Joaquim Phoenix incarne Joe, brute polytraumatisée à l’enfance difficile et à la vie compliquée qui se retrouve gros bras spécialisé dans la récupération de personnes disparues, des jeunes filles surtout.


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Avec son format court d’une heure vingt-cinq et son scénario (sûrement volontairement) réduit par une approche minimaliste stylisée, A Beautiful Day fait figure de poème visuel urbain morbide. Son héros/ogre à la rescousse d'une blonde prépubère, toujours à une balle près du suicide, rappelle fortement Travis de Taxi Driver, mais aussi Léon, Ghost Dog ou the driver, le Refn dont on sent souvent l’influence affleurer un coup de marteau à la fois. L’objectif de l’écossaise Lynne Ramsay est, semble-t-il, de prendre le contre-pied de tout ce que le genre a à offrir, ne dérogeant jamais à un rythme posé, presque pesant, pour montrer Joe traverser les événements en fantôme de sa propre vie. Un dispositif se dessine, on montre le passage de notre héros sans qu’il soit dans le cadre comme le titre original l'indique, You Were Never Really Here (tu n’es jamais vraiment là). Des plans sur des chaises vides, des téléphones raccrochés ou à travers des fenêtres pluvieuses finissent par donner une irréalité à la quête émaillée d’ultraviolence de notre croquemitaine mutique, consumé d'avoir combattu le feu par le feu.


La réalisation veut se détacher de son histoire, à la façon de Drive l’épure permet de toucher au symbole avec des passages tombant carrément dans l’abstrait, comme les cinq premières minutes ou une scène aquatique (avec une gestion de la physique empruntée à Final Fantasy 7) et les nombreux meurtres sans la moindre conséquence. Le principal problème étant sa structure, trop facile, et certain passage présentant une forme d’incohérence volontaire pour montrer l’état d’esprit maniaque de Joe, qui restent quand même dans l’incohérence tout court. Joaquim Phoenix aura beau dégager une intensité folle, le voir se foutre torse à poil après chaque meurtre en respirant fort reste du domaine de la redondance.


A Beautiful Day, aussi belles que soient ses idées visuelles, confond trop souvent épuré et simpliste, silence et vide, sincérité et naïveté. L'exercice de style est souvent brillant mais trop rarement viscéral. S'il prend le compositeur de Paul Thomas Anderson, il n'atteint jamais l'empathie que l'on a dans The Master, là aussi avec Joaquin Phoenix, là aussi le récit d'un traumatisé.


Au final A Beautiful Day n’est pas mauvais, loin s'en faut, et a dû faire sacrément plaisir au festival de Cannes en étant bref et punchy, mais sur une trame qui a vu pousser les géants cités plus hauts, il lui est difficile de vraiment sortir de l’ombre.

Cinématogrill
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le 8 nov. 2017

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