Merci à Arte de m'avoir fait découvrir ce film. En le regardant, je n'ai pas pu m’empêcher de penser aux bonnes vieilles comédies françaises bien de chez nous, posant un groupe de personnages tous plus incompétents les uns que les autres, dépassés par les événements, et ne sachant quoi faire d'autre que se débattre inutilement, ou rejeter la responsabilité sur un autre.


Aux amateurs d'humour burlesque, vous serez servi. Une farce en amène une autre, puis encore un autre, se moquant sans vergogne d'agents de l'Etat, ici les pompiers. Mais dans ce film, Forman dresse un portrait bien satire de la société tchèque de 67. Pour le préciser, entre les années 60 à 67, la République socialiste Tchèque passe d'une stagnation suivi d'un rebondissement économique et à une souplesse accordée aux droits des citoyens. S'ensuit un développement d'une dénonciation artistique des abus du pouvoir en charge.


(Note : Mon analyse du film passe par ce que j'ai compris de la réalité économique et sociale de la république socialiste tchèque, avec le peu que j'ai trouvé. Si quelqu'un s'y connait d'avantage, et souhaite intervenir, ou partager un lien sur cette période, j'en serais ravi).


Dès le début du film, le ton est donné. Les pompiers souhaitent organiser un bal en l'honneur de leur ancien directeur, un an trop tard. Ils y inviteront les habitants du village, où ils auront l'occasion de mettre à l'honneur leur savoir-faire, et leur efficacité. Les pompiers représentent ici cet l'Etat, encore jeune de par son changement de régime.Dans ce bal, jeunes couples et parents sont invités.Les habitants du village représentent bien entendu la population Tchèque. Deux générations portant chacune un jugement semblable, mais différent sur leur gouvernement.


Les pompiers tentent d'organiser un concours de beauté en l'honneur de leur ancien président. Une manière d'encourager les jeunes à soutenir leur gouvernement en les faisant participer. Hélas pour eux, c'est la débandade du début à la fin. Les jeunes femmes ne coopèrent pas, ou à contrecœur. Ce sont aux parents de s'attirer les faveurs des pompiers en inscrivant leur fille en usant d'intimidation, ou de pot-de-vin. Il y a véritablement ici un rapport à l'Etat différent. Les adultes ayant assisté à un changement d'époque entre les années 50 à 60 savent s'y prendre avec les pompiers. Les jeunes eux se rebellent avec violence, ne parviennent pas à comprendre ce que les pompiers communiquent, se moquent d'eux, et ne cherchent pas à vouloir leur obéir ou à coopérer.


Les pompiers ne parviennent pas à éteindre un feu à temps, et les victimes se retrouvent à la rue. Si le bal visait à clamer la compétence des représentants de l'Etat, ce message ne correspond pas à la réalité des faits. Cette ingérence des affaires du pays finit par causer du tort à ses habitants. Résultat : Une quête est effectuée en faveur des victimes. Chaque habitant offre quelque chose, son ticket de tombola. Et malgré les incessantes plaintes de cet homme réclamant plutôt de l'argent, il reçoit des tickets pour des lots ayant disparu. Ici, les habitants n'ont rien d'autre à partager avec cet homme que "l'argent" fourni par l'Etat : des tickets de tombola, permettant de gagner des objets du terroir. Il y a ici un représentation du désœuvrement des populations dans ce nouveau système. Il ne suffit que d'une simple erreur de l'Etat pour que quelqu'un se retrouve dans le besoin. Et l'Etat n'a d'autres solutions que de faire payer les contribuables.


La disparition progressive des lots de la Tombola sonnent également une déconstruction progressive de la culture Tchèque. Les membres des pompiers cherchent à empêcher cela. Mais rien n'y fait. Les objets disparaissent un à un, malgré la forte surveillance. Si l'Etat cherche à conserver le contrôle de sa culture, celle-ci lui échappe des mains. Cela fait écho avec la réclame incessante des intellectuels pour séparer le contrôle de l'Etat, avec la création artistique. Sans qu'il ne puisse rien y faire, le gouvernement ne parvient pas à endiguer le système frauduleux qui permet de lui voler ce qui compose son identité. Ici dans le film, des lots de Tombola sensés récompenser les "gagnants" de la soirée. Un piètre gagnant qui n'a plus qu'à dormir dans son lit, hors de sa maison ravagée.


Ainsi, comment Milos Forman nous parle de son pays ? Il parle d'un changement d'identité culturel opéré par l'Etat, mais dont la structure même a fini par lui échapper. Il parle d'un décalage entre les générations. Contrairement à leurs parents, les jeunes sont tous coiffés à la mode occidentale. Ils sont d'avantage marqué par l'ouverture culturelle, et apprennent à se défaire de ce gouvernement dont l'équilibre semble douteux.

Gzaltan
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le 10 août 2018

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