Cycle d'influences qui se nourrissent mutuellement

Les Wachowsky n'ont pas caché leur amour de l'animation japonaise et des jeux vidéo dans Matrix, un melting-pot incroyablement casse-gueule et pourtant réussi qui a su offrir un résultat cohérent, avec un ensemble détonnant d'influences que l'on avait du mal à imaginer dans un long-métrage en prises de vues réelles. Les voir sortir une extension de cet univers sous la forme d'une compilation de court-métrages animés, ce qui constitue la définition même de l'hétérogénéité, le tout réalisé quasiment que par des japonais, c'est très audacieux tout en restant parfaitement dans la logique de la trilogie. On a ainsi une diversité dans les styles graphiques et les atmosphères proposés qui permet d'être constamment surpris, mais dont le résultat sera d'une qualité fatalement variable.


Avant de faire mes critiques individuelles de chaque court, je peux faire ici des remarques globales sur cette compilation. Déjà on m'a vendu un film qui apporte des éclaircissements sur l'univers de Matrix : c'est parfaitement vrai pour La Seconde Renaissance, mais pas du tout pour les autres. Seuls 3 courts sur 8 sont écrits par les Wachowsky, les autres sont issus de la créativité libre de leurs créateurs et ne peuvent donc pas apporter de précision "officielle" sur ce monde. Ils constituent plutôt des formes de bonnes fan-fiction intégrées à l'ensemble. Quant aux autres histoires des Wachowsky, ils apportent quelques précisions qui ne m'ont pas semblé bien indispensables à la trilogie (d'où viens tel personnage que j'avais oublié par exemple). Vous aurez donc des petites histoires individuelles, guère plus, et certaines s'oublient vite. Dommage. Mon autre point négatif c'est que j'ai trouvé le doublage (VO) globalement assez mauvais. C'est encore une fois hétérogène, mais j'ai été gêné plus d'une fois par le manque de conviction des comédiens et j'ai regretté de ne pas avoir tenté la VF, les français ayant un bon savoir-faire dans ce domaine. Mais pour garder des points positifs, je dirais que cette diversité graphique a du bon et rend le visionnage sans cesse surprenant et intéressant, les styles graphiques se montrant tous très tranchés et audacieux (je précise que je ne connais pas les réalisateurs). Pour les amateurs d'images saisissantes, vous trouverez votre bonheur.


Dernier Vol de l'Osiris : Celui qui m'a le moins intéressé. Tout le monde a trouvé que les images de synthèses étaient magnifiques mais je n'aime pas du tout, et cette animation manque de naturel : c'est trop fluide, quand des gens se battent j'ai davantage l'impression de mater une cinématique PS2 de démonstration que de voir une vraie joute. Ce combat au sabre n'a m'a pas du tout impressionné à cause de ça, et son déroulement est bien ridicule. La suite est sensée faire le lien avec Matrix Reloaded, mais je l'ai trouvée très inutile. C'est une illustration d'un événement que l'on connaît, et sa trop courte durée l'empêche d'avoir un déroulement intéressant ou des enjeux qui nous accrochent, tandis que son graphisme m'a complètement rebuté. Pas convaincu du tout.


La Seconde Renaissance (en 2 parties, soit une vingtaine de minutes l'ensemble) : Mon préféré, et aussi le seul qui apporte de vrais éclaircissements sur l'univers. On a tout simplement la genèse de la guerre humains/machines, de la vie sur Terre avant l'affrontement à la situation apocalyptique que l'on connaît. C'était passionnant, bien que très classique dans le déroulement. Le style graphique m'a complètement tapé dans l’œil, le court contient également des envolées abstraites qui peuvent fasciner comme elles peuvent laisser perplexe. Le rythme aidant, j'ai parfaitement digéré. Par contre la violence y est très forte, c'est souvent assez dérangeant.


Histoire d'un enfant : Une redite sur un humain qui va tenter de quitter ce monde qu'il trouve virtuel et se fera poursuivre par les agents à cause de ça. Comme le début de Matrix quoi. Le style graphique y est très particulier, surtout son animation hachée lors de la poursuite. C'est très inhabituel, on peut facilement détester ça tant le jeu sur les proportions et les contorsions des personnages est déroutant. J'ai bien aimé cette proposition.


Programme : De la baston dans un univers médiéval japonais. Très sympa, belles idées graphiques. N'attendez rien d'autre que de l'action, mais c'est réussi dans ce genre.


Record du monde : Comment le fait de se dépasser physiquement peut nous conduire à un éveil qui va au-delà de ce que la Matrice est censée nous accorder. Idée intéressante, traitement visuel très particulier : certaines animations m'ont parues beaucoup trop exagérées avec la gestuelle de certains personnages, la journaliste se balade en soutien-gorge sans raison (il y a une nuance entre l'érotisme artistique -le beau- et le racolage injustifié -le laid). Mais la façon dont on nous montre le sportif courir est assez puissante, on ressent bien toute la force qui se dégage du moindre de ses muscles et de sa volonté. Un court qui a toute sa place dans ce regroupement. Attention, lui aussi contient quelques images un peu choc.


Au-Delà : Le plus mignon et poétique. J'ai beaucoup apprécié cette insouciance qui s'en dégage, cette mélancolie qui survient et cette problématique qui parlera à beaucoup de geeks : comment le contrôle absolu d'une oeuvre par son créateur peut aller à l'encontre du plaisir de ceux qui en profitaient.


Une histoire de détective : Un pastiche de polar noir, qui se déroule de nos jours mais avec un personnage qui se croit encore dans les années 50. Encore une fois j'adore le traitement visuel, ici en noir et blanc, mais encore une fois le jeu d'acteur nuit à mon implication, particulièrement ici. L'histoire ne se montre pas non plus passionnante, tout l'intérêt réside dans cette atmosphère de film noir. Une ambiance réussie, mais insuffisante pour un truc qui n'a rien d'autre à apporter.


Matriculé : Euh... lui il est perché. Il part d'une idée de retournement de situation qui est amusante et ironique et il en fait... un trip visuel. Un trip particulièrement abstrait, avec des images travaillées mais dont on a énormément de mal à saisir le but. On pourra adorer, mais j'ai eu l'impression que le réalisateur s'était branlé sur sa pellicule et avait remplacé son kleenex par de la barbe à papa. C'est joli, c'est audacieux, ça montre bien l'absurdité de la situation, mais c'était trop déroutant pour moi, incapable de faire la distinction entre ce qui a du sens et ce qui n'était qu'un délire d'images bizarres. J'ajoute que le coup des yeux verts était assez ringard. Un mouais pour celui là.


Conclusion : Plein de scènes que je trouve généralement trop peu développées à cause de leur durée, mais un festival de styles graphiques originaux. Quelques perles dans le tas aussi. Un regroupement de court-métrages un peu foutraque, parfois trop expérimental, mais qui fait des propositions artistiques qui valent le coup d’œil. Après que les animes japonais aient construit Matrix, voir Matrix construire des animes japonais qui ouvrent nos horizons constitue une belle boucle vertueuse, et un beau clin d’œil au discours de fin de Matrix Revolutions.

thetchaff
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le 27 nov. 2015

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