Ma sorcière bien-aimée

De mémoire, je ne crois pas que le Portugal ait déjà fait de fortes propositions sur le terrain du cinéma de genre. Il y a un début à tout.

Amelia's Children est un film d'horreur à la fois très balisé et très efficace. Niveau intrigue, on est sur A qui mène à B qui mène à C, même en n'étant pas particulièrement connaisseur du cinéma d'horreur on devine en 10 minutes les tenants et aboutissants de cette histoire de réunion de familles aux sombres secrets. Un classicisme scénaristique heureusement rehaussé par une ambiance délicieusement malsaine, entretenue principalement par l'Amelia du titre, un personnage dont l'apparence crée un sentiment immédiat de malaise qu'on pourrait presque rapprocher de la Vallée dérangeante. On n'est pas loin de Linda Blair dans l'Exorciste : Dévotion.

Ceux qui savent... savent...

Depuis quelques années, le vieillissement du corps féminin est un sujet en vogue dans le cinéma d'horreur : She Will, Relic, La Abuela,... Des films qui questionnent le regard que l'on pose sur les femmes et la façon dont ce regard conditionne l'obsession des femmes pour leur apparence, dans une boucle de réification sans fin qui aliène la gente féminine en la poussant à coller à des canons de beauté toujours plus absurdes et à faire de la jeunesse une obsession morbide. Amelia's Children ne pousse malheureusement pas aussi loin sa réflexion car elle reste en marge du récit, il se concentre bien plus sur sa thématique familiale, qui ajoute une couche de glauque sur le glauque et que je ne spoilerai pas, mais disons qu'on est sur une histoire assez tordue, bien développée même si légèrement incohérente : Très rapidement, l'héroïne se rend compte de quelque chose de plutôt alarmant, et la seule réaction de son héros de petit-copain est un vague "Ah." Moi à sa place, je prendrais un peu plus la chose au sérieux même si je venais de retrouver ma famille après 30 ans. Bon, après ça n'est qu'un détail...

En revanche, là où le film déçoit c'est sur son aspect surnaturel, teasé dès l'introduction mais dont le réalisateur ne fera pas grand chose. Visions, contrôle mental, mais pas plus. L'affiche, la bande-annonce et certaines très belles images nous laissent penser à un film de possession ou de magie noire, mais le surnaturel reste très, très timide. Peut-être que le réalisateur cherche à cultiver l'ambiguïté, à nous servir le classique "Est-ce qu'il y a vraiment un monstre au fond du placard ou bien c'est moi qui hallucine ?" (C'est juste pour l'exemple, il n'y a pas de monstre dans le placard), mais si c'est le cas, c'est plutôt raté. J'ai rarement vu des films de genre qui donnent l'impression de ne pas savoir quoi faire de leur surnaturel, c'est toujours un peu étrange à voir, et dans le cas d'Amelia's Children, ça donne l'impression d'un réalisateur qui n'a pas saisi le plein potentiel horrifique de son histoire.

Heureusement ce que le film perd en audace, il le gagne en efficacité. De belles scènes de malaise qui nous forcent à nous confronter à Amelia, en forçant sa présence dans le cadre et en la montrant de plus en plus monstrueuse, comme cette improbable scène de danse aussi pathétique que malsaine; L'angoisse est aussi au rendez-vous avec des visions et rêves et quand enfin le film vrille, la tension est parfaitement gérée. La mise en scène n'a pas de coup de génie particulier, mais elle accompagne bien cette histoire sans coquetteries ni effets de style trop ampoulés. En purs termes de divertissement, ça fonctionne. Notons d'ailleurs une héroïne assez réussie, déplorons un héros trop benêt et mou du genou pour être crédible, et on a un film d'horreur divertissant, glauque sans tomber dans le Conjuri-porn, et conclu par une scène de danse à la fois jolie (la jeune Alba Baptista aide pas mal) et glauque.

Peut mieux faire, mais si le Portugal a d'autres films d'horreur en réserve, qu'il n'hésite pas !