Je comprends ce film comme étant une allégorie de la désillusion qui frappe la société tunisienne plus de dix ans après la révolution qui chassa le dictateur Ben Ali, ami du régime français. Pas mal d'indices disséminés dans ce sens. Par exemple, l'action se déroule essentiellement sur le chantier d'un quartier qui était destiné aux classes dominantes, dont la construction fut interrompue à la chute de Ben Ali, et dont les travaux ont repris depuis peu. Quartier tout à fait réel, que la caméra du réalisateur nous fait découvrir. On peut ajouter à cela la thématique omniprésente de l'immolation par le feu (ce fut une telle immolation qui déclencha le printemps tunisien), les multiples références aux violences et à la corruption de la police, les déboires de la Commission "vérité et réconciliation", censée identifier et sanctionner les tortionnaires du régime Ben Ali et dont le moins qu'on puisse est qu'elle patine quelque peu dans la semoule.


Un film politique, donc, d'autant qu'il y a probablement d'autres allusions que je n'ai pas captées, n'ayant pas l’œil averti d'un citoyen tunisien. Après, le film pêche dans sa construction, du fait notamment de l'idée d'enrober ce message politique dans le synopsis d'un thriller. L'enquête de Tunis est assez improbable, j'entends en termes de film policier, et devient franchement surnaturelle vers la fin du film. C'est un peu mou, répétitif et manquent les rebondissements et événements saisissants qui fondent ce genre cinématographique et littéraire. Si l'atmosphère angoissante est présente, elle est trop lourdement suggérée par une bande son qui ne fait pas dans la dentelle et par de longs plans sur les squelettes de bétons des immeubles en construction. Décor exceptionnel (et éphémère) pour un cinéaste, à n'en pas douter, mais qui aurait pu - à mes yeux du moins - être mieux exploité.


Il ressort du tout une impression mitigée : le versant politique du film dénature le thriller, et vice-versa. Mais ça n'en reste pas moins un témoignage puissant de la profonde désillusion qui frappe la société tunisienne, dont la jeunesse cherche à quitter le pays en masse.

Marcus31
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Vu au cinéma en 2023

Créée

le 1 févr. 2023

Critique lue 279 fois

3 j'aime

Marcus31

Écrit par

Critique lue 279 fois

3

D'autres avis sur Ashkal - L'enquête de Tunis

Ashkal - L'enquête de Tunis
Freddy-Klein
8

Critique de Ashkal - L'enquête de Tunis par Freddy Klein

Là-bas comme ici, la plupart des politiques, en tout cas ceux qui font de la politique leur activité professionnelle, à défaut d'en faire leur profession de foi et de porter les espoirs de leurs...

le 6 mars 2023

8 j'aime

Ashkal - L'enquête de Tunis
thomaspouteau
7

Feu !

Ambiance froide, froide comme un été qui a passé son tour dans le bal des saisons. Une ambiance froide comme un acte manqué, un été qui ne passera plus, peut-être plus jamais. Restent debout, des...

le 3 févr. 2023

7 j'aime

2

Ashkal - L'enquête de Tunis
AMCHI
6

Critique de Ashkal - L'enquête de Tunis par AMCHI

Un polar tunisien avec une dose de social prononcée avec sa critique sur la société tunisienne 10 ans après le printemps arabe qui avait chassé du pouvoir Ben Ali. 2 policiers, une femme et un homme,...

le 19 sept. 2023

4 j'aime

5

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

36 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime