Une avalanche d’assonances patronymiques en –ing et en –ang, un déballage anatomique ininterrompu de postérieurs et pénis chinois, un massage de pieds, un footing sur balcon by night. On se connaît à peine alors on ne va pas se mentir, voilà à peu près tout ce que je retiens de la première demie-heure d’A la folie, trop occupé que j’étais à l’élaboration d’un calembour plus convaincant que ce « Vol au-dessus d’un nid de cocos » qui me trottait dans la tête depuis l’extinction des feux. Il faut dire qu’on ne s’imprègne pas avec aisance de l’œuvre parpaing qu’est ce nouveau Wang Bing, véritable chantier émotionnel calqué sur 4 heures de pellicule ; d’autant plus quand l’on est un néophyte à l’esprit vagabond comme votre manœuvre de la critique ici présent, finalement parvenu à ses fins comme en témoigne ce brillant jeu de mots ethnic-friendly (fruit, garanti sans OGM, de 24h de reflux intellectuel et de ratiocinations intenses) exhibé fièrement au sommet de ce paragraphe. Et non il n’est pas éculé pour un sou, ma bonne dame.


De toute manière, chers partisans de l’efficience, à 3€50 la séance de 4 h pour le Printemps du cinéma, même amputée d’une demie-heure, c’est la garantie d’en tirer un rapport quantité-prix gargantuesque de type restau chinois avec buffet à volonté, l’indigestion en moins. « Et le pop-corn extra-large en plus ! », pensais-tu naïvement à l’idée d’un film providentiel dont la durée de projection permettrait enfin de rentabiliser le bucket sacré de 500ml. Du moins jusqu’à ce qu’un déluge de scènes impliquant des chinois dénudés sacrifiant à leurs besoins primitifs ne te rappelle l’adage qui veut que la paix gastrique n’est pas forcément là où on la croit.


Et surtout pas aux alentours d’un film comme A la folie. Objet de curiosité extrême, presque masochiste, le documentaire de Bing est une œuvre choc, nauséeuse, sans concessions, une plongée péremptoire dans une enclave de béton, que l’on pourrait croire, à tort, coupée du monde. Car si l’établissement semble vivre en marge de la société, il se trouve bel et bien au cœur d’une ville à proprement parler – avec des feux de signalisation et des policiers municipaux si si - comme nous le suggèrent les buildings aperçus du balcon en coursive, seule échappatoire de ce trou à rats infernal, ou les animations environnantes lors du nouvel an.


Locaux sales recherchent amour propre


Affranchi de tout préambule ou contextualisation, A la folie est un paradoxe à la hauteur de son sujet. Il n’offre rien à un spectateur procédant à tâtons en quête d’indices pour saisir le sens de cette semi-prison étrangère et hostile dont on perçoit peu à peu l’organisation, de la séparation par étages entre hommes et femmes à la prise de repas dans la cour, sans jamais en prendre totalement la mesure (Qui enregistre les arrivants ? Qui gère l’institution ? De quoi souffrent exactement les patients ?) mais, dans le même temps, ne lui épargne rien de la réalité de ce bâtiment où ne figurent ni douches, ni lits nominatifs. Officiellement, hôpital psychiatrique du Yunnan, dans le Sud-Est de la Chine, où séjournent, parqués anarchiquement dans des chambres impersonnelles, plusieurs dizaines d’hommes de tous âges « répertoriés » comme fous - sans que le sens que recouvre cette notion ne soit vraiment clarifié - information déjà éprouvée pour peu que tu aies lu le synopsis (sacré toi, cinéphile admirable !). Officieusement, monde parallèle étouffant de type débarras humain à l’architecture redondante – sublime alternance de mur en béton et de grilles en acier - où les règles d’hygiène élémentaires auraient été refoulées à la frontière aux côtés des notions de confort, de dignité et où officie un personnel médical semblant avoir perdu le fil de la distinction entre drogue et médecine, entre patient et captif.


Focalisant son travail sur l’étage des hommes, Wang Bing pose un regard franc et dépouillé de tout artifice sur la vie quotidienne de ces hommes parqués et désœuvrés, mais terriblement attachants, dont on ignore bien souvent tout sauf le nom et la durée d’internement - indiqués en sous-titre -, entre trocs dérisoires, querelles futiles, rituels absurdes, réflexes hallucinatoires et conversations insensées. Tant de moments insignifiants magnifiés par le documentariste autour de portraits, sans forme ni fond défini, nous livrant florilèges de scènes mémorables mettant en exergue les affres de l’enfermement et de la cohabitation forcée, de la déchéance lente ponctuée de moments de révolte des nouveaux arrivants au mutisme résigné des vétérans du lieu. Ici, un plan fixe interminable sur les délires d’un détenu cherchant vainement le sommeil ; là, l’évolution en deux séquences, situées à un bout et l’autre du film, du rituel d’un détenu pour uriner dans une bassine, tantôt presque incapable de se passer de cabinet, plus tard, ne prenant même plus la peine de quitter son lit. Une constante : une absence totale de gêne en présence de la caméra. En ce pays, où le paraître est essentiel (la notion de « face » est capitale chez les chinois), on fait difficilement plus édifiant.


Souffrance, résistance, accoutumance


L’institution psychiatrique s’impose sur toute la durée du film comme un véritable briseur d’humanité, gommant la personnalité de ces hommes sous le joug de ce personnel médical, infantilisant et insensible à leur détresse, dont le recours insupportable à la violence cohabite avec un usage, d’un zèle presque cocasse, de la seringue et du médicament à des fins tranquillisantes. Totalitarisme pharmaceutique qui n’est pas sans rappeler « Vol au-dessus d’un nid de coucous ». Ou quand la réalité rattrape la fiction. La dépasse. La caricature. L’écrase.


Et pourtant malgré ce déni perpétuel de leur dignité, fleure toujours chez ces hommes un inextinguible désir de survie. Physique, bien sûr, via ces incessants partages ou trafics de nourriture mais surtout spirituelle, avec ces diverses tentatives pour conserver un semblant de sensibilité : un rapport de hiérarchie improvisé entre un masseur et son client, un moment de camaraderie échangé avec un congénère, quelques mots écrits au stylo sur un bout de papier ou un de ces éclairs de lucidité ou de résistance face à la rudesse de leur situation : « Combien de routes existe-t-il ? La nôtre est une impasse. » gémit le dénommé Ma Jing en s’écroulant sur un banc. Bouleversant.


Et c’est dans l’exhibition fascinante de ce rapport à la survie, aux tréfonds de l’aliénation, que le documentaire prend tout son sens. Entendons-nous bien, si visionner A la folie dans son intégralité tient de l’exploit physiologique tant le film met à l’épreuve la résistance de vos paupières à la force gravitationnelle - d’autant plus en cette séance post-déjeuner dans ce cinéma étriqué d’un autre temps qu’est le MK2 Beaubourg – que dire dès lors du travail de Wang Bing dont l’œuvre tient d’une espèce d’effort à l’idée de laquelle le terme d’exploit paraît bien insuffisant. Et ce, sans même évoquer les risques encourus par l’homme pour pénétrer dans une institution étatique quand l’on connaît les inimitiés de sa mère patrie avec le concept de liberté d’expression.


Ma question préférée : Qu'est c'que j'vais faire de tout ce sommeil ?


Véritable Solid Snake du commentaire social, armé d’une seule caméra, Bing s’infiltre avec brio dans la vie quotidienne de ces laissés pour compte. Discret, bienveillant, presque fantomatique, il s’attache à capter avec une empathie communicative toute l’essence de l’existence désuète de ses sujets d’étude sans jamais prendre le pas sur la spontanéité de leurs trop rares témoignages d’humanité. Généreux, patient et délesté de tout formalisme dialectique, Bing désarticule son travail d’observation pour mieux s’approprier le quotidien désinhibé de ses hôtes et ne rien négliger de leurs errements irrationnels (car qu’est-ce qu’un fou, sinon un individu dont on ne peut prévoir le comportement ?). S’improvisant simple témoin, il s’attache ainsi à abolir la frontière entre réalisateur et caméra, abolissant du même coup celle entre caméra et spectateur. Un spectateur, dès lors, plus submergé par un chaos émotionnel ambiant qu’imprégné du dépouillement morne du lieu. La souplesse de la forme au service de l’exploration du fond, en somme.


Cela s’observe tout particulièrement au travers de thématiques récurrentes du film comme celle du sommeil, dont on saisit vite l’importance car souverainement mise en évidence par la physionomie extraordinaire du film s’étalant sur 4 heures d’un faux rythme décontenançant. Dénué de temporalité ou d’un cycle jour/nuit régulier, comme l’incarne à merveille cette unique salle de séjour du bâtiment constamment occupée et éclairée, le format du film excelle à retranscrire cette somnolence persistante qui semble habiter les internés dont la journée s’apparente bien souvent à un vagabondage sans but entrecoupé de phases de sommeil intempestives plus ou moins agitées. L’on comprend alors bien vite que le sommeil est un bouclier providentiel contre l’acharnement du temps qui amène avec lui son lot de doutes, d’ennui et de réflexions potentiellement destructrices car survivre c’est d’abord survivre à soi-même. Le sommeil s’impose alors comme la seule richesse de ces hommes privés de tout, la seule richesse qu’on ne peut leur taxer comme le suggère ce détenu dans une de ces mémorables déclarations prises sur le vif qui trouvent écho dans tout le reste du film.


A la folie aurait pu être un film d’un ennui inégalable. Il est au contraire une expérience d’une richesse évocative rare. Fable désenchantée sur la condition humaine, elle recèle ainsi de moments de poésie, désespérants comme transcendants, portés par la candeur d’un Bing passé maître dans l’art de trouver activité dans le désœuvrement, tendresse dans l’arbitraire et beauté dans l’insalubrité, redonnant par la même occasion sens et reconnaissance à l’existence de ces hommes et poids à un propos d’une importance capitale sur la valeur inaltérable de la vie humaine. Quel autre film et quel autre réalisateur aurait pu nous offrir une scène de romance aussi touchante que celle de ce couple d’internés, s’échangeant amabilités à travers la grille de l’étage des hommes, coupant la lumière de l’étage pour un instant volé d’intimité ? Si certaines séquences sont plus marquantes que d’autres, toutes contribuent à un recueil abouti dont le rendu dantesque et décousu paralyse d’une émotion glaçante une audience autant fascinée que médusée.


Comme toute œuvre dont le matériau de base tend irrémédiablement vers l’absurde, A la folie nous offre également quelques moments de comédie rocambolesques, des dialogues pêchus et sans ambages des détenus à leurs monomanies abracadabrantesques qui sauront susciter un rire tantôt tendre tantôt nerveux mais jamais moqueur. Effet subtil de mise en scène pour instaurer un rapport de distanciation grinçant à l’égard une réalité difficilement supportable. Un rire jaune donc. (après celle du titre, je me savais attendu pour celle-ci).


Welcome to the ma-chine


Au-delà de son travail cinématographique d’une grande acuité, l’œuvre humaniste de Bing prend toute son ampleur dans la portée sociale de son message. Parfaitement incarnée par ce couple dont la femme rend visite à son mari interné pour lui apporter nouvelles et victuailles, la thématique omniprésente de la séparation (à laquelle le titre anglais du film « ‘til madness do us part » - traduction : jusqu’à ce que la folie nous sépare – fait bien plus justice) délivre un éclairage subtil mais ô combien primordial sur la situation sociale de la Chine, pays en brutale transition, tiraillé entre une société traditionnelle et l’instauration éclair d’une économie de marché vampirisant les populations rurales et déformant les paysages. Un bouleversement socio-économique dont la marche en avant ne peut être ralentie, quitte à laisser les lents, les inadaptés voire les opposants obstruant le passage sur le côté, dans une de ces institutions barbares que le film présente.


A la folie c’est surtout la parabole d’une société fuyante et changeante qui feint de résoudre ses problèmes sociaux en dissimulant les victimes de ces transformations, en ostracisant les voix discordantes et en dressant des frontières invisibles entre elles et ceux qui en tirent contentement sinon privilège. A l’échelle d’une famille comme d’un pays, ce sont ceux-là mêmes qui ne peuvent ou ne prennent pas le temps de comprendre la singularité de ces individus décalés ou tout simplement malades, se contentant de faire disparaître leurs symptômes gênants en les isolant. Les diverses séquences où interviennent les gens de l’extérieur illustrent d’ailleurs assez cette volonté de couper les ponts, décision parfois teintée d’une certaine culpabilité. Culpabilité totalement absente du côté d’institutions publiques désespérément silencieuses, portant même l’offense jusqu’à faire payer les familles pour l’internement de leurs proches.


Ou comment la réalité d’un bâtiment perdu dans le Yunnan peut en dire long sur une problématique nationale voire universelle : la ségrégation des indésirables. Une femme qui appelle son mari qu’elle vient de faire interner plutôt que de lui rendre visite personnellement, une nouvelle chanson jouée par une femme de détenu sur le haut-parleur de son portable au milieu de détenus n’ayant même pas de quoi se laver, tant de scènes servant ce parallèle probant entre ce monde globalisé de l’indifférente modernité et ce sous-monde de sociabilité contrainte où conflits, partages et un certain sens des valeurs humaines semblent perdurer, envers et contre tous, dans l’indicible et la marginalité. Sous-monde où le temps, bien le plus précieux d’une société ultra-individualisée où tout doit être produit et recraché plus vite, est le pire ennemi et où les chimères de la fête et de la technologie n’ont pas droit de cité, sous-monde alertant sur les dérives d’un pays dépassé par son propre destin.


Prendre un cadre restreint et effroyable pour offrir une grille de lecture sur un monde qui change, là est le véritable tour de force de ce chef d’œuvre qu’est A la folie. A la hauteur d’autres œuvres sur les laissés pour compte de cette modernité galopante comme le légendaire « Voyage à Tokyo » d’Ozu, A la folie trouve toute sa puissance dans la grandiloquence du pays de Mao où tout est plus grand, plus dense, plus fou. Que vaut dès lors la vie d’un seul homme en un pays où ils sont des milliards à vivre et certainement des centaines de millions à vouloir embrasser cette modernité qu’on leur vend à grand coup de publicités et de success stories ?


Nique sa mère la réinsertion


Et puis tout prend définitivement forme à quelques encablures de la fin du film, lors de ce passage inoubliable, et que l’on croit à tort revigorant car étant le seul en dehors du cadre oppressant de l’asile, qui suit la permission d’un interné de retour provisoirement parmi sa famille. Preuve supplémentaire et ultime de la cohésion entre fond et forme de l’ensemble, cette séquence synthétise à elle seule tout le raisonnement du film : la dissolution du temps, le mur invisible de l’inaptitude sociale, la modernité en lame de fond, le choc de deux mondes incompatibles, tant d’idées faites cinéma par un décor exemplifiant le discours d’un documentariste décidément sensible au moindre détail.


Alors bien sûr il y’a cette scène invraisemblable où Bing est amené à suivre, plusieurs minutes durant, le détenu errant sans but dans la ville de jour comme de nuit, perdu dans ses pensées, comme ayant intériorisé cet isolement physique qu’on lui a fait subir, éludant le temps et sa famille qui ne le comprend pas. Mais il y’a surtout cet environnement qu’on imagine méconnaissable pour un individu qui a passé plusieurs années enfermé. Une maison d’un confort rudimentaire où trône une télé à écran plat, une ville dont le décor rural est travesti par des chantiers à l’abandon et des routes désertes qui sont autant d’indices d’une transformation socio-économique brutale dont tous peinent à saisir les aboutissants, happés par une machine infernale qui oblitère la réflexion, la laissant seul apanage de ceux qui fuient une réalité dictatoriale. L’épitomé du prix du changement dans une région pauvre de la plus grande puissance économique du monde. Ou quand les victimes ne se trouvent pas seulement là où on les croit.


Vous en doutez encore ? Attendez la fin.


Un épilogue textuel offrant enfin quelques pistes sur la nature de ce centre psychiatrique, nous informant que les « fous » qu’il prétend regrouper sont aussi bien des meurtriers que des individus inoffensifs en conflit familial ou de simples opposants politiques, dont on s’assure qu’ils seront tenus au silence. Dès lors, comment blâmer ce personnel médical, obligés de composer avec cette population anarchique et potentiellement dangereuse ? Quel regard poser sur ceux qu’on prenait pour des geôliers en blouse blanche quand ils sont autant victimes que bourreaux de ce territoire, dont le sens ne doit trouver grâce qu’aux yeux du gouvernement chinois, grand absent des festivités ? En un simple paragraphe et dans un dernier coup de maître, Bing renvoie aux oubliettes tout soupçon de manichéisme que pourrait susciter son œuvre. Ou comment couronner avec la manière un travail déjà brillant.


Un travail épique, insoutenable, torturé, complexe d’accès mais d’une grandissime maîtrise, un coup de massue cinématographique animé d’une ferveur humaniste précieuse, la croyance indéfectible en la force de l’humanité en des places où on la croirait éteinte. Un exercice de style et de substance grandiose, une incursion sans convenances d’usage dans une petite portion d’enfer sur terre livrant un visage décomplexé à une triste réalité éclairée d’une nouvelle lumière. Ou quand le voyeurisme devient acte politique. Point besoin de grand discours, d’hashtag accrocheur ou de passage en prime time, juste un homme, une caméra et l’attention de quelques particuliers suffisamment dispendieux avec leur temps libre pour avoir 4 heures à consacrer à ces âmes égarées.


Quand le militantisme se fait modeste mais vertigineux. Quand les superlatifs manquent.


Une œuvre majeure entière et à part entière. Tout simplement. Et la réminiscence magistrale qu’à la folie succède le néant.


Chapeau/entonnoir.

Spike_Fischer
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le 8 avr. 2015

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Spike Fischer

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