En 1979, un monstre gluant et baveur était découvert dans les entrailles d'un vaisseau spatial, et Sigourney Weaver se retrouvait en petite culotte dans une capsule grande comme un placard. Lancé avec un slogan qui restera dans la mémoire ("Dans l'espace, personne ne vous entend crier"), Alien devient un des dix premiers films à franchir la barre des 100 millions de recettes. Dès sa sortie, c'est un triomphe, dans la foulée, les imitations se multiplient, et très rapidement, Alien prend un statut de film culte qu'il conserve encore aujourd'hui.
Comment expliquer un tel succès ? C'est la combinaison de plusieurs éléments : il y a bien évidemment une profondeur, Ridley Scott dont c'est seulement le second film, s'est particulièrement appliqué là-dessus en installant une terreur insidieuse dans l'espace (et non dans un vieux manoir anglais isolé, ce qui aurait été mille fois vu), et en donnant un sens philosophique et moral à cette aventure. Malgré une certaine lenteur dans l'action, le réalisateur distille un suspense éprouvant avec une efficacité hors normes. Le décor de la mystérieuse planète est très étrange, c'est un palais apparemment désert, une sorte de vieil entrepot obscur, une cathédrale perdue dans des limbes ténébreuses, un antre tarabiscoté tout en reliefs ondulés, en cavités osseuses, organiques, utérines et labyrinthiques où se dissimule l'horreur.
Jamais on n'avait vu au cinéma une horreur aussi indescriptible qui vous scie les nerfs avec autant de talent, créant une peur panique qui ne vous lâche plus jusqu'à la fin. Le monstre était tellement inattendu, tellement nouveau à l'époque, capable de muer et de changer de taille de telle sorte qu'il est très difficile à maîtriser, la terreur n'en devient donc que plus abstraite et plus irrationnelle, c'est l'angoisse de l'inconnu, on ne sait jamais comment, où et quand cet alien frappera, et on ne sait qui il est.
C'était donc une sacrée bonne idée que cette lutte désespérée et impuissante de l'équipage d'un vaisseau spatial, qui trouvait sa force dans l'oeuvre de Lovecraft, auteur obsédé par les êtres immondes, malsains et visqueux, ainsi que dans les romans de Philip-José Farmer qui a introduit la sexualité dans la science-fiction avec une certaine violence.
Tout ceci était servi par des Fx étonnants pour l'époque, ce qui leur valut un Oscar, sans parler de la créature hybride conçue par l'artiste suisse Giger, étrange mélange de charnel et de mécanique, une abomination dont on voit peu les formes, mais elle est au centre de ce véritable voyage au bout de l'enfer, fascinant et effroyable, enrichi de multiples références psychanalytiques, mythologiques et sexuelles. Certaines images sont inoubliables, telles celle de l'épave remplie d'oeufs étranges, ou celle de la créature sortie du ventre de John Hurt... à cela s'ajoutent la qualité du casting et de la musique, bref Alien reste une expérience cinématographique époustouflante et remplie de tension où l'homme se retrouve seul face à ses terreurs anciennes.

Ugly

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