Alors qu’il en est encore au tout début de sa carrière, n’ayant réalisé comme long-métrage que Les duellistes, Ridley Scott se lance dans la science-fiction horrifique après que George Lucas soit parvenu avec Star Wars à convaincre les producteurs de la rentabilité potentielle de la science-fiction au sens large. Ici le concept est assez simple, un équipage de 7 personnes se retrouve piégé dans un vaisseau avec un méchant Alien qui deviendra alors une des créatures horrifiques les plus connues du cinéma. Essayons de voir ensemble comment il a pu en arriver là et pourquoi j’apprécie tant cette œuvre.


Une des plus grandes qualités du film c’est d’abord et avant tout le personnage de Ripley, une femme forte et intelligente tenant le rôle principal, après une première partie de film faisant même le choix assez malin de la placer en retrait des autres membres d’équipage de telle sorte que l’on ne puisse imaginer au premier visionnage son importance. Elle n’est pas seulement courageuse ou débrouillarde face à une menace qui prouve chaque scène un peu plus sa dangerosité, elle est aussi intelligente et pragmatique, la seule à clairement refuser l’entrée de Kane dans le vaisseau par exemple... Mais elle est aussi profondément humaine de par plusieurs de ses erreurs ou de ses pertes de sang-froid, ce qui la rend attachante en plus d’être charismatique. Même si je trouve son traitement encore plus complet et développé dans Aliens, elle est déjà ici une franche réussite du film.


Le reste du casting n’est certainement pas à négliger avec notamment Ian Holm dans le rôle de Ash, ou encore Veronica Cartwright dans son rôle de Lambert qui retranscrit de façon la plus expressive possible la terreur qui s’empare d’elle de plus en plus au fil du récit, mais c’est tout de même Sigourney Weaver qui est le fer de lance de ce petit monde, sans aucun doute. Ce que je pourrais légèrement reprocher à ce niveau-là, c’est que les personnages ne sont pas vraiment développés autrement qu’en leur attribuant des rôles archétypaux de comique, de leader, de peureuse... de façon très cohérente avec leur place dans le récit mais de façon un peu simplistes aussi, même pour Ripley au final.


Alien le huitième passager a la réputation d’être un film d’horreur authentique, le seul véritable dans la saga et le seul également du réalisateur pendant 20 ans, et ça tient notamment à son ambiance suffocante qu’il instaure au fur et à mesure. En dehors de quelques jumpscares quasiment incontournables dans ce type de long-métrage, c’est bel et bien quand il ne se passe rien qu’on flippe le plus, parce que pris dans la peur de ce qui pourrait arriver. Pour l’illustrer je vais parler plus en détails d’une de mes scènes favorites, et donc la spoiler :


La scène où Dallas poursuit l’Alien dans les conduits avec son lance-flammes est le basculement du film pour moi, c’est là qu’on ressent l’Alien comme le véritable prédateur, avant ça il avait tué Brett, qui n’était pas spécialement montré comme une proie difficile. Là c’est Dallas qui traque l’Alien, qui est bien armé, qui est guidé à distance... et pourtant progressivement on sent à quel point les rôles se renversent quand il commence à paniquer et à utiliser le lance-flammes pour rien, jusqu’au coup de flippe final qui sera ce qui le tuera, plus que l’Alien lui-même et le jumpscare n’est que la cerise sur le gâteau, c’est l’ambiance qui la précédé qui pour moi est le plus mémorable.


L’ambiance anxiogène du Nostromo très réussie y contribue fortement avec tous ces couloirs étroits qui donnent sur des tournants dont on ne voit pas ce qui s’y trouve avant le dernier moment, ces appareils électroniques très rétros aujourd’hui qui contrastent avec l’idée qu’on peut se faire d’un vaisseau dans le futur... La réalisation le sert très bien, en particulier vers la fin du film avec l’utilisation de la lumière stroboscopique, de la vue subjective, de la shaky cam... pour traduire les sentiments du personnage, s’immerger encore plus dans le film… très impressionnant pour un début de carrière de réalisateur.


Quant au vaisseau Alien on retrouve pas mal l’état d’esprit des dessins et des sculptures de Hans Ruedi Giger, entendez par-là un ton très dérangeant. Il a vraiment réussi à insuffler un malaise très intense sans forcément recourir à une violence extrême, juste avec sa patte artistique très singulière qu’ont parfaitement su retranscrire les membres de l’équipe technique et artistique du film. C’est à travers tout ces décors que l’ambiance du film marche autant mais c’est bien sûr autre chose par laquelle la direction artistique a brillé : les créatures Aliens en elle-même.


Parce que l’on peut considérer qu’il y en a bel et bien 2 : le facehugger et le xénomorphe. Le premier est superbement introduit avec cet espèce d’œuf très organique dont on peut percevoir les palpitations de la créature au travers de sa peau visqueuse, ça fait déjà peur avant d’avoir fait quoique ce soit. Ce mode de reproduction parasitaire est à la fois original et source de multiples théories sur la forme finale de l’Alien dépendant de son hôte, même si la conception de l’œuf trouve une explication assez étrange dans une scène coupée de la version originale, à laquelle j’ai jamais réussi à trop accrocher.


Le xénomorphe quant à lui a un design original très effrayant avec l’absence de yeux, des parties étrangement mécaniques, un crâne disproportionné... et son comportement parfaitement impitoyable accroît cet effet, presque comme s’il aime prendre le temps de terroriser ses victimes par moment plutôt que de les tuer le plus vite possible. La croissance rapide de son organisme est aussi une idée qui rend sa première apparition sous forme adulte très marquante, le sang acide est également un excellent prétexte pour qu’on flippe à l’idée qu’elle s’approche trop près d’un personnage même s’il est bien armé... le xénomorphe a vraiment été très bien pensé et conçu, sa réputation ne vient pas de nul part.


On retrouve aussi cet aspect dérangeant dans le design de l’androïde, biomécanique. Une fois découvert, il s’apparente presque à un zombi dans sa façon de bouger son corps après avoir été décapité et de la même manière que la scène choc où l’alien apparaît pour la première fois, le gore à l’excès, tellement en contraste avec le reste du film très épuré, marque les esprits. Et bien sûr le maquillage pour rendre tout ça crédible est très convaincant pour l’époque je trouve, même si un faux raccord entre une tête maquillée et celle de l’acteur est particulièrement visible.


Alien fait avec cet androïde un bon thriller également parce que la révélation sur son identité et sur ses motivations font qu’on ait pas juste face à un film de monstre où tout le suspense repose sur la survie ou la mort de tel personnage. De plus, quand ce que l’on prenait pour acquis et qui l’on prenait pour allié s’effrite à un moment où la menace en elle-même devient plus palpable, ça renforce ce sentiment d’un étau qui se resserre de plus en plus sur les protagonistes et cet intrigue-là à la manière d’un thriller en vient à améliorer l’ambiance horrifique du film.


Enfin, cette sous-intrigue avec l’androïde permet d’acquérir un fond critique à l’ensemble avec une grande entreprise qui cherche à se faire de l’argent qu’importe les dangers qui pourraient survenir pour des personnes innocentes. Ne pas accepter cette situation révoltante serait d’ailleurs ce qui ferait de nous des êtres humains plutôt que des machines si on suit la logique du film. Bon après ce n’est pas des plus explicités et même après être interprété comme tel, ça reste en surface mais c’est tout de même un message que j’apprécie.


Alien le huitième passager n’est pas juste un très bon film d’horreur par une excellente réalisation et une sublime direction artistique, il marque la naissance d’une créature mythique du cinéma, il s’inscrit parmi les plus imposants films du genre à mettre en avant un personnage principal féminin si fort, il est intelligent et pertinent dans ses emprunts au genre du thriller... Son rythme un peu lent par moment, ses personnages pas toujours des plus originaux, ses limitations techniques et budgétaires d’époque constituent autant de petits problèmes qui l’empêchent d’être aussi géniale que sa suite Aliens à mes yeux, mais c’est en revanche mon film de Ridley Scott préféré et l’un de mes films d’horreur favoris.

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le 10 août 2018

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damon8671

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