de la mise en scène, celui de la photographie. Pire que cela, ils gèrent si mal la lumière que leur combat final, pourtant très bien amené par un climax des plus épiques et fort en émotion, devient une sorte de charge des Rohirrims sans âme, sans grandiose ni lisibilité. Plutôt laid, le résultat s'embourbe dans un montage chaotique, des plans mal choisis, et se perd dans sa luminosité sans éclairage.


Choisir les éclairages naturels pour un décors volcanique en fond vert n'était pas la meilleure idée à suivre, surtout quand tu nous ponds le combat ultime de dix ans de films; 21 Marvel pour en arriver à cela, pour cet instant de drame où tous doivent s'unir contre la tyrannie d'un seul, et nous livrer La bataille du MCU. Il faudra revoir le premier Avengers pour cela, celle ci étant oubliable du fait qu'elle est mal réalisée.


Cela, on le ressent tout du long; entre des plans séquences inutiles durant certains dialogues et le montage toujours aussi épileptique des frères Russo (qui ne le maîtrisent plus du tout, envoyant valsant toute logique visuelle lors des passages plus difficiles à monter), c'est sinon fade, parfois gênant à voir, et l'on tombe loin de l'épique conclusion annoncée. Parce qu'il y a du pétard mouillé dans cette campagne de com titanesque : l'accomplissement d'un travail vieux d'une décennie, qui voudrait nous faire croire qu'on tient là LE film de cette même décennie; le produit de consommation, surement, l'oeuvre cinématographique, aucunement.


A cause des frères Russo, Endgame est symptomatique de ce qui ne tourne pas rond avec les films de super-héros actuels : fades, calibrés, ces illusions d'art cachent leur manque d'imagination, de cinématographie (tout simplement) derrière leur budget pharaonique duquel découle un casting forcément imposant (encore que certains rôles principaux devraient faire évoluer leurs expressions faciales, à l'image d'un Mark Ruffalo ou de la décevante Brie Larson), et des effets spéciaux spectaculaires (bien qu'inégaux) qui servent de cache-misère au manque de personnalité de sa mise en scène, pour ne pas dire qu'ils sont également utiles pour cacher la faiblesse du scénario.


Complètement incohérent, il se sent tellement arrivé au bout du chemin qu'il se permet même de créer sa propre science; exit L'Effet Papillon, Retour vers le Futur et les autres grandes oeuvres (cinématographiques ou non) traitant de voyage dans le temps, Endgame est plus intelligent qu'eux tous et nous propose un retour dans le passé qui n'impacterait pas le futur de nos chers personnages. Quand on modifie le passé, c'est censé créer une nouvelle réalité bien différente de celle connue; si Doctor Strange n'avait pas eu, à tout hasard, la pierre du temps dans son film éponyme, surement que la Terre aurait été rasée par le sous Thanos en CGI plats, Dormammu.


Oubliez cela, les seules actions du passé qui se répercutent dans l'avenir seront les évènements positifs, censés tirer la larme de l'oeil du spectateur; Stark qui rencontre son père, Captain America qui revient dans le passé et se retrouve horriblement vieilli (on croirait voir Prometheus) dans le présent, la Gamora du passé rencontrant le Star-Lord du présent pour amener à une blague égale au reste de l'humour, irrégulière et ma fois désastreuse.


Il suffira de voir le traitement réservé à Hulk et Thor, décidément à la ramasse depuis leurs premiers films, qui sont ridiculisés au point de devenir des parodies de ce qu'ils pouvaient être dans Thor : Ragnarok et, en outre mesure, de leur évolution toute relative durant Infinity War. Si Hulk servait de running-gag douteux depuis Ragnarok (bien plus réussi que celui d'IW), Thor arrivait au sommet de sa puissance; d'homme comique, sujet de blagues et de beuveries, il devenait le vrai dieu du tonnerre, et venait balancer des roustes dans un retour remarqué au Wakanda.


Oubliez vos espoirs de voir Hulk et Thor se battre à nouveau; l'un dab, l'autre joue à Fortnite. C'est comme si les scénaristes nous prenaient pour des idiots finis qui, sans autre envie que de suivre des blagues grasses et grouillantes, ne désirent aucune nuance de ton, rien de sombre, d'inquiétant. Il est tout de même décevant de voir qu'on n'aborde que très brièvement l'aspect social de la mort de la moitié de l'humanité, où l'on était en droit de suivre un point de vue plus global de cette catastrophe universelle. La distinguée concurrence, malgré ses multiples erreurs et ses égarements perpétuels, a su recontextualiser avec profondeur et talent le drame planétaire de Man of Steel (par exemple); sûrement que les Russo auraient du s'inspirer, pour ces qualités d'écriture citées, du travail de Goyer, Terrio et Snyder.


Que penser d'Avengers, alors? Il reste divertissant, dans le sens où l'on aura droit à des moments de bravoure intense; la réunion des Avengers, très bien montée, colle la boule au ventre et donne une patate d'enfer; à l'inverse, Captain Marvel ne sert à rien et doit tenir 15 minutes (maximum) de présence à l'écran. De même que l'introduction marque un coup par sa justesse et sa simplicité, les autres passages dramatiques seront, pour certains (si ce n'est pour la plupart) notamment gâchés par un humour mal dosé, qui fait de Thor et d'Hulk deux représentations de personnages qu'on pourrait croire proches de l'écriture d'un Sharknado.


La séparation entre les Avengers et le public reste réussie, même si l'on aurait aimé une conclusion en adieux réels entre Iron Man/Captain America, et surtout Bucky/Rodgers, Bucky étant remplacé par Falcon dans une scène d'adieu certes sympathique, mais gênante puisqu'elle ne donne aucune finalité à l'arc des Captain America, entièrement basés sur la relation qu'entretiennent les deux amis. Pour la suite, peut-être.


Outre quelques longueurs, on retiendra aussi la scène de la pierre de l'âme, où l'on se bat pour mourir, plus pour vivre. Très bel inversement des rôles qui surprend dans un Marvel pourtant très calibré, qui ne se permet que quelques petites inventions surprenantes, dont je vous laisse, tout de même, la surprise. On sent les 3 heures passer, puisque les Russo ne savent pas rendre leurs scènes de dialogues intéressantes, et si l'écriture part complètement en biberine après la première heure, le plaisir de voir les acteurs se croiser une dernière fois laisse pantois.


Il serait temps de renouveler la formule pour les New Avengers.

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le 28 avr. 2019

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FloBerne

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