Terrence Malick nous livre une fois de plus une romance entrainant une forte réflexion sur l’existence de l’être, un poème visuel que l’on ne retrouve dans aucun autre genre cinématographique. L’être spectatoriel est léger, il transperce le ciel et le soleil comme les personnages, surplombe l’horizon et s’engage dans un voyage spirituel rare.

To the Wonder débute en France, dans les recoins bien connus d’un Paris vu et revu mais que l’on retrouve ici avec plaisir puisque la caméra de Malick ne laisse pas de place aux clichés. Neil (Ben Affleck) et Marina (Olga Kurylenko) emmènent leur amour au pieds et sur les marches de la Merveille, le Mont Saint Michel. Leur histoire se poursuit ensuite en Amérique ou l’on va suivre les réflexions d’un prêtre (Javier Bardem) et la dégradation d’un couple, de l’amour, de l’homme. Le montage saccadé et la symbolique de chaque plan amène la chute de la relation qui lie les deux personnages principaux. Les plans à l’épaule montrent une certaine instabilité dans l’histoire de chacun des protagonistes.

Le cinéma de Malick est ici non verbal, seul les gestes, les regards transmettent les émotions. Les mains se touchent intensément ou s’effleurent seulement, le regard est fuyant comme les plans de nature qui s’envolent dans les cimes des arbres jusque dans les recoins de l’horizon. Le regard est aussi parfois fixe, comme ces habitations rectilignes, ces grandes surfaces dans lesquels se perdent des ombres, des fantômes de la société.

Les personnages sont des spectres qui se déplacent, se touchent. Des spectres dotés de pensées mais non de parole. La voix off retranscrit ces pensées confuses, celles du prêtre qui aime mais ne trouve pas de retour, pose des questions sans obtenir les réponses, se questionne sur l’existence de ce qu’il pense être le tout puissant. Marina est une âme perdue, déchirée entre la passion et l’incompréhension. Elle aime Neil du plus profond de sa personne. C’est un être léger qui ne cesse de virevolter, de sauter et de rebondir, qui sourit à la vie et à son mari qui ne trouve de réponses que dans le silence froid. Neil fait ensuite la rencontre de Jane, une femme seule. Une passion nait alors, mais cesse immédiatement. La structure de l’existence de Neil bascule de nouveau, amené par des plans qui ne cessent de le poursuivre, des plans en constant déséquilibre. Pendant que Marina court et transperce le paysage, Neil patauge dans le sable du Mont Saint Michel, escalade des montagnes de graviers et de boue, se perds dans les yeux de Marina, dans l’amour de Jane et succombe dans son silence.Tout n’est que souvenirs. Les trois personnages sont à la recherche d’un réveil, d’un amour qu’ils pensaient avoir trouvé, avoir dépassé mais qui finalement s’éteint dans les plaines, dans le vent et le ciel, dans l’espérance et le doute.

La musique classique est le rythme de ces histoires, le souffle de chacun des personnages. Elle redonne vie à des choses qui semblent mortes, à des images figées dans un froid pesant, à des plans fantastique pénétrant la vitalité de Marina qui s’éteint peu à peu. Le ton biblique amené par l’histoire tombe sous l’enseigne de la réflexion grâce au prêtre qui lui aussi se perd, transmet ses pensées d’une voix puissante et sombre. Le mal semble être à chaque coins de rue (à l’image de l’amie de Marina qui la pousse à se libérer ou encore cet homme qui l’entoure de ses bras dans lesquels elle se perds avant de sombrer dans son torse marqué d’une tête de mort) mais toujours évité par une certaine crainte qui finalement n’entraine qu’une descente plus lente, plus énigmatique pour chaque personnages. Marina se bat, court dans les plaines, devient ombre parmi les rayons du soleil, balance ses mains vers le ciel, vers cette chose qu’elle ne voit pas mais qu’elle croit connaître. Elle est poussée vers les hauteurs, vers ce soleil qui scintille mais qui ne peut l’aider dans sa quête. Le silence est la seule réponse apportée à Marina par Neil, la seule solution de continuité de la foi pour ce prêtre buriné et seul. La petite fille que l’on ne voit qu’au début est la finalité de la vie de Marina, une finalité qui s’en va pour laisser place à un long champ de réflexions, une grande étendue de vide et de silence caractérisé par les plans de nature. Neil est seul, il ne pense que très peu. Perché sur sa voiture au milieu d’un champ de bisons, il tente d’emmener Jane jusqu’en haut avec lui, un endroit ou le silence est maître. Il est cette île perdue dans un chao de sentiments et d’émotions, il est ce mont ou son amour pour Marina avait atteint son paroxysme, ce mont ou l’on touche presque le ciel, qu’on l’effleure du bout des doigts, ce mont où le prêtre pourrait trouver le repos dans ses questions. Il est ce mont prisonnier des eaux et de la douce brise qui l’entoure et dont il ne pourra jamais se libérer.

Malick nous offre un voyage intemporel à travers l’existence et le temps. Apres le chef d’oeuvre The Tree of Life, ce film complète avec tact un style cinématographique marqué qui enseigne et pousse à la réflexion au milieu d’un champ de bataille cinématographique ou viennent choir des films vaseux et triste de leur existence putrides.

Terrence Malick signe de nouveau une oeuvre impressionnante qui manie le cadre avec une puissance rare. L’aventure intérieure de chaque personnage est passionnante, que ce soit Marina et sa rage intérieure, son envie de vivre, sa passion qui l’a dévore, le Frère Quintana en quête de réponses ou Neil ce bloc de silence aux désirs cachés et oubliés. La force du film réside dans l’exploration du moi intérieur, la capacité à le montrer en image et non en paroles, le caractériser par la puissance de la musique classique, la musique des entrailles, l’emprise d’un regard, la symbolique du touché et le pouvoir d’un souffle.


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le 15 avr. 2013

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Charlouille .

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