La bride est lâchée, tout le monde fait un peu ce qu'il veut dans ce film chorale sans consistance, cet étrange hommage où des acteurs fameux n'apparaissent que quelques secondes, le temps d'inutiles caméos (le pote par-ci, la femme par-là...). Les comédiens caracolent, s'en donne à cœur joie dans ce joyeux bordel. On est là face à un vrai plaisir de jeu, chacun faisant un peu ce qui lui chante sans trop se soucier de l'autre. On a aussi le droit à une révélation ; Alden Ehrenreich, au charisme éblouissant malgré un rôle de bouseux venu tout droit des plateaux de western muets troquer ses bottes de cow-boys contre le costume cintré d'un film à dialogues ; une scène hilarante à l'appui, où le toujours british Ralph Fiennes fait répéter à son nouveau comédien une phrase que son accent sudiste peine à convenablement prononcer. Le peu d'humour sera en reste autant raté que maladroit, parfois même gênant (on repense à cette scène profondément inutile et débile où la monteuse d'un film s'étrangle avec le projecteur...)
Le film séduit aussi pour son style (Roger Deakins, au travail toujours admirable) et la très juste et touchante retranscription du vieil Hollywood, de ses préoccupations autant religieuses que politiques, et accumule ainsi les courts remakes de film de l'époque, scènes longues, gratuites et souvent désuètes, qui font un effet mouche et font transparaître tout l'honnête amour de leurs réalisateurs pour ces mises en scènes révolues. On assiste alors béats à une chorégraphie et chanson de marins ou à d'hypnotisants ballets de sirènes dont la symétrie de l'image ferait pâlir Wes Anderson.


Mais l'intérêt s'arrête là.
Car si Josh Brolin assume avec aisance son rôle principal, présent dans la quasi totalité des scènes, le suivre n'aura rien d’intéressant tant les frères Coen ne savent où donner de la tête, vers quelle direction mener leur intrigue. La voix off est anarchique, les thèmes abordés avec un tel ton que l'on ne sait jamais s'il est moqueur ou tout simplement parodique (le communisme, la religion omniprésente et sans objet...). Et ainsi ils se contentent d'un film un sketch inégal, sans pertinence, trop absurde et bizarre pour faire rire, trop décalé pour émouvoir.
Trop incohérent et brouillon pour plaire.
Où donc ont-ils souhaité nous amener ? Qu'ont-ils donc voulu nous dire ? Nous montrer ?
L'hommage est réussi. La parodie est ratée. Le film est inégal, en demie-teinte.

Charles Dubois

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