« Les avancées techniques ne sont plus synonymes de progrès humain. (…) le lien entre les deux s’est cassé. »
Nul doute que Monsieur Dupontel approuverait cette phrase tirée du dernier essai du journaliste et député François Ruffin, Leur progrès et le nôtre.
Vu à sa sortie et revu en cette aussi belle que pluvieuse journée de déconfinement, Adieu les cons est certainement le film qui aura marqué le plus profondément cette année cinéma. Tout d’abord parce qu’il révèle, à ceux qui l’ignoraient, le talent et la sensibilité formidable de l’acteur/réalisateur.
Adieu les cons, à l’instar de ses précédents films, raconte l’étouffement, voire l’écrasement des âmes par un monde violent et déshumanisé, soumis aux algorithmes et au culte de l’efficacité (auxquels s’ajoute, en l’occurrence, celui de la jeunesse). Cette perte de sens et d’humanité s’exprime à travers des scènes dont l’apparente ingénuité dissimule une grande mélancolie et un message définitivement humaniste :
L’immensité terrassante du quartier d’affaire évoquant La Défense, cet autre quartier autrefois vivant et chaleureux avec ses troquets et autres ruelles et squares et désormais défiguré par des tours sans contours et des chantiers à perte de vue (toute ressemblance…), cette victime d’abus policier reléguée dans des archives oubliées de tous…
La mélancolie du récit est également servie par l’esthétique qui l’enrobe, mélangeant habilement réalisme et surréalisme (une grande partie du film a été tournée en studio), mélange qui reflète ce clivage, cette non-adéquation, entre ce dédale technologico-administratif et la sensibilité des personnages, leurs aspirations d’une simplicité qui tend à devenir inconcevable : savoir dire « je t’aime », et, pour paraphraser Kant, être considéré comme fin et non comme moyen.
Adieu les cons n’est pas un « feel good movie », le sujet est dur, mais il est aussi salvateur, il fait du bien, et n’aurait pu que difficilement sortir à un moment plus opportun que celui de la pandémie, celui de la folie de la distanciation « sociale », et de la mise à l’index de la culture et donc de la vie heureuse.