Dans A mon seul désir, Lucie Borleteau nous plonge dans le milieu du striptease féminin. Si elle ne cache nullement les désagréments que peuvent connaître ces travailleuses du pole dance (il y a deux-trois moments glauques pour le souligner !), la réalisatrice fait un portrait de femmes qui trouvent un épanouissement à exercer cette profession peu commune. Pas de morale, pas de misérabilisme, pas de victimisation, ce qui est tout à l'honneur de cette œuvre. Ce sont des êtres libres qui trouvent la liberté par leur corps.


Et tout cela est balancé dès les premières minutes, par l'interpellation d'un personnage secondaire, brisant effrontément le quatrième mur, pour que le spectateur range très vite au vestiaire ses a priori, son embarras, ses inhibitions, et oublie de les reprendre en sortant, pour voir positivement cette activité. Elles ne font de mal à personne (au contraire, dirais-je même !), elles sont heureuses, qui sommes-nous pour les juger ?


L'énergie communicative, loin d'être dénuée d'humour, des deux comédiennes principales, Zita Hanrot et Louise Chevillotte, mène efficacement la danse, le tout sur un ton proche du conte de fées. Ce qui est intéressant aussi, c'est de rendre complémentaires deux personnes aux objectifs opposés, donnant une dynamique suffisamment diversifiée, en conséquence, dans la deuxième moitié. Si elles pratiquent toutes les deux l'effeuillage avec passion, l'une cherche à atteindre de hautes ambitions artistiques, en voulant se frotter à Racine ou à Tchekhov, tandis que l'autre se plaît à remplir le plus possible son compte en banque, quitte à forniquer avec la prostitution pour ça.


Tout n'est pas sans défauts.


La première moitié enchaîne un peu trop longuement les numéros de striptease pour ne pas ressentir une certaine sensation de répétitivité, qui peut virer à une certaine lassitude. Reste que ça évite, en même temps, l'écueil débile, que l'on voit assez fréquemment au cinéma, de "il est dit que tel personnage travaille beaucoup, or, on ne le voit pour ainsi dire jamais en pleine activité professionnelle ou être un minimum épuisé du fait de cette dernière, donnant l'impression de vivre comme un rentier, ne branlant rien de ses journées !".


Les diverses collègues de nos deux protagonistes auraient mérité qu'on s'y arrête un peu plus, car on entrevoit des figures passionnantes, hautes en couleurs (à l'instar de la jeune et canon pimbêche ne manquant jamais une occasion de couper l'herbe sous le pied aux autres, du monsieur bienveillant et protecteur chargé de l'accueil des clients, etc. !). Ouais, parce que, l'air de rien, je trouve que les coulisses de ce monde sont aussi dignes de s'y attarder que ce qui se passe sur scène, devant les regards lubriques de ces messieurs (un peu moins de scène, un peu plus de coulisses pour la première moitié, ça aurait été un poil mieux et plus équilibré !).


Quant à la romance entre nos deux héroïnes, sans être gênante, elle n'apporte pas grand-chose dans un ensemble qui avait suffisamment de chair (au sens propre comme au sens figuré !) par l'intermédiaire direct du sujet central du film, à travers les affinités, les oppositions, les interactions de chacun (ou plutôt, surtout, de chacune !) en lien avec l'univers portraituré.


Malgré tout, pour les très belles qualités que j'ai mises en avant, ce long-métrage déshabillé mérite qu'on entre dans cet antre de la liberté.

Plume231
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le 7 avr. 2023

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