C’est l’histoire d’un papi avec une caméra et 400 millions de budget

James Cameron is back sur les écrans de cinéma et son dernier film m’a inspiré plusieurs réflexions sur l’évolution du 7e art.

En guise d’introduction, je vais revenir le rapport que j’entretiens avec l’œuvre du réalisateur canadien.

Selon moi, James Cameron c’est d’abord un type qui a eu une veine incroyable au début de sa carrière.

Dès son premier filmPiranha II : The Spawning, où les poissons génétiquement modifiés sèment la terreur pour un spectacle riche en hémoglobine, il affirme sa prédilection pour les effets spéciaux. Il aurait pu se retrouver à tracer son chemin de cinéaste de série B tout au long de sa carrière mais c’était sans compter sur un film qui devait tout faire basculer : Terminator. A partir d’un scénario de série B, il parvint à démontrer sa maîtrise des effets visuels et des scènes d’action. Il attira alors l’attention d’un des grands studios à la recherche d’un nouveau talent : la 20th century Fox.

J’avoue ne pas lui avoir pardonné d’avoir galvaudé la saga Alien qui est passé de cosmic horror dans les mains de Ridley Scott, à film d’action-science-fiction sous sa moulinette. On y découvre pour la première fois son obsession pour l’armée si l’on tient compte de la représentation très avantageuse qu’il fait des militaires dans son 3e film. Le succès d’Aliens lui confère alors une énorme cote de confiance auprès de la 20th Century Fox. Il accède alors à des moyens financiers presque sans bornes, comparé à d’autres réalisateurs, pour financer ses projets.

Il se plonge alors dans Abyss d’où jaillit au grand jour sa fascination du monde sous-marin. Il fait construire pour l’occasion le plus grand décor sous-marin de l’histoire du cinéma pour réaliser ses prises de vue. Son perfectionnisme faillit coûter la vie à Ed Harris qui se souvient avoir failli se noyer sur le tournage. Le film devint le plus cher de l’histoire du cinéma, record que James Cameron se fera un devoir de repousser plus loin à presque chacun de ses films. Je m'en souviens comme d’un film avec un potentiel certain mais dont le visionnage est rendu interminable par le manque d’écriture criant de ses personnages.

Malgré l’échec relatif de ce long-métrage à sa sortie, il se remet rapidement en selle pour son film suivant. En 1992, il offre ainsi la suite de son Terminator avec Judgment Day. Je dois admettre qu’il s’agit-là, selon mon humble avis, du meilleur film d’action de l’histoire du cinéma. L’épure du scénario, la virtuosité des scènes d’action et la qualité des effets spéciaux demeurent encore époustouflantes 30 ans après. Cette œuvre le consacre comme un mastodonte du box-office et il assoit encore plus sa réputation de poule aux œufs d’or pour les studios. Aux Academy Awards, le film recueille la bagatelle de 4 statuettes dans les catégories techniques (meilleurs maquillages, design sonore, montage sonore, et effets spéciaux). A ce moment de sa carrière, et on peut le comprendre, que lui reste-t-il à atteindre ? La réponse est simple : l’oscar du meilleur film.

Après ce chef-d’œuvre, James Cameron se détend autour d’un film de pote avec Arnold Schwarzenegger pour la bagatelle de 100 millions de dollars : True Lies, qui n’est autre qu’un remake de La Totale ! de Claude Zidi. Mais il pense déjà à son prochain sujet.

James Cameron est en pleine folie des grandeurs : non seulement il compte effacer la mémoire des innombrables films narrant le naufrage du Titanic avec un disaster-movie sans pareil, mais il s’imagine rivaliser avec Douglas Sirk pour l’écriture de sa romance qui doit meubler les 2 premiers tiers du film. A sa sortie, Titanic est à la fois le long-métrage le plus cher de l’histoire (et le restera pendant 7 ans), mais il est également le plus lucratif. Le film est un succès public et critique et remporte pas moins de 11 oscars, soit autant que Ben-Hur, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Que dire aujourd’hui de Titanic ? Il s’agit bel et bien d’un film impressionnant pour sa reconstitution du paquebot et de sa destruction, mais dans un film de 3 heures qui consacre autant de temps à ses personnages, on peut regretter que l’écriture de la partie dramatique soit aussi faible et l’histoire d’amour si prévisible. Comme le dit ma femme : « Le film devient intéressant quand le bateau commence à couler. » Quand une œuvre affiche de telles ambitions, il est normal d’être déçu par un traitement aussi caricatural de son sujet, et je considère que le réalisateur canadien n’est pas à la hauteur de ses prétentions dans ce film, ce qui explique que mon appréciation du film en soit ternie.

Quoiqu’il en soit, James Cameron est bien « the king of the world » ; il est désormais à la même table que Spielberg. Qui peut rivaliser contre lui au box-office ? Quelle ambition peut-il désormais viser ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, il se lance le défi de relancer le cinéma 3D, expérience avortée à plusieurs reprises pour les salles obscures et réservée au début du XXIe siècle aux parcs d’attraction. L’ambition est louable et il va donc avoir à sa disposition des moyens colossaux (environ 250 millions de dollars) pour y parvenir. En 2009, sa réputation le précédant, le succès ne se fait pas attendre et il dépasse largement les recettes de son précédent film. Pourtant, l’Académie lui refuse les 2 oscars qu’il était en droit de convoiter et qui iront à son ex-femme Kathryn Bigelow. Le public se rend bien compte qu’au-delà de l’aspect visuel, le synopsis du film repose sur des clichés éculés et un manichéisme anachronique. Certes, Avatar relance à lui seul la mode de la 3D mais le film en lui-même sombre dans l’oubli, en témoigne son acteur principal n’ayant pas grand-chose à se mettre sous la dent et dont la carrière est cantonnée à des seconds rôles dans des films insignifiants.

En dépit de la postérité en demi-teinte d'Avatar, James Cameron annonce progressivement 4 suites. Je ne cache pas avoir été circonspect en ce qui concerne la concrétisation de ces projets. D’abord annoncé pour 2014, la sortie de la première suite a successivement été décalée d’année en année, laissant imaginer que toutes ces suites resteraient à jamais dans les limbes du cinéma.

Toute cette mise en contexte est essentielle pour comprendre à la fois l’existence d’Avatar : The Way of Water et les directions qu’il emprunte scénaristiquement. Ainsi, lorsque le réalisateur canadien annonce travailler sur une suite, il a pour ainsi dire un budget illimité (la série The Rings of Power a fait relativiser tous ces chiffres avec son milliard) et l’estimation tourne aux alentours de 450 millions, sans compter le budget promotion. En comptant une dizaine d’année de préparation et un tel budget, le public est en droit d’attendre un résultat époustouflant. Et pour ma part, je dois avouer avoir été très impressionné du résultat.

Avec les années qui passent, j’ai tendance à moins m’enthousiasmer pour les films, mais j’apprécie plus les réalisateurs malgré leurs défauts : Wes Anderson malgré son maniérisme, Christopher Nolan malgré le côté pompeux de son style, et James Cameron malgré son incapacité à écrire des enjeux dramatiques forts autour de personnages inoubliables.

Soyons honnête envers son style : ses personnages sont le plus souvent un prétexte pour introduire le sujet qui l’intéresse vraiment. Une fois qu’on a accepté cette prémisse, on peut enfin se concentrer sur ce qui constitue les 2 dimensions essentielles de son cinéma : l’exploration visuelle du monde que les protagonistes habitent et les scènes d’action qui s’y déroulent.

Avatar : The Way of Water est une merveille qui s’apprécie à sa juste valeur en 3D. James Cameron est le seul réalisateur pour lequel je suis prêt à débourser ce supplément. Et le jeu en vaut véritablement la chandelle tant l’immersion est renforcée par ce biais. La profondeur de champ est parfaitement exploitée, la photographie tout simplement sublime est magnifiée par les jeux de lumière causés par l’alternance du jour et des éclipses. L’univers visuel est un véritable régal pour les yeux ; les effets spéciaux parviennent à donner vie de manière crédible à une faune et une flore dont la richesse est à saluer, et ils constituent l’un des points forts du film. Durant la séance, on passe de longues périodes à explorer visuellement la planète Pandore sans jamais s’ennuyer.

Concernant le second point, il faut reconnaître que James Cameron n’a pas perdu la main quand il s’agit d’écrire, tourner et monter des scènes d’action à la fois jamais vue, palpitantes et très lisibles.

Le choix d’explorer l’océan pour cette suite se justifie simplement par la fascination qu’il entretient avec le monde de la mer (lui-même s'est déjà posé au fond de la fond de la fosse de Mariannes, la plus profonde de nos océans) et qu’il avait déjà représenté dans Abyss et Titanic, Son dernier film n'est jamais loin de l'autocitation.

Bien sûr, on retrouve au scénario les obsessions du réalisateur notamment celle concernant l’armée. Il fait revenir également de manière assez poussive l’antagoniste du précédent film. Encore une fois, on pourra regretter l’écriture toujours perfectible des personnages et parfois un certain manque de subtilité narrative, mais il parvient à apporter avec Spider un personnage plus nuancé et donc plus intéressant.

Mon appréciation du film repose sur les 2 points forts que sont l’univers visuel et les scènes d’action. Et à ce titre il m’a fait penser au côté classique et « divertissement à l’ancienne » tel qu’a pu nous le présenter également Top Gun : Maverick, plus tôt cette année. Ce dernier, ainsi qu’Avatar : The Way of Water, marque le retour à un cinéma grand public plus préoccupé par la qualité de son divertissement qui repose à la fois sur un savoir-faire du cinéma d’action et sur une écriture stéréotypée mais cohérente de ses protagonistes, que par l’idéologie woke distillé par des scénaristes incapables d’écrire des scénarii intéressants – une idéologie dominante mais minoritaire que tous les studios américains et une grande partie du cinéma français tentent d’imposer à leurs spectateurs, vaine stratégie qui est en partie responsable de la désertification des salles de cinéma et l’échec artistique de la série The Rings of Power. A ce titre, j’espère que ces 2 films encourageront les studios à revenir à l’essentiel lorsqu’il s’agit de cinéma de divertissement.

Quentin_Pilette
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le 3 janv. 2023

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