J'avais à mon grand regret pas pu voir le dernier film en date de Wes ANDERSON en salle, mon emploi du temps n'étant alors pas compatible avec la relative courte exploitation dont il avait bénéficié, sa récente édition en format physique allait me permettre d'enfin jeter un œil sur cet objet auquel il me fut difficile d'échapper aux différents commentaires globalement réservés qu'il suscitait et bien qu'en règle générale j'ai assez de personnalité pour me faire ma propre opinion, je craignais néanmoins que cette fois la sauce ne prenne pas.

Je vais tout de suite évacuer les reproches sur le style de Wes Anderson, comme je l'ai déjà dit à maintes reprises dans des critiques d'autres film de lui, reprocher le maniérisme, assumé et maîtrisé d'un auteur me parait vain, on ne va pas reprocher à un peintre sa façon de coucher sur la toile sa vision du monde, pourquoi le faire ici, la question de l'appréciation subjective du spectateur étant un autre sujet.

Reprenant l'idée développée dans son précédent opus The French Dispatch (2018) de la mise en abîme, dans le précédent les différentes rubriques d'un magazine qui prennent corps à l'écran, ici la création d'une pièce de théâtre qui s'incarne devant nos rétines. Hélas cette fois en ce qui me concerne ça n'a pas fonctionné.

Pourtant les premiers photogrammes m'accueillaient et m'invitaient dans un univers familier, où je reconnaissais tout ou partie de ce qui jusqu'ici me séduisait, j'enfilais mes pantoufles et me préparait à revivre quelque chose où une fois de plus la mélancolie sous jacente irait se dissimuler derrière une approche flirtant avec la comédie douce amer l'ensemble dépeint par la patte visuelle qu'en tant qu'admirateur du travail de l'artiste je viens chercher de façon inconsciente mais indiscutable. Hélas rapidement le film échoue à dépasser la collection d'images et la récitation de schémas qui caractérisent l'œuvre générale du cinéaste pour les dépasser et nous donner à voir une histoire, farfelue, sérieuse, burlesque, onirique ou même baignée d'une certaine dramaturgie, mais une histoire.

Ici la trop grande liste de personnages, dont certains n'ont pas d'autres raisons d'exister que celle d'enrichir un casting indigeste qui commence à ressembler à un bottin du gotha hollywoodien, et qui finit par nuire à la petite troupe sensée être le point d'attention d'un récit décousu. On finit par se prendre au jeu du "tiens c'est qui ?" démontrant de fait qu'on se désintéresse rapidement de ce que le film essaie de nous dire.

D'ailleurs que veut-il nous dire ? Je n'en sais rien ! Nous parle t'il des affres de la création en nous illustrant cette création de pièce ? Veut-il nous évoquer le souvenir d'une Amérique des années 50 à travers l'évocation succincte - bâclée - d'éléments de la pop culture, historiques, de personnages jamais vraiment citée mais qu'on reconnaitra sans peine ? Prétend il être une satyre comique contre l'industrie militaire ou le consumérisme mortifère ? A force de multiplier sans jamais les développer une litanie de pistes, le film se perd, nous perd et pour la première fois devant un film de Wes Anderson, je me suis ennuyé, mais pas de cet ennui confortable qu'on peut parfois ressentir devant certains films dont le but est soit de nous faire ressentir le temps vécu par les personnages soit nous plonger dans une douce torpeur comateuse et confortable, non un ennui pénible, physique qui accueille le générique de fin avec soulagement.

La sensation d'avoir assisté aux jeux sortis de l'imaginaire fructueux d'un enfant qui nous montre sa superbe collection de jouets mais dont la profusion d'idées ne finit que l'intéresser que lui et faire décrocher ses camarades qui finissent par le laisser seul avec son petit train et ses figurines dont on ne sait plus ce qu'elle foutent là et pourquoi cela advient maintenant.

Enfin d'enfoncer définitivement le clou, un mot sur l'humour qui d'après moi témoigne de l'échec global du film. Si quelques tentatives parviennent à nous faire rire, attention je ne parle pas de rires francs et encore moins de fous rires incontrôlables, mais d'onomatopées comme des "Bwarf" ou des "Ha ha.." la plus part du temps, le rythme est à côté de la plaque, les gags sont gênants et ne parviennent même pas à sauver l'ensemble.

J'ai hésité, parce que Wes Anderson, parce que j'aime son cinéma, parce que je ne pouvais me résoudre à accepter ce ratage absolu à lui attribuer la petite étoile qui lui donnerait la moyenne, mais non par honnêteté intellectuelle ma note doit refléter ce que je pense vraiment et c'est pas glorieux.

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