À propos de Nice par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ce film de 23 minutes nous promène dans le Nice de 1930. Après une vue panoramique de l'endroit nous entrons dans le Nice du plaisir avec ses terrasses de cafés ensoleillées où des résidents aisés passent du bon temps non loin de la mer omniprésente. La plage fait fureur, on se grille au soleil en tenue légère en espérant se faire remarquer pendant que le sport de voile fait des heureux le long de la côte. C'est le mois du Carnaval qui se prépare. Les hôtels majestueux commencent à se remplir d'une gente aisée descendant des limousines. Le tintamarre de la fête majestueuse et enjouée bat alors son plein sur la "Promenade des Anglais" avec de jolies filles grimpées sur des chars imposants.


Puis, pas si loin de la "Promenade des Anglais", nous découvrons le Nice authentique avec ses ruelles parfois douteuses, ses petits métiers, ses boutiques et ses artisans bien typiques mais aussi ses femmes se réunissant au lavoir, ses habitués jouant sur les trottoirs avec leurs doigts sans oublier la confection de sa cuisine typique... enfin tout ce qui fait la vie populaire et non "artificielle" de Nice. Les bateaux de guerre plus au large semblent veiller sur la ville alors que les militaires défilent en toute solennité. Le calme d'un cimetière nous dépayse un peu par sa sérénité. Plus loin les fumées s'échappent des usines qui vont contribuer à industrialiser la ville.


Jean Vigo, décédé trop jeune est le type même du "cinéaste social". On ne peut oublier l'admirable "L'Atalante", son chef d'œuvre, et "Zéro de conduite" qui furent de purs exemples du militantisme du réalisateur contre les nantis, le gigantisme et la débauche. Jean Vigo, le scénariste et Boris Kaufman, pour la photo, se montrent par ce documentaire très accusateurs envers cette société de riches et nouveaux riches oisifs. Ainsi les femmes élégantes et fières de montrer la dernière signature de tel ou tel couturier sont comparées à des autruches. Les gens se languissant sous le soleil afin de faire admirer au retour leur bronzage se dessèchent et sont comparés à des crocodiles immobiles au regard éteint. Jean Vigo insiste beaucoup sur la débauche symbolisée par cette femme nue exposée aux regards de tous. Le célèbre Carnaval terminé, les réalisateurs s'attardent sur les déchets entassés lors de la fête jugée presque subversive.


Ce sont deux sociétés qui nous sont montrées, le monde du travail et le monde de la richesse et de la débauche qui ne pourront se rejoindre que dans la mort, la seule justice sur terre évoquée par Jean Vigo. Nous constatons ici que les ouvriers, les gens besogneux, les gens peu fortunés vivent leur vie bien séparément, loin de cette débauche et de cette vie "artificielle".


Cette vision des choses peut certes paraître un peu simpliste de nos jours. Ce film cependant reste un document précieux sur les opinions très tranchées de cette époque de l'entre deux guerres et nous permet de mieux appréhender ces deux réalités de la vie qui s'affrontaient en permanence.


Ce film fut tourné en une seule journée et présenté à Paris la même année aux "Ursulines". En raison de la hardiesse du sujet la critique fut très mitigée mais les temps ont changé, ce court métrage est devenu un "classique", ne passez pas à côté !

Grard-Rocher
8
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le 27 avr. 2015

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