Wes Anderson a toujours été l’un de mes réalisateurs préférés. J’ai vu tous ses films (ou presque), mais avec Asteroid City, la magie n'opère plus sur moi. J’ai l’impression qu'avec The Grand Budapest Hotel, il a enfin son chef d'œuvre absolu (très certainement mon Wes Anderson préféré). C'est un film où chaque aspect de son cinéma est à son apogée. Les personnages, le casting, les décors, la mise en scène ... tout frise l'excellence. Il a perfectionné son art, film après film, jusqu'à atteindre la perfection. Mais voilà, après un tel succès, comment arriver à se renouveler, sans se trahir ? Comment perfectionner son art et satisfaire ses fans, sans s'autoparodier ? Le problème est bien là, avec Asteroid City.

Asteroid City est une petite bourgade située quelque part en plein milieu du désert, dans les années 1950. On se croirait plongé dans les aventures de Bip Bip et Vil le Coyote des Looney Lunes. Asteroid City tire son nom d'une météorite tombée il y a plusieurs milliers d'années et dont il reste encore trace d'un cratère. Il ne se pas passe pas grand-chose dans cette petite ville, si ce n'est quelques essais atomiques inopinés et les passages (toujours inopinés) de gangsters en fuite, poursuivis par la police.

Néanmoins, Astéroid City accueille tous les ans une convention de jeunes astronomes et les familles de nos chers chérubins élus sont donc rassemblées dans ce lieu incongru. Mais voilà, à la suite d'un événement inattendu que je ne nommerai pas (pour préserver l'effet de surprise), la petite ville est placée en quarantaine. Tous devront alors rester plus longtemps que prévu et apprendre à se connaitre ...

Quand j’ai vu L'Île aux chiens, un film que par ailleurs j'aime beaucoup, j’ai commencé à sentir un trop plein. J'ai eu l’impression d’avoir un peu trop vu Wes Anderson faire du Wes Anderson dans ce film. Et maintenant il y a Asteroid City et sa beauté formelle est indéniable. Les visuels sont fantastiques, mais c'est du déjà vu et l'effet de surprise n'est plus là. Pour les fans de longue date du réalisateur, Asteroid City pourra vous paraitre assez fade, alors que les nouveaux venus vont probablement en prendre plein les yeux.

Au lieu d’un film centré sur deux ou trois protagonistes principaux, nous avons plusieurs personnages à peines esquissés (et excentriques) et c’est tout. Il y a trop de personnages et pas assez de temps pour les développer tous. Le jeu des acteurs est très bon, rien à redire là dessus, mais leurs personnages ne sont pas tellement drôles (à une ou deux exceptions près) ni particulièrement intrigants. Je dois même avouer m'être pas mal ennuyé par moments et m'être senti rassasié (un trop plein ?) de ce type de cinéma.

Peu de cinéastes ont un style aussi unique et distinctif que Wes Anderson. Son style est immédiatement reconnaissable, presque au premier coup d'œil. Et ses films ne sont pas seulement de toute beauté, ils sont également drôles, émouvants et engageant ... ils sont bien écrits, quoi ! En tant que fan de son travail, j’attendais donc Asteroid City avec impatience, mais aussi avec beaucoup d'appréhension. Je redoutais justement que la forme prenne le pas sur le fond et c'est malheureusement le cas ici. L'intrigue est foutraque, peu engageante et ne procure aucune émotion chez moi.

Le film est une véritable pièce de théâtre et n’a pas de véritable ligne directrice. Ce serait bien si le large éventail de personnages impliqués, étaient tous bien écrits et suffisamment développés, mais le scénario ne leur laisse pas le temps pour briller. La construction de ce monde prend le pas sur tout, y compris sur les personnages. Et puis, même si ces personnages semblent exister, même brièvement, ce sont des personnages d'une fiction traités dans une autre fiction ... un film dans le film, quoi ! Du coup, difficile d'avoir de l'empathie pour des personnages qu'on sait tous fictionnels.

Thématiquement, le film semble également un peu vide. On passe d'un sous-texte à un autre, sans justification, y compris à travers le dispositif (assez lourd et lourdingue) du cadre d’une pièce de théâtre. Et puis, il y a Bip Bip (mais aucun signe de Vil le Coyote) qui passe de temps en temps en arrière plan, sans explication aucune et sans éveiller la moindre curiosité chez moi, alors que pourtant je suis un grand fan de Chuck Jones et des Looney Tunes. Mais non, Bip Bip ne fait que passer, rien de plus.

Depuis The Grand Budapest, il n'y a plus grand chose de nouveau dans le cinéma de Wes Anderson. Bref, il semble s'autoparodier. La forme prend le dessus sur le fond, mais comment le lui reprocher ? C'est du pur Wes Anderson, on y va d'abord et avant tout pour y prendre une claque visuelle et c'est ce qu'il propose une fois de plus, sauf que moi je commence un peu trop à bien le connaître.

Aprés, ne vous y trompez pas, Wes Anderson est et a toujours été un génie formel et ses fans devraient passer un bon moment devant Asteroid City. Peut être qu'il se répète, mais il s'améliore et surtout, il y aura toujours une nouvelle génération qui s'intéressera à son cinéma. C’est juste un peu dommage que le film soit, de mon point de vue, aussi creux et vide sur le fond. Je le recommande uniquement aux fans les plus inconditionnels de Wes Anderson (5.5/10).

Créée

le 27 juin 2023

Critique lue 1.4K fois

27 j'aime

6 commentaires

lessthantod

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

27
6

D'autres avis sur Asteroid City

Asteroid City
Moizi
8

Le temps suspendu

Je me range dans le camp des gens ayant aimé cet Asteroid City, si j'ai longtemps eu du mal à apprécier son cinéma, j'ai fini par vraiment tomber amoureux du style de Wes Anderson. Visuellement on...

le 14 juil. 2023

84 j'aime

1

Asteroid City
lhomme-grenouille
4

Qui a dit : « au dixième, j'arrête » ? (Spoiler : pas Wes Anderson.)

Et de onze pour Wes Anderson. Moins de deux ans après son French Dispatch, le revoilà déjà sur les grands écrans, et avec lui cet étrange sentiment qui commence à gagner de plus en plus de ses...

le 23 juin 2023

67 j'aime

17

Asteroid City
Plume231
4

Le Théâtre du désert !

Je ne le dirai jamais assez, au-delà de son style visuel reconnaissable entre dix milliards, Wes Anderson a une maîtrise technique qui suscite à chaque fois mon admiration. Et ce qui la suscite...

le 20 juin 2023

66 j'aime

19

Du même critique

Kaamelott - Premier Volet
lessthantod
7

À un moment, il monte à une tour ...

Tout d'abord, je précise que j'aime Kaamelott dans son intégralité et que par conséquent, j'adhère totalement à l'évolution de la série et à son changement de ton entre les quatre premiers livres,...

le 22 juil. 2021

38 j'aime

28

Le Cercle rouge
lessthantod
8

Et n'oubliez jamais ... tous coupables !

Le cercle rouge est le douzième et avant dernier film de JP Melville et c'est un film que beaucoup considèrent encore aujourd'hui comme son chef d'œuvre absolu. C'est aussi un film qui a marqué les...

le 15 août 2021

37 j'aime

19

Les Bonnes Étoiles
lessthantod
6

Les inadaptés

Les Bonnes étoiles est le dernier film de Hirokazu Koreeda, un drame social touchant qui repose beaucoup sur son ambiance très soignée et sur un casting vraiment très bon, en premier lieu Song...

le 12 déc. 2022

35 j'aime

2