Extrêmement mal-aimé, il mit abruptement fin à l’euphorie entourant la saga Alien et semble encore aujourd’hui renié par son créateur : Alien 3 est la tentative d’un réalisateur qui souhaita, pour son premier long métrage, affirmer son unicité, mais qui se heurta aux carcans artistiques que lui imposèrent les studios. Ainsi naquit la malgré tout brillante œuvre qu’est Alien 3, œuvre malade et pourtant terrassante d’ingéniosité, équipée d’effets spéciaux bâclés, voire carrément inachevés, où les failles audiovisuelles du xénomorphe sont immédiatement repérables, et cependant parvenant à moduler avec justesse l’ambiance.


Grâce à sa photographie du gigantisme épatante, signe du talent incontestable de Fincher comme esthète, le film ponctue sa trame narrative principale d’images époustouflantes où les immenses infrastructures, sortes de créatures technologiques oxydées, avalent les silhouettes humaines qui, elles, sont rapetissées à l’excès au contact de si grands monuments (démarche visant au final à démontrer la petitesse de l’être humain face aux évènements naturels et, plus particulièrement, face à l’alien). C’est dans un univers de testostérone exacerbée qu’évolue le récit, trouvant pour la première fois un second ennemi, autre que l’alien, plus insidieux et venant recentrer l’intrigue sur le facteur humain (jamais exploré auparavant) : les criminels détenus dans la base, coexistant avec leurs pulsions violentes inassouvies et sans cesse prêtes à exploser. Sachant varier admirablement le rythme en intégrant plusieurs moments d’accalmie dans le but de relâcher la tension pour ensuite mieux précipiter l’action, Fincher, puisqu’il entreprend ici d’explorer le côté humain, élabore un propos sous-jacent élégamment amené qui dénonce la main de l’État et ce qu’il accomplit par le biais de celle-ci : violence inconsidérée (voir la finale), comportements motivés par une volonté de gagner en puissance militaire, répression et marginalisation des oppressés (qui mène inéluctablement à un isolement des plus totaux). Comme ce sera le cas pour le reste de l’œuvre de Fincher, on retrouve dans Alien 3 une fascination pour le détail, la morbidité et la chair qui confère à l’ensemble une esthétique suintante, étouffante et rouillée magnifique. Ajoutant à cela une vision de la religion comme simple recours contre le désespoir, Fincher fabrique une œuvre prodigieuse (il faut toutefois la voir dans son nouveau montage), munie de l’acuité métaphysique d’un réalisateur impétueux et d’une photographie maniériste où regorgent les effets stylistiques innovants : le film, qui semble en bout de ligne avoir opté pour un retour au style plus temporisateur, celui qui économise ses effets, du premier opus, annonce le génie des prochaines créations du réalisateur et est fascinant de beauté.

mile-Frve
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste David Fincher - Commentaires

Créée

le 26 juin 2021

Critique lue 761 fois

6 j'aime

Émile Frève

Écrit par

Critique lue 761 fois

6

D'autres avis sur Alien 3 : Édition Spéciale

Alien 3 : Édition Spéciale
ROUB_ELDIABLO
8

Critique de Alien 3 : Édition Spéciale par ROUB_ELDIABLO

Un très bon opus de la saga Alien, avec une ambiance très glauque dans cette planète prison peuplée de violeur et d assassin qui vivent quasiment comme dans une secte. Les différents personnages sont...

le 2 mars 2023

Alien 3 : Édition Spéciale
G7K
10

LORSQU'ELLEN RIPLEY RENCONTRA L'ENFER DE DANTE ?

Alien proposait un film d'horreur-SF intemporel et Aliens changeait radicalement de voie en offrant un actionner bourrin dans la droite lignée des années 80, les producteurs de la Fox ne savait donc...

Par

le 28 févr. 2023

Du même critique

Spencer
mile-Frve
9

Pétrification du désenchantement

Par-delà les parures, les joailleries et les sourires factices que revêt Diana, plumage de cristal fendu jusqu’à la pointe des ailes, se tapit le désenchantement mélancolique de la frêle et diaphane...

le 9 déc. 2021

10 j'aime

Nitram
mile-Frve
8

Un certain goût du désordre

Les raisons susceptibles de légitimer la démarche cinématographique de Justin Kurzel lorsqu’il conçoit son long métrage Nitram abondent; qu’elles relèvent du traité abolitionniste concernant...

le 20 avr. 2022

8 j'aime

Le Dernier Duel
mile-Frve
5

La vérité, une futile parure

Parce qu’il a voulu condenser sa vision et multiplier les idées irriguées par son sous-texte au cœur du troisième et dernier acte, Ridley Scott dévoile une œuvre à demie achevée, composée d’un...

le 24 oct. 2021

8 j'aime

2