Oui, il s'agit d'un étrange P&P. D'aspect décousu, avec ces histoires, ces personnages, ces discours qui semblent s'entremêler sans queue ni tête dans un canevas à l'allure bien vaine, le film ronronne la plupart du temps.
Un rythme pourtant enlevé ne parvient pas à lui donner une apparence de comédie policière pleine d'ardeur, de celles qui tiennent le spectateur en haleine.
Non, pas du tout. On navigue là sur un fleuve très tranquille. Trop, si l'on en croit le four que le film a fait et la longue période pendant laquelle le public, la critique et ses auteurs eux-mêmes ont continué à l'ignorer.

Depuis quelques années pourtant, il retrouve grâce aux yeux de tout le monde. Parce qu'il regorge de quelques bonnes idées de mise en image ou en scène. Bien avant Kubrick et son os orbital, Powell inventait l'aigle qui se transforme en spitfire.

Surtout parce qu'il fait jaillir dans l'oeil du fanatique de P&P quelques autres pépites plus insidieusement.
Ce qui a maintenu mon regard plein d'indulgence ce sont justement tous ces petits à-côtés, ces petits moments de prime abord anodins mais qui s'affirment comme de véritables petits bijoux, des mini odes à la joie, de vivre (on reconnait là la patte du couple P&P), ces instants et ces mots qui vouent une sorte de culte élégiaque, qui saluent sans arrêt le spectacle de la nature et la beauté de savourer la simplicité de la vie.
Il y a également quelque chose de très sensuel tout le long du film. Bien entendu le bruit du vent dans les arbres, le mouvement des nuages, les perspectives offertes par la ville de Canterbury dans la campagne du Kent environnante, l'enthousiasme des trois personnages principaux à suivre une route commune, sur les pas parallèles des pélérins du passé, l'un voulant oublier une femme qu'il pense avoir perdue, l'autre cherchant à oublier la perte de son homme pendant la guerre et le dernier vouant son énergie à oublier son rêve d'enfant.

L'enquête, subterfuge un petit peu lourd en effet de la part de Pressburger (le glu-man me semble faiblard), sert d'ossature initiatique à ces trois personnages pour parvenir à déjouer leurs fantômes. C'est bien fait. Lentement mais sûrement, étonnament sans ennui, on passe un moment très agréable.
Sans être un des meilleurs P&P, le film a des atouts à ne surtout pas négliger.
Alligator
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le 5 janv. 2013

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