American Sniper fut l’objet de tous les regards, convoitises et controverses. Pour ma part, j’avais envie comme souvent de me faire ma propre opinion sur la question. Je compte également lire l’ouvrage dont il est tiré pour approfondir le sujet.


Ceci dit, il n’était pas surprenant qu’un film de cet acabit déchaine les passions; et les critiques à deux vitesses. On a traité le héros de » massacreur d’enfants », l’œuvre de bien trop patriotique et j’en passe. J’ai l’impression que certaines personnes ont oublié qu’une guerre c’est une guerre. Qu’elle comporte son lot d’ignominie, de bêtises, d’injustice et de violence. Et ce, des deux côtés.


Il est sans doute plus facile pour nous spectateurs et journalistes de critiquer tel acte alors qu’on est bien au chaud en famille et en sécurité chez soi alors qu’au front des soldats se battent pour nous. Luttant face à leurs propres démons, leurs propres questionnements et contradictions; et ceux, de l’adversaire. Chercher dans un court laps de temps les bonnes réponses si tenté qu’il y en a, la bonne stratégie. Frôlant et côtoyant la mort tous les jours.
Sans excuser ni blâmer qui que ce soit je doute qu’on puisse faire une guerre sans avoir les mains sales. Et, sans le cœur et le cerveau retournés. Je pense que c’est surtout l’idée de la guerre elle-même qui est à déplorer pas les soldats qu’elle représente. On peut aussi se demander si cela est réellement efficace quand on voit tout ce qui est perdu. Le visible comme le moins visible; et les conséquences sur le long terme pour le moment peu entendues.


Les chefs sont remplacés à la pelle; et les mission s’allongent rendant de plus en plus difficile le retour à la maison. Le goût du sang, de la vengeance au delà parfois de tout sens, de toute raison. Une chaine sans fin de désespoir et de violence.


C’est ce que souligne ici Clint Eastwood avec une sublime éloquence et sobriété. Mettant en avant les contradictions de son pays, le poids de son héritage; la responsabilité aussi de la famille et de l’éducation reçue par celle-ci. Une Amérique entretenant depuis toujours un besoin quasi obsessionnel de se protéger contre autrui et d’être les plus forts aussi. Sentiment exacerbé par les attentats du 11 septembre 2001.


Il est aussi beaucoup question de fanatisme religieux. Mettant en exergue une réalité de la guerre qui dépasse l’entendement. Qui détruit et tue bien plus qu’elle n’y parait dans un pays en ruine. Qu’adviendra-t-il des institutions publiques, des écoles et de l’environnement meurtris tous par cette guerre? Celle-ci incite à être moins prudent, moins enclin à la négociation et au recul. Comme si le monde entier se résumait et se réduisait à la lunette d’une arme comme celle que Chris tient allongé sur un toit à l’insu de l’ennemi pour protéger les siens.
Délocalisé, et loin de tout; déconnecté aussi de la vie réelle et peut-être de son humanité. Chris n’est plus un mari, ni un père mais un soldat. Mais, il s’accroche persuadé de voir là un but, un objet commun: sauver sa patrie. Ce pour quoi il est fait et doué visiblement.


Les retours au bercail sont plus difficiles comme si la vie réelle était futile ou bien alors c’est elle qui est anormale. En voyant ce film, j’ai repensé à une scène de Démineurs; celle où le personnage de Jeremy Renner ne sait plus quoi acheter devant les rayons interminables d’un supermarché. A la guerre, il ne suffisait » que » d’appuyer sur la gâchette. Un choix restreint, un choix qui avait son importance, qui ne laissait pas la place à l’erreur. Mais, assister l’un de rien à un barbecue quand on a vu ses amis tombés devant ses yeux, comment faire? Comment ne pas reconnaitre dans le viseur l’enfant qui vous attend chez soi?


La lettre de Mark en est le témoin; le témoin de l’absurdité de la guerre et de ses dérives. Elle nous amène à nous questionner sur les choix que nous faisons au quotidien pour notre société et les générations futures. De la guérison toujours plus ardue, des stigmates toujours plus nombreuses et qui ne guérissent jamais vraiment. Est-ce que c’est ça que nous voulons pour nos enfants et les enfants de nos enfants?


American Sniper est le portrait doux-amer d’un homme déchiré, partagé entre son devoir et son humanité. Comme si l’un et l’autre ne pouvaient être incompatible finalement. A l’imagine du film, Bradley Cooper est d’une justesse et efficacité troublante de modestie. Reste que pour moi, la révélation est du côté de Sienna Miller transformée et transfigurée par son rôle bien loin de l’it girl et ex femme de.

Missbale974
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le 26 sept. 2016

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