Un an après “Couvre-feu” (1998), le troublant récit prophétique d’Edward Zwick (annonçant un attentat de grande ampleur à New-York, trois ans avant les événements du 11 septembre 2001), Mark Pellington, avec “Arlington Road”, ajoute une pierre à l’édifice du thriller paranoïaque des années 90, avec en filigrane, l’attentat du bâtiment fédéral Alfred P. Murrah d’Oklahoma City en 1995, de quoi mettre en lumière le terrorisme intérieur et les réseaux dormants qui infectent le monde occidental et les Etats-Unis en particulier.
Michael Faraday (Jeff Bridges), professeur d'histoire à l’université de Washington, est un spécialiste en activisme violent, en groupuscules suprémacistes et en milices armées de tout bord. Depuis que sa femme - une gradée du FBI - est morte lors d’une intervention ratée, causée par une liste informatique erronée, Michael souffre d’une colère sourde l’enfermant dans une sorte de misanthropie. Traumatisé par cette tragédie, Michael tente pourtant de se consacrer à son fils Grant (Spencer Treat Clark), à son travail et à Brooke (Hope Davis), sa nouvelle compagne.
Michael nous est présenté en prologue du film comme un bon samaritain, un citoyen modèle qui sauve le jeune Brady Lang, grièvement blessé par des feux d’artifice. Cet acte de bravoure amènera Michael à se lier d'amitié avec Cheryl (Joan Cusack) et Oliver Lang (Tim Robbins), les parents de Brady, une famille fraîchement débarquée à Arlington Road. Ce quartier résidentiel dans la banlieue de Washington DC, est un pur modèle de ce qu’est la Middle Class américaine. Avec ses villas cossues, ses pelouses magnifiquement entretenues et ses voisins biens sous tous rapports, la vie s’écoule tranquillement, mais attention, les apparences peuvent être trompeuses…
Première réalisation de Mark Pellington, trois ans avant “La Prophétie des Ombres” - un autre film de paranoïa - “Arlington Road” entraîne le spectateur dans un suspense insoutenable qui voit la confrontation de trois acteurs d'exception. Le jeu paranoïaque de Jeff Bridges - tout en gesticulations, tout en déraison, en mode lanceur d’alerte que personne ne semble croire, s’oppose au couple Robbins/Cusack, stoïque, posé, au calme sidérant. Deux heures durant, Mark Pellington nous pose la question : “Que feriez-vous si vos voisins étaient des terroristes ? À partir de là, le récit tisse un canevas machiavélique, de suspicion et de doute, sous fond de conspiration, menant les protagonistes vers un effroyable final, qui détonne (sans mauvais jeu de mots), avec les “happy ends” hollywoodiennes !